Superbe exposition des œuvres de Picasso céramiste, à la manufacture de Sèvres depuis novembre dernier et jusqu’au 19 mai, après avoir été présentée à Aubagne mais complétée ici par des objets provenant de collections privées. C’est une occasion unique de voir de près quelque 150 objets étonnants qui ne sont ni vraiment des poteries classiques, ni vraiment des sculptures, ni même des peintures mais des œuvres échappant à toute catégorisation sinon d’être les siennes.
Comme le dit dans une petite vidéo à l’entrée de l’exposition l’un des deux commissaires scientifiques, Bruno Gaudichon, “Picasso ne fait pas véritablement de la céramique, il fait du Picasso”. Et il le faisait sous l’influence du soleil de Méditerranée, car toute cette partie de son œuvre est intimement liée à l’atelier Madoura de Vallauris.
C’est grâce à une association étroite avec les époux Ramié, Suzanne Douly et Georges Ramié (Maison Douly Ramié = Madoura), qui avaient un atelier de céramique avec un four à Vallauris, que Picasso, pour les compenser de leur mobilisation à ses côtés, avait accepté une duplication de certaines de ses pièces. On peut ainsi voir à Sèvres nombre des moules ayant servi à reproduire, en petite quantité, les œuvres originales de l’artiste.
Bien qu’on ne puisse pas prendre de photos dans l’expo, nombre de photos existent sur Internet dont certaines sur des blogs come “Terre des sens” qui décrivent joliment cette expo de Sèvres. Mais il faut vraiment se rendre sur place pour apprécier les dimensions, la texture (mais sans toucher) et l’inventivité de ces céramiques, y compris dans les clins d’œil de Picasso lui-même : ainsi le plat style grec antique décoré d’un poisson dont l’empreinte des arêtes est celle de la sole que l’artiste venait de manger (ci-dessus à droite) ; ainsi aussi la “faunesse” enceinte qui tient délicatement son ventre d’une main, lorsque sa compagne était enceinte.
Incontestablement, Picasso qui a réalisé une œuvre céramique considérable, s’amusait en puisant librement à toutes les inspirations pour en sortir sa vision propre. Parmi les sources, la nature, ses proches, la corrida qui lui permettait de combattre sa nostalgie de l’Espagne, et l’Antiquité méditerranéenne où il cherchait ses faunes, portraits, soleils et figures mythologiques, jusqu’à créer des tessons de poteries (ci-dessus à droite) comme s’ils avaient été retrouvés sur un champ de fouilles.
Entre 1949 et 1971, Picasso a fait à Vallauris plus de 1.500 pièces, une production considérable, qu’il a développée en la faisant évoluer en fonction de sa technique et de son inspiration, mais sans jamais cesser d’être un peintre, sauf qu’il l’était ici en trois dimensions. La visite à Sèvres est particulièrement en valeur car la manufacture est doublement vivante : d’une partie le bâtiment central qui abrite le musée cache les bâtiments de la manufacture industrielle toujours actifs, sous la colline de Saint-Cloud, et d’autre part le musée présente simultanément, comme toujours, ses collections permanentes ainsi que plusieurs artistes actuels, montrant ainsi une céramique riche depuis toujours et restant en évolution permanente.
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