Il est faux de penser que le Tai-chi-chuan (ou Taiji Quan) est une activité réservée aux personnes du troisième âge, même s’il est vrai que beaucoup de retraités le pratiquent dans la rue en Chine : en réalité, il en existe de toutes les formes et pour tous les âges, du simple exercice d’assouplissement aux modes les plus raffinés avec épée ou éventail.
Discipline quotidienne à but thérapeutique, c’est incontestable : le nombre de personnes âgées concentrées sur leur exercice, seules ou à plusieurs, témoigne de l’efficacité de cette hygiène qui fait jouer les articulations en étirant les muscles tout en faisant travailler la respiration. Parmi les gens qui s’initient au Tai-chi, librement et dans la rue, les anciens sont majoritaires.
En silence ou au commandement d’un moniteur, parfois avec une musique enregistrée sur un petit magnétophone pour donner le rythme, les mouvements se suivent, lents mais continus : il ne faut jamais s’arrêter, c’est un enchaînement qu’il faut respecter, et parfois un “grand enchaînement” dans sa version à une centaine de mouvements, chaque mouvement porte un symbole et prépare le suivant.
A Shanghaï comme sans doute dans toutes les villes chinoises, le Tai-Chi se pratique dans les parcs où l’ombre des arbres préserve en été de la chaleur matinale, en survêtement ou en short, mais toujours en tenue légère : même sans gestes brusques, le Tai-chi demande un effort soutenu.
Mais pour ceux qui considèrent le Tai-chi comme un art, le port d’une tenue spéciale s’impose : blanche ou noire, parfois de couleur vive, elle doit être à la fois confortable en restant ample et élégante pour souligner la grâce des mouvements. Sur la place du monument aux héros de la révolution, à l’extrémité du Bund, sur le fond de décor spectaculaire que constitue le quartier futuriste de Pudong et le stress urbain qu’il symbolise, les séances sont un spectacle apaisant offert aux passants du petit matin.
Application et bonne humeur en sont le trait marquant. On voit le niveau très variable des participants dont tous n’ont pas le même niveau d’entraînement, mais chacun aide l’autre et l’harmonie est permanente, donnant une fausse impression de facilité alors que l’apprentissage des figures et des mouvements, tous codifiés, demande un énorme travail personnel.
la consécration est bien sûr d’arriver au niveau suffisant pour pratique le Tai-chi avec arme, car c’est aussi un art martial puisqu’on traduit son nom par “boxe avec l’ombre” ou “boxe de l’éternelle jeunesse”. On le constate même sans arme, puisque l’enchaînement des figures non plus au ralenti mais à un rythme accéléré montre bien l’énergie contenue dans certains gestes qui sont des coups portés sur un adversaire invisible.
Avec l’épée, c’est le Taiji-jian. L’épée correspond bien à la légèreté du mouvement, même si on peut aussi pratiquer le Tai-chi avec le sabre ou le poignard. Rien d’agressif dans cette escrime sans adversaire, c’est plutôt la symétrie parfaite des acteurs qui est notable et qui demande, là aussi, un entraînement rigoureux.
Une autre forme de Tai-chi se pratique avec éventail, c’est le Taiji-shan. Il n’est pas réservé aux femmes, mais celles-ci le pratiquent avec une grâce particulière et donnent là aussi l’illusion de la facilité dans des mouvements amples, avec parfois la surprise d’un bras qui se détend et ouvre l’éventail d’un coup.
Plus discret que les “escrimeurs” de l’esplanade, ce groupe de femmes à l’éventail s’était isolé dans une petite allée ombragée du parc, à l’abri des regards. Les tenues colorées, comme le rouge des éventails sans cesse ouverts et refermés, donnaient l’impression d’un vol de papillons, la musique diffusée par un magnétophone étant à peine audible.
Effort et harmonie, le regard sérieux et le sourire du geste bien fait, ces femmes transpiraient le bonheur d’être à l’aise dans leur corps et avec la nature, indifférentes au monde extérieur et à l’agitation toute proche du Bund où commençaient les premiers embouteillages… D’inspiration taoiste, le Tai-chi est aussi une philosophie, un détachement acquis par la maîtrise du souffle et des gestes.
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