L’historien Paul Gaujac, qui vient de publier “La 3 sous le signe de la victoire”, nous rappelle très opportunément la continuité historique qui, de la 3e Division d’infanterie algérienne (3e DIA) à la 3e Brigade mécanisée (3e BM), illustre le lien profond entre l’armée française et les troupes du continent africain, fait de dettes contractées et repayées au travers d’une fraternité d’armes qui survit aux aléas de l’Histoire.
Lorsqu’ils ont répété leur défilé l’année dernière pour le 14 juillet aux Champs-Elysées, les soldats maliens qui avaient combattu aux côtés de la brigade Serval chantaient le chant de la 3e BM de Clermont-Ferrand, héritière d’une part importante de cette histoire commune :
“C’est nous les Africains qui revenons de loin, venant de nos pays (autrefois : venant des colonies) pour sauver la patrie, nous avons tout quitté, parents, gourbis, foyers, et nous avons au cœur une invincible ardeur…” Les Maliens remerciaient ainsi les Français d’être venus au secours du Mali, les Français étaient eux-mêmes venus à cause du rôle des troupes africaines dans les deux guerres mondiales. Et la 3e BM – récemment devenue 3e brigade légère blindée (3e BLB) – est porteuse des plus grandes traditions de l’armée d’Afrique, formée des troupes d’Algérie, Maroc et Tunisie.
La 3e DIA a été créée en 1943, dans le Constantinois, par le général de Monsabert. C’est l’époque où, avec le soutien matériel américain, sous l’autorité politique du Général De Gaulle et sous le commandement militaire du Général Giraud, la France mobilise et arme ses troupes du Maghreb pour se doter de l’outil de reconquête de la France avant le début des opérations en Europe.
Cette 3e DIA est décrite par le colonel Gaujac à travers ses régiments, ses matériels, ses chefs, les premiers combats contre les Allemands en Tunisie, la préparation de la campagne d’Italie où le Corps expéditionnaire français (CEF) va jouer un rôle déterminant pour sortir le dispositif allié d’une situation de blocage due autant à la pugnacité allemande qu’à des erreurs tactiques du commandement anglo-américain.
C’est comme un album de photos qu’on feuillette, avec des cartes pour suivre les opérations, puis un texte dense pour revenir sur le détail de ces opérations où les tirailleurs algériens et tunisiens à pied, les goumiers et tabors marocains avec leurs mulets, les spahis avec leurs blindés légers, étonneront les alliés en contournant les défenses allemandes par les montagnes abruptes et enneigées. C’est le succès de la stratégie française, fondée sur l’audace et la surprise, mais en sachant compter sur des troupes endurcies, motivées jusqu’à l’héroïsme et suivant leurs chefs avec un dévouement total. Ces chefs du CEF qui s’appellent Juin, Monsabert, Larminat, Guillaume et seront tous les quatre faits Compagnons de la Libération… Monsabert que ses hommes de la 3e DIA appelaient “Monsabre” (ci-dessous en janvier 1944 au col d'Acquafondata, montrant les hauteurs du Belvédère).
Un héroïsme peu récompensé car le CEF n’est pas le premier à entrer dans Rome et, après avoir repoussé les Allemands en Toscane pour libérer Sienne en lui évitant tout bombardement (magnifiques photos de la prise d’armes sur la piazza di Campo), il est retiré de la campagne d’Italie ; Juin comme Monsabert devront céder ensuite leur commandement pour la campagne de France, la relève étant faite par les Généraux de Lattre de Tassigny pour la 1e Armée et Guillaume pour la 3e DIA. La 1ère armée débarque en Provence, libère Toulon (ci-dessous à gauche, les tirailleurs algériens en route vers Toulon) et dans la foulée Marseille qui s’était soulevée, et c’est à Marseille (très belle photo du 3e Tirailleurs défilant devant la Préfecture) que le Général de Lattre de Tassigny prend les commandes.
La 3e DIA, fer de lance du dispositif, participe à tous les combats de la campagne de France, libère l’Alsace (ci-dessus à droite) où elle retrouve la 2e DB, et se lance dans les Vosges, perce la ligne Siegfried, franchit le Rhin et s’empare de Stuttgart. Le livre raconte l’après-guerre, l’occupation de l’Allemagne, les déflations d’effectifs qui réduisent la division à une sous-unité, puis la guerre froide qui amorce un renforcement : une nouvelle 3e division d’infanterie est
recréée en 1951 et équipée de matériel américain, devient 3e division blindée en 1978, jusqu’à être dissoute en 1991, après la chute du mur de Berlin.
Le flambeau est toutefois repris huit ans plus tard par les «Africains» de la 3e brigade mécanisée, à Limoges puis à Clermont-Ferrand, où le général Bernard Barrera, qui commande la 3e BM, propose à Gaujac de faire un livre après une conférence retraçant l’épopée “de la 3e DIA à la 3e BM”. Le livre va marquer un coup d’arrêt car la brigade est envoyée au Mali en janvier 2013, mais du coup ce nouvel épisode donne toute sa cohérence à une très belle histoire. La dernière partie, sur la 3e BM dans l’opération Serval, est riche également description des unités, des chefs, des matériels avec cartes des grands mouvements et schémas d’explication. Une histoire où se retrouvent les mêmes traditions d’héroïsme.
Un héroïsme justement reconnu par les autorités françaises puisque le Général Barrera, après l’avoir été par les autorités maliennes en juillet 2013, vient d’être décoré par le président de la république avec un certain nombre de combattants de la brigade Serval, et que les unités engagées ont eu les citations correspondantes. Petit clin d’œil à l’Histoire, le livre présente, à 70 ans de distance, la photo de la 3e DIA avec ses drapeaux à Notre-Dame de la Garde au-dessus de Marseille, et celle des drapeaux des cinq régiments de la 3e BM ayant participé à Serval, devant le même paysage de la rade de Marseille.
”La 3 sous le signe de la VICTOIRE - de la 3e DIA à la 3e BM - 1943/2013”, Paul Gaujac, 320 p, 700 illustrations, 25 cartes. Ed. Histoires & Collections
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