“Calme, en avant, droit” : la formule du Général Alexis l'Hotte au XIXe siècle pour fixer les principes de l’équitation en matière d’attitude du cheval et d’assiette du cavalier, s’applique bien à la philosophie de l’Ecole de Saumur – ou plutôt des Ecoles, puisque l’EAABC (Ecole d’application de l’arme blindée cavalerie) est désormais associée au Centre d'Enseignement et d'Etudes du Renseignement de l'Armée de Terre (CEERAT), à l’école d’État-major (EEM) et au Centre de Défense Nucléaire, Biologique et Chimique (CDNBC).
Former les cadres militaires et préparer les opérations futures à partir de l’expérience du passé même le plus récent, par des apprentissages dans tous les domaines, de la tactique à l’aguerrissement en passant par le renseignement, la géographie et le NRBC (nucléaire, bactériologique et chimique), c’est un esprit pluridisciplinaire qu’on retrouve ici et même, par certains côtés, universitaire. Et ce n’est pas un hasard puisque Saumur fut autrefois le siège d’une brillante université protestante…
L’Ecole, pour symboliser par un singulier collectif les Ecoles qui travaillent ensemble, avait ouvert ses portes à l’invitation du général Arnaud Sainte-Claire Deville, commandant les Ecoles de Saumur, pour deux journées de travail et de visites, à l’association des journalistes de défense (AJD) qui avait mobilisé pour ce déplacement une trentaine de ses membres, autour de son président Bruno Fanucchi.
Une table ronde avait été organisée par le Général Sainte-Claire Deville avec des cadres appartenant aux différentes Ecoles, dont quatre récemment revenus de l’opération Serval au Mali. Ils ont été unanimes à constater que, même si chaque théâtre d’opérations est nouveau et forcément différent du précédent, c’est la formation intensive acquise dans les écoles et appliquée dans les régiments qui est le garant de l’efficacité et de la sécurité des forces engagées.
L’un d’eux assure que cette formation, à tous les niveaux de grade, a certainement sauvé des vies humaines au mali car dans les moments les plus intenses des opérations, les militaires ont appliqué les procédures déjà jouées en école et en régiment. (au-dessus et ci-dessous : 3 photos ECPAD)
Sans entrer dans des développements trop techniques, deux points méritent d’être relevés : d’une part, contrairement à l’idée que l’action a été menée essentiellement par des parachutistes et fantassins, ce sont des raids blindés qui ont permis de prendre Tombouctou, Gao et Tessalit, dans une manœuvre restant bien entendu interarmes. D’autre part, cavaliers, géographes et spécialistes du renseignement ont travaillé ensemble pour mettre à jour une cartographie plus précise dans un milieu désertique pauvre en points de repère. L’utilisation du GPS et l’adoption du même baptême de terrain que l’armée de l’air pour les points significatifs ont été essentiels pour l’efficacité d’une action concertée entre les troupes au sol et le soutien aérien.
Si le retour d’expérience spécifique de l’arme blindée a déjà fait l’objet d’une analyse “retex” dans le numéro de septembre du Magazine Cavalerie publié par l’Ecole, l’opération Serval sera scrutée et commentée en détail aux Ateliers de la Cavalerie, journée d’étude organisée lundi prochain 21 octobre à l’Ecole militaire avec notamment un témoignage du général Bernard Barrera, ancien commandant de la brigade Serval.
Tourné vers l’avenir, Saumur ne renie pas la tradition et les journalistes de l’AJD, après une visite vendredi de la partie la plus moderne des Ecoles, ont pu bénéficier d’une visite du muée de la cavalerie et du musée des blindés, l’un des plus riches au monde par sa collection de chars en état de marche. Ils avaient pu assister dans la soirée à une reprise du Cadre noir, qui appartient désormais à l’Ecole nationale d’Equitation (ENE).
Bien que l’ENE dépende du Ministère de la Santé, de la Jeunesse, et des Sports, elle a le soutien des Ministères de la Défense et de l'Agriculture. Sn directeur insiste sur l’importance du lien avec la Défense et avec les armées. Il a du reste maintenu les grades sur les manches de la célèbre tenue noire, alors que d’aucuns voulaient les supprimer.
Immuable dans la perfection, car tout l’art du dressage à la française consiste à rendre invisible au public le travail du cavalier pour ordonner à son cheval les figures, allures et attitudes les plus impossibles, le spectacle offert par le Cadre noir reste toujours surprenant par des innovations scénographiques. Vendredi soir c’était un orchestre de jazz qui accompagnait la reprise, puis au milieu du spectacle l’irruption de deux juments, guidées à la main par des écuyers, suivies chacune par un poulain de six mois un peu affolé par le décor et les lumières. Un instant de légèreté absolue.
J’ai eu la chance de partager ce moment équestre avec un marin, le capitaine de vaisseau Matthieu Drevon, commandant le Latouche-Tréville, dont Saumur est la ville marraine. Il était venu inaugurer avec le maire Michel Apchin l’ancre de 3,5 tonnes offerte par la Marine nationale à la ville pour célébrer 24 ans de parrainage. Cette ancre a été installée jeudi sur le quai Frégate-Latouche-Tréville, dans l’île Millocheau. Qui a dit que Saumur état une petite ville de province figée dans le cadre peint par Balzac dans Eugénie Grandet ? A Saumur on respire l’air du large…
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