Le rapprochement historique de Cuba et des Etats-Unis, fruit d’une médiation directe du Pape François, est le fruit de germes plantés depuis très longtemps par ses prédécesseurs : excommunié en 1963 par Jean XXIII pourtant Pape d’ouverture, Fidel Castro a reçu à Cuba Jean-Paul II en 1998 et Benoît XVI en mars 2012 (ci-dessous avec Raul).
De même que l’Espagne a toujours maintenu non seulement des relations diplomatiques mais une coopération économique avec Cuba au nom de l’Hispanité, le Vatican a très vite compris la nécessité de maintenir un lien avec un pays qui, en dépit du communisme, restait de culture catholique, une évidence que les dirigeants castristes ont mis du temps à accepter.
Même Jean-Paul II, celui qui a contribué à la chute du communisme en Europe, avait considéré nécessaire d’effectuer une visite pastorale à Cuba, acceptant de voir Fidel Castro qui avait troqué pour la circonstance le treillis du guérillero pour un costume cravate. Rencontre de deux politiques, du même ordre sans doute que celles de Jean-Paul avec les dirigeants du bloc de l’Est, espérant sans doute par ce compromis pouvoir s’adresser aux opinions locales et aux catholiques en particulier. Jean-Paul II, lors de sa visite, avait fait une discrète allusion à l’embargo américain en espérant que “Cuba s’ouvre au monde et que le monde s’ouvre à Cuba”.
Plus explicite, Benoît XVI avait à la fois demandé un plus grand respect des libertés religieuses à Cuba tout en critiquant ouvertement l’embargo américain. “Cuba et le monde ont besoin de changements", avait-il dit dans un nouvel effort d’ouverture qui attendait évidemment un geste de la part des autorités cubaines.
Ce geste était venu en janvier 2013, avec l’annonce par Raul Castro, “président intérimaire”, de la liberté de sortie des ressortissants cubains du territoire national sans visa, une petite révolution comparable à l’ouverture des frontières par la Hongrie à l’été 1989 mais passée un peu inaperçue. Le président Vladimir Poutine avait pour sa part effectué une brève visite en juillet dernier à La Havane, première étape d'une tournée latino-américaine destinée à renforcer le rayonnement russe sur ce continent. Il avait été reçu à son arrivée à La Havane par le numéro deux du régime, Miguel Diaz-Canel, et ne s'était entretenu qu'ensuite avec le président Raul, puis avec Fidel. Il avait certes apporté un beau cadeau en annulant 90% de la dette cubaine à la Russie, soit 31 milliards de dollars, le solde étant étalé sous forme de dette sur dix ans. Mais tous comptes faits, les dirigeants cubains avaient dû se rendre compte que l'aide économique russe était pratiquement tarie et ne compesnait plus un embargo américain devenu intenable.
La diplomatie vaticane étant l’une des plus secrètes et des plus efficaces du monde, ce qui va ensemble, rien ou presque n’a filtré des efforts menés depuis ces deux visite. Mais le fait d’apprendre que le Pape François ait repris le flambeau, cette fois avec succès, en s'adressant à la fois à Raul Castro et à Barak Obama, n’a rien de surprenant : qui mieux qu’un Pape latino-américain pouvait arriver à sortir Cuba de son isolement ? Qu’il y ait eu compromis avec des contreparties non encore connues côté cubain en échange de la levée de l’embargo, en matière de libertés publiques ou d’élections, ou que la grâce ait touché le président américain pour un geste unilatéral d’une grande générosité, le fait est que les Cubains vont commencer à respirer, et qu’une page est définitivement tournée. Les spécialistes épilogueront sur la part du miracle et la part du calcul politique, mais la médiation vaticane restera un sacré message d’espoir pour ceux qui vivent encore derrière des barreaux. Au fait, y a-t-il une visite du Pape programmée en Corée du nord ?
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