Parmi les sports matinaux que pratiquent les Shanghaïens, à côté du Tai-Chi et autres formes de gymnastique et de danse, le cerf-volant voit se retrouver chaque matin entre 7 et 8, vers l’extrémité est du Bund, un petit groupe d’habitués profitant des conditions idéales pour cette activité : le vent qui vient à la fois du fleuve Wangpu et de la mer toute proche, et la surface dégagée de la terrasse du Bund avant que n’arrivent les premiers promeneurs.
Armés de moulinets géants sur lesquels ils ont une longueur considérable de fil de nylon, et grâce auxquels ils peuvent manœuvrer rapidement leurs cerfs-volants pour éviter qu’en tombant ils ne s’accrochent aux arbres, ces pêcheurs du ciel lancent leurs appâts au fil du vent, petits poissons, pieuvres mais aussi mouettes ou dragons, lampions et drapeaux.
Vus de loin, ce sont autant de points rouges qui répondent de très haut aux drapeaux chinois qui couronnent toutes les façades du Bund. Avec parfois les mêmes emblèmes, et presque toujours la couleur rouge qui n’est pas en Chine celle de la révolution mais celle du bonheur.
Les cerfs-volants sont fragiles, légèreté oblige : armature de bambou ou de fil de fer, toile en papier de riz, parfois une longue queue de papier qu’on déroule très soigneusement sur la piste d’envol en demandant aux promeneurs à vélo de rester à l’écart jusqu’au décollage.
mais le cerf-volant n’est pas une activité égoïste et l’on s’amuse beaucoup entre amis à comparer les performances des engins, ainsi que les qualité du pilote, pour des créations défiant les règles de l’aérodynamique pour respecter celles de la fantaisie ou de la tradition.
Ainsi la pieuvre, qui se déplace toute légère en l'air en bougeant gracieusement ses tentacules, devient-elle en redescendant au sol un objet à la fois encombrant et très fragile, qu’il faut ensuite replier comme les autre cerfs-volants dans une housse cylindrique.
Le dragon, sorte de tête ailée avec une traîne noire, montre lui aussi une envergure certaine et demande encore plus de soins lors de sa mise en vol, pour décoller en douceur sans piquer du nez, ce qui arrive quand il décolle sans avoir pris assez d’élan ou de vent.
Forme élaborée et complexe du cerf-volant, le serpent d’air est encore plus difficile à mettre en œuvre car il est constitué d’un assemblage de petits panneaux rigidifiés par une armature, prolongés de chaque côté par deux petites antennes en bambou prolongées par une plume : c’est Quetzalcoatl, le fameux serpent à plumes des Mexicains !
Délicat à faire décoller, l’engin monte d’un seul coup avec comme un sifflement, puis fait des mouvements désordonnés de la queue, comme un serpent surpris. Vu la concentration du visage de son pilote, on imagine que le maniement de ce serpent d’air demande beaucoup d’entraînement, beaucoup de traditions, ou les deux à la fois.
Le spectacle est en tout cas impressionnant, c’est toute la magie des légendes chinoises de dragons et de créatures imaginaires qui revient sur le Bund, Shanghaï oublie un instant d’être le creuset de la modernité pour se replonger très loin dans les racines du passé...
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