Revenir sur ses souvenirs d’école est parfois émouvant, surtout si l’on retrouve des camarades de classe. Revenir à l’Ecole de cavalerie de Saumur avec les “anciens”, quarante ans pile après avoir fait le cours des élèves officiers de réserve (EOR), est presque un pèlerinage, non pas nostalgique mais tourné vers l’avenir, puisque Saumur, presque vingt ans après la fin du service militaire, accueille à nouveau des EOR.
Le prétexte de ces retrouvailles était la Saint-Georges, fête de l’arme de la cavalerie. Le saint n’est plus homologué par l’église catholique, et l’Ecole d’application de l’arme blindée cavalerie (EAABC) de Saumur a failli être emportée par la vague incessante des réformes de l’armée de terre, mais la ténacité des cavaliers a payé : Saumur accueille aujourd’hui plusieurs écoles différentes autour de l’école de cavalerie (EC), dont l’école d’état-major (EEM), le centre d'enseignement et d'études du renseignement de l'armée de Terre (CEERAT) et le centre de défense nucléaire, biologique et chimique (CDNBC), avec des installations entièrement rénovées.
A l’initiative de l’association nationale des officiers de réserve de l’arme blindée cavalerie (ANOR-ABC), avec le soutien du général commandant les écoles de Saumur et la participation de l’UNABCC, l’union nationale de l’ABC-chars, plusieurs générations de cadres de réserve avaient été invités à donner leur témoignage : de la génération de la guerre d’Algérie aux années de la guerre froide, aux engagements plus récents et jusqu’aux OPEX (opérations extérieures) toujours en cours comme le Liban, ce sont bien trois générations de réservistes, en comptant la dernière promotion d’EOR, qui ont pu comparer leur expérience, avec une foule de points communs.
A l’époque désormais lointaine du service militaire, on pouvait obtenir un sursis en faisant une préparation militaire supérieure (PMS) qui amenait aux quatre mois d’EOR en début de service, suivis de huit mois d’affectation dans un régiment, comme chef de peloton blindé pour les plus chanceux, ou chef de peloton d’instruction pour les autres. Pour la culture du blindé et de la mécanique, Saumur possède un savoir-faire qui lui a permis de développer un musée des blindés unique en Europe en cela qu’une moitié des engins historiques qui y sont conservés sont en état de marche, comme ce Renault FT-17 de la première guerre mondiale à gauche, ou cet EBR Panhard des années cinquante qui a fait la guerre d’Algérie avant d’être retiré du service au début des années 1980. Tous ces chars, français, britanniques, allemands, américains et russes, sont montrés au public pour des démonstrations dynamiques et en costume d’époque, à l’occasion du Carrousel de fin juillet.
Mais aujourd’hui le musée des Blindés se trouve de l’autre côté de la ville et les écoles sont tournées vers la modernité, avec des installations très modernes pour l’étude des systèmes d’armes et de leur emploi tactique. C’est ce qu’ont pu découvrir les “anciens”, guidés par les cadres de l’Ecole et les représentants des régiments de la cavalerie présents pour la Saint-Georges, avant de se retrouver dans le parc de l’Hôtel de commandement pour le coup de l’étrier, autour du général Sainte-Claire Deville.
Séquence émotion en passant par les bâtiments de la 4e division d’instruction, la 4e DI des EOR, autrement plus modernes et accueillants aujourd'hui qu’ils ne étaient à l’époque des chambrées et des sanitaires mal chauffés. Photos individuelles dans les chambrées, photos de groupe dans le bâtiment de commandement, les stagiaires font visiter leurs salles d’études et de repos avec au mur les photos des promotions d’élèves-officiers et les tableaux des majors de promotion depuis plus d’un siècle.
Partout la tradition se marie à la modernité, l’esprit du Cadre noir et de sa rigueur imprègne les locaux, et parfois les vitrines révèlent l’accélération de l’évolution avec ce mannequin équipé en chef de char dont la combinaison et les équipements sont aujourd’hui dépassés par l’arrivée des nouveaux systèmes Félin pour l'infanterie et Scorpion pour la cavalerie, pour en rester aux noms d’animaux, et dans lesquels le combattant devient un extra-terrestre équipé de senseurs et d'appareils électronique de transmission et d'aide au commandement…
Omniprésents aussi, les généraux et maréchaux issus de la cavalerie qui ont marqué l’histoire de la France, et pas seulement l’histoire militaire, tel ce maréchal Leclerc, sculpture en bronze réalisée et offerte à l'Ecole par Dan Robert, et inaugurée le 1er avril 2014 en présence de Daniel Nevot, 94 ans, dernier survivant de la colonne Leclerc présent lors du serment de Koufra. Cette statue est la copie de celle voulue par Daniel Nevot pour son ancien régiment, le Régiment de marche du Tchad, à Meyenheim près de Colmar.
Derrière la modernité technique, Saumur a conservé une place importante au cheval, considéré comme une école de caractère. Si le Cadre noir a quitté l’Ecole de cavalerie pour rejoindre l’Ecole nationale d’équitation (ENE) sur le plateau de Terrefort à la sortie ouest de la ville, le grand manège Margueritte (ci-dessous à gauche) reste utilisé par les stagiaires des Ecoles, de même que les carrières à ciel ouvert et, bien entendu, le parc du Breil en bord de Loire.
La réputation de saumur reste en tos cas assez forte pour que les stagiaires étrangers y soient nombreux, on en croise partout dans leurs uniformes nationaux, le seul point commun ét&ant le port des bottes d'équitation - ou dans certains cas de béquilles pour ceux qui ont fait une mauvaise chute de cheval ou de moto, les jeunes stagiaires ne se ménageant pas dans les épreuves d'audace et d'endurance.
Et si les chevaux sont omniprésents, car quand on ne les voit pas on les entend ou on les sent, ce qui donne ce caractère si particulier à l'Ecole, en revanche les cabines téléphoniques ont disparu, chacun ayant désormais son portable, parfois rangé dans le képi.
Grâce à des conventions de partenariat passées avec des écoles de commerce, Saumur a pris sa part du lien armées-nation en ressuscitant des pelotons d’EOR, les pelotons grandes écoles (PGE) : en quelques semaines à Coëtquidan puis à Saumur, suivies de six semaines en régiment, ces EOR deviennent des aspirants et sont suffisamment formés pour rejoindre ensuite les cadres de la nouvelle réserve; Certains sont du reste volontaires pour passer jusqu’à une année entière sous l’uniforme et parfaire leur apprentissage de la vie militaire et du commandement. Par ce système encore expérimental, on a ainsi recréé une filière d’officiers de réserve volontaires et opérationnels, qui reprennnent bien (ci-dessus à gauche), mais en plus court, la filière des aspirants du service (à droite un “aspi” des années 1970, et au-dessous à droite un récit d'appelé qui commence à dater…)
Si l’Ecole est moins une ruche bourdonnante qu'elle ne l’était il y a encore deux décennies, avec une armée de terre à plus gros format et le cycle ininterrompu des brigades d’EOR arrivant tous les deux mois au rythme des incorporations, l’activité y est désormais plus dense, plus spécialisée, et le centre de gravité s’est déplacé des couloirs au parquet ciré des bâtiments traditionnels vers les salles Hi-Tech des centres de simulation. Mais l'esprit reste le même, fait de découverte et d'élaboration de solutions tactiques innovantes, en cherchant dans le passé les leçons pour extrapoler des solutions d'avenir. D'où l'importance du travail conceptuel et de doctrine fait à Saumur et à partir de Saumur, autour de colloques et de publications y compris sur les conflits les plus récents.
Parmi les ouvrages de référence à signaler, un hors série de Batailles et blindés consacré à “La cavalerie au combat – récits et témoignages”, dont la maquette a été faite par un réserviste citoyen, et le remarquable livre de Charles Maisonneuve, capitaine de réserve et président d’honneur de Saumur-ANORABC, préfacé par le Général Yakovleff, “Les combats de la cavalerie blindée”.
Seul authentique château pré-Renaissance de la vallée de la Loire, le château de Saumur continue à veiller sur la ville, l’Ecole et ses cavaliers. Le pont Cessart, où les cadets de l’Ecole s’illustrèrent en juin 1940 en tenant presque trois jours pour empêcher les blindés allemands de traverser la Loire, reste le témoin du sacrifice des ces Elèves aspirants de réserve (EAR) qui symbolisent parfaitement la valeur toujours actuelle des réserves dans les armées françaises, à la fois complément opérationnel des forces et contribution essentielle au lien armée-nation. Fermez le ban !
"Le saint n’est plus homologué par l’église catholique" : Anti catholicisme gratuit ou simple erreur ???
Saint Georges est toujours célébré par l'Eglise catholique le 23 avril comme saint patron des chevaliers et des scouts.
Rédigé par : Louis | 13 avril 2014 à 17:02
Etonnant, Pierre, cet officier de réserve bien plus engagé dans la nostalgie que ce que reprochent aux plus traditionnalistes de nos officiers d'active un certain cabinet civil et son secrétariat général ...
Qui a raison ?
Est-il certain que ce soit une victoire pour Saumur d'avoir échappé à Canjuers ?
Rédigé par : Vitalis | 13 avril 2014 à 18:29
Super papier. Depuis 40 ans, je tiens de son auteur un fanion de la Lyautey Cavalerie qui trône durement dans ma bibliothèque .
Amitiés de pierre assouline ( retour de Kiev où les uniformes croisés sur le Maïdan sont beaucoup plus disparates qu'à Saumur...)
Rédigé par : Passou | 13 avril 2014 à 18:56
@Louis : Aucune arrière-pensée polémique, j'ai sans doute été trop elliptique : le saint Georges de Lydda, martyrisé au tout début du 4e siècle, n'a sans doute rien à voir avec le saint Georges terrassant le dragon qui est davantage du domaine de la légende. Pardon pour les spécialistes !
Rédigé par : pierre bayle | 13 avril 2014 à 23:20
@Vitalis : pas de nostalgie quand on regarde vers le futur. Quant à Canjuers, le site a de grandes qualités mais le soleil ne s'y couche pas dans la Loire. Ça fait une sacrée différence.
Rédigé par : pierre bayle | 13 avril 2014 à 23:23
@Passou : merci Pierre, amitiés à toi et sois prudent quand tu vas dans ces contrées agitées !
Rédigé par : pierre bayle | 13 avril 2014 à 23:24
très beau reportage (panégyrique) sur saumur et des rappels d'un passé glorieux pour éclairer l'avenir. merci pierre
Rédigé par : elie | 14 avril 2014 à 04:32
Mon képi aurait-il vibré pendant la prise d'armes ?
Mon cœur oui, en tout cas !
Rédigé par : PF | 16 avril 2014 à 00:27
Cher internaute,
Je tiens d'abord à vous féliciter pour ce site.
Pourriez-vous apporter une rectification en ce qui concerne l'information erronée suivante :
vous avez écrit,
"sculpture en bronze de Dan Robert, offerte à l’Ecole par Daniel Nevot, 94 ans, dernier survivant de la colonne Leclerc présent lors du serment de Koufra, et inaugurée le 1er avril 2014 en sa présence."
Je suis en effet l'auteur et le donateur de cette statue.
C'est par contre exact de signaler que le 1er exemplaire de cette statue est due grâce à l'initiative de Daniel NEVOT, et que la recherche de sponsors est due au efforts de Lucien NEVEU.
Bien cordialement
DAN-ROBERT
Rédigé par : DAN-ROBERT | 18 avril 2014 à 14:28
@Dan Robert : texte rectifié ! Cordialement. PB
Rédigé par : pierre bayle | 18 avril 2014 à 21:55