J’étais intimidé en entrant au salon Nautic à la Porte de Versailes : à côté des longues files populaires du salon de la Moto, l’entrée du Nautic se faisait presque trop facilement, avec un public choisi et clairsemé, plutôt chic, découvrant des allées bordées par d’immenses yachts luxueux…
Et puis, derrière les gros stands de Beneteau, Jeanneau, Bavaria et autres Dehler, j’ai finalement vu des gens de mer, des barques à l’ancienne, des passionnés et, surtout, le Pen Duick 2 d’Eric Tabarly et son lointain successeur, le Tara Tari en jute du Bengale et son jeune navigateur solitaire de 26 ans, l’étonnant Corentin de Chatelperron, tout droit sorti des Passagers du vent ou d’une autre BD marine…
Salon des paradoxes mais avec un point commun, l’air de la mer, le bruit du vent et le sel des embruns qui changent de l’odeur d’essence et de polish du Mondial de l’automobile. Les nouveautés d’abord, comme promis sur les magazines spécialisés, montrent que malgré la crise le secteur est innovant : les Django 6.70 et 7.70, le Dufour 310, les RM, le Sun Fast 3200, le Sun Odissey 379, le First 40, on compare en montant dans les tailles et sans regarder le prix, comme au salon de l’auto… pour finir au milieu des kayaks, également de tout niveau (les plus beaux et plus chers chez le mythique Nautiraid). Chic et cher, beau à mettre dans son salon, le Tofinou 7. Un véritable bijou, qu’on hésiterait presque à mettre à l’eau pour ne pas le rayer…
Dans les plus petits, à la jointure entre les voiliers et les planches à voile, un concept amusant, le Tiwal (au-dessus à gauche), petite embarcation gonflable avec une structure tubulaire métallique, dont la coque rigide gonflée permet, avec un choix de deux voiles selon le vent, des effets planants très séduisants, au moins sur la petite vidéo présentée. Le tout se rangeant dans deux gros sacs de 30 kg, c’est une bonne synthèse entre l’engin de loisir, l’annexe et l’initiation à la voile… Montage garanti en vingt minutes, j’ai mes doutes sur la rapidité du dégonflage.
Petits également, les canots en charpente classique en bois ou avec une partie en polyester rappelant les vieux gréements, notamment les très jolies barques à voile des Charpentiers paimpolais alliant techniques anciennes et matériaux modernes – voir aussi sur leur site les restaurations de bateaux anciens… Les petits dériveurs d’initiation sont toujours nombreux et attractifs pour les jeunes – et des mats proposés à l’escalade pour des vocations de mousses…
Enfin la meilleure surprise était de rencontrer Corentin de Chatelperron, découvert dans un article de Voiles et Voiliers et qui présentait modestement son livre sur “L’aventure du Tara Tari” : le récit d’une navigation sans expérience entre le Bengale et la Côte d’Azur, douze mille kilomètres en six mois sur un petit voilier de sa conception, fabriqué sur un chantier du Bengale pour prouver l’efficacité de la toile de jute. Je l’ai acheté évidemment et me suis plongé dedans, il vaut la peine pour sa légèreté de ton et sa poésie, on peut lire gratuitement les 29 premières pages sur le site de l’éditeur, La Découvrance.
Au-delà de son côté pionnier et éco-responsable – la photo où on le voit cultiver ses salades à l’avant du bateau est unique – le témoignage de ce jeune aventurier est un fantastique message pour ceux qui sont rebutés par l’hyper-technologie de la navigation aujourd’hui, où l’équipement en radars, sonars, stations météo, tableurs et autres tablettes insubmersibles apparaît comme un investissement redoutable en connaissances, sans parler du coût.
Dérives latérales de concept antique, renforts de bambou, morceaux qui dépassent de partout dans un ensemble très exigu, ce petit esquif inspiré des bateaux de pêche bangladeshis inspire le respect, alors qu’il est si petit comparé aux voilier de croisière qui s’alignent tout autour. Comme la mini-Transat à une autre échelle, Corentin rappelle qu’on peut traverser des océans sur un voilier d’à peine neuf mètres, sans aucun confort et avec une instrumentation quasi nulle. Son témoignage est aussi fort que celui de Kenichi Horie qui, à 23 ans, avait été en 1962 le premier Japonais à effectuer la traversée du Pacifique à la voile en solitaire sur un petit voilier de moins de six mètres, conservé depuis à San Francisco.
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