Petit grain de riz sur le gâteau du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises, le Grand Palais accueillait cette semaine, dans le cadre de l’exposition d’art contemporain Paris Art Fair, une collection assez rare d’artistes chinois dont certains des plus connus, précédés à l’entrée par le “Poing rouillé” de Liu Boling.
En vedette le célèbre sourire énigmatique, comme une Joconde à pleines dents, de Yue Minjun. Un sourire repris par l’artiste dans un “guerrier en terre cuite contemporain”, personnage en acrylique grandeur nature ci-dessous, référence en clin d’œil aux guerriers de Xi’an. Beaucoup de ces œuvres sont pleines d’humour, comme ce mécano qui rêve d’avion en réparant sa bicyclette de Fan Zhunzan, sous le titre “How much time does the reality give to my dream”…
Comme écrit dans Le Figaro, on trouvait “le meilleur et le pire” parmi ces 90 artistes chinois exposés, mais l’intérêt est que c’est un art accessible à tous, de tout âge et de tout milieu socio-culturel, comme on pouvait le constater dimanche pour le dernier jour, avec des familles entières avec enfants et bébés, ainsi qu'un nombre impressionnant de visiteurs chinois ou d’origine chinoise. A travers les peintures, sculptures, assemblages et photos, et dans les sujets traités, pour le figuratif, beaucoup de références au passé, ironiques sans être irrévérencieuses, montrent la distance prise par les artistes contemporains dans la Chine actuelle.
Ci-dessus, des petits soldats de Shen Jingdong, et à droite une autre interprétation par Fan Shunzan du même thème, “How much time does the reality give to my dream ?” qui doit sans doute se lire au second degré. Ci-dessous, à gauche, huile sur toile de Xu De Qi, “Super Mao”, synthèse audacieuse d’idéologies autrefois adverses et aujourd’hui réconciliées dans l’esprit des plus jeunes – ou pour le moins relativisées dans ceux des autres…
Ci-dessous à gauche, série de photos de tatouages de Qin Ga : The miniature Long March… ou comment l’itinéraire de la Longue Marche en rouge est illustré sur des cartes de Chine peintes sur un large dos d’homme.
Peiture néo-classique ci-dessous à gauche avec Chang Lei, “Sanguinary shadows of Chinese civilization”, mélange d’une peinture traditionnelle très minutieuse et d’une approche plus moderne, mais n’étant pas critique d’art je ne me hasarde pas plus loin dans ce qui a été un étonnement subjectif pour la qualité du dessin. A droite, une série de portraits “osmose” sous la grande voûte du Grand Palais.
Ci-dessous à gauche, “In the same boat”, grande huile à deux panneaux de Li Baoxun, et à droite une photo de Liu Bolin, “Instant noodles”, mais c’est l’artiste qui se peint lui-même pour se fondre dans le décor, comme il le fait toujours ! Il faut cliquer sur la photo pour l’agrandir et on distingue assez bien l’artiste sous son camouflage…
Un mot aussi des galeristes, les vrais promoteurs de cette exposition. Parmi eux, les pionniers de l’art populaire chinois à Paris, ceux qui ont commencé avec des posters de Mao en 1968 puis des affiches de la Révolution culturelle… L’art a évolué, mûri, et cote aujourd’hui à des hauteurs très respectables, souvent même inabordables. Mais l’esprit reste fidèle à une Chine de toujours, celle des révolutions et celle d’avant les révolutions, et les galeristes ont grandi avec la même fidélité, certains pour leur plus grande félicité. Et les artistes chinois, quelle que soit leur proximité ou leur distance d’avec les régimes en place, leur doivent certainement une petite partie de leur notoriété, avant que les marchands d’art de Londres et de New-York se les arrachent. Ci-dessous à droite, Dieu et Adam, la création du monde revisitée par Gao Jie.
Pour ceux qui n’auront pas eu la chance de se rendre au Grand Palais, un remarquable catalogue a été mis en ligne par Paris Art Fair, et il faut souhaiter qu’ils le laissent accessible encore quelque temps. J’y ai emprunté quelques-unes des photos de ce post, évidemment de meilleure qualité que celles qu’on peut faire dans une exposition, et j’ai été fasciné par la richesse de ce catalogue qu’il faut absolument parcourir…
De Ye Hongxing, ce “Dream World” qui fait exploser le monde en un feu d’artifice naïf, ponctue d’une note d’optimisme l’actualité du monde et montre la bonne santé de l’art contemporain chinois. Et pour mémoire, il y avait aussi beaucoup d'artistes non chinois à cette exposition, tout à fait intéressants et parfois étonnants : il suffit d'aller visiter le catalogue indiqué plus haut, mais il faut faire vite...
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