Passée la pleine saison des estivants, la nature reprend ses droits et la plage d’automne redevient un lieu secret et sauvage, plein de mélancolie, où les mouettes font bon ménage avec les oiseaux migrateurs en route pour des régions plus chaudes. En Toscane comme ailleurs, le rivage est alors une terre vierge qu’il faut savoir redécouvrir lentement, patiemment, dans le silence du vent et des vagues en parcourant un paysage où, passée la lumière éclatante de l'été, dominent les teintes pastel.
La longue plage de sable qui rejoint Piombino à Follonica au sud a la particularité d’être un coin de nature préservée entre plusieurs sites industriels – alors qu'au nord de Piombino, on trouve au contraire une réserve naturelle faite de falaises et de maquis – entre le grand centre sidérurgique de Piombino et l’usine thermo-électrique sur la rivière de la Cornia, derrière la "tour du sel". Mais l’une est en déclin et fonctionne à un tiers de sa capacité, pour le plus grand désespoir de ses ouvriers, et l’autre ne fonctionne qu’en appoint en cas de surconsommation d’électricité. Autant dire que la pollution y est discrète, surtout en période de crise économique.
Les quelques établissements de plagistes qui alignent pendant les mois d’été des dizaines de matelas et de parasols sont désertés, petits cabanons en bois balayés par le vent et envahis par le sable, jusqu’au printemps prochain où il faudra déblayer, nettoyer, repeindre… La plage et son environnement industriel sont le décor du film Acciaio (D’acier), film finalement assez médiocre tiré de l’excellent roman de Siliva Avallone, où deux adolescentes se réfugient dans cette zone semi-sauvage pour cacher leurs secrets et fuir un environnement hostile marqué par l'impressionnant haut-fourneau et les structures métalliques hostiles de l’usine sidérurgique.
Anna et Francesca ne sont plus là, leur abri a disparu, mais cette plage à l’ombre des cheminées géantes est vraiment au bout du monde, loin du bruit des gens et du fracas des machines. Elle reflète aussi la nostalgie d'une ville qui se voit décliner, malgré les manifestations des ouvriers sidérurgistes et les panneaux placardés partout : "Piombino non deve chiudere" (Piombino ne doit pas fermer).
Le sable, qui n’est plus nettoyé après la saison, est envahi de racines, d’algues, de bouteilles et de déchets divers venus de la mer. Les vagues rassemblent les coquillages en tas, et le ressac les brise en morceaux, puis en un sable aux nuances rose et blanc, qui deviendra le sable fin de la plage. Plus loin, un papillon est posé sur une souche : c’est un gracieux bivalve délicatement déposé par une vague sur une souche également déposée par les flots après avoir été rongée par l’eau salée. Les dernières douceurs de l'automne permettent encore ces promenades tranquilles. Bientôt, les tempêtes d'hiver, avec les tempêtes de vagues et de vent du large, chasseront la tranquillité et feront de ce rivage un lieu totalement désert.
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