Le printemps en Toscane, ce sont les cyclistes qui ressortent leurs vélos, les collectionneurs qui remettent en route leurs voitures anciennes, et toutes sortes d’occasions pour organiser des vins d’honneur à travers campagnes et villages de carte postale : l’hymne à la joie conjugue le sport, la mécanique et les plaisir de la table.
Point de rendez-vous de tous les promeneurs, Bolgheri est un petit village médiéval fortifié au coeur d’une des plus riches régions de vignobles d’Italie, entre Castagneto Carducci et Cecina, région qui a vu naître des noms comme le Sassicaia, l’Ornellaia et le Bruciato. Du plus coté au plus accessible, les vins de ces coteaux sont à la fois taniques, toniques et légers, mais il n’est pas question ici de les résumer : il faut aller les goûter sur place, avec de la polenta aux champignons ou des papardelle au sanglier.
Tout festin se mérite et le petit village en question est perché sur une colline pas trop haute, mais abritée au bout d’un faux plat mortel, une montée qui semble douce mais se révèle interminable à pied ou à vélo, cinq kilomètres d’une ligne parfaitement droite dont on voit le bout sans jamais le voir se rapprocher.
Heureusement, cette ligne est ombragée en permanence par une double haie de cyprès centenaires, les “cipressetti” célébrés par le poète Giosuè Carducci, qui a donné son nom à la petite ville voisine de Castagneto.
L’entrée dans Bolgheri se fait par une unique porte en ogive, dans laquelle se bousculent les touristes à pied, les fidèles qui sortent de l’église avec leurs rameaux d’olivier et les innombrables véhicules exceptionnellement autorisés : bicyclettes, motos anciennes et récentes, voitures de collection.
Devenue ville musée, la petite Bolgheri offre un alignement de restaurants aux terrasses fleuries, mais c’est sur la petite place principale, devant le monument à Nonna Lucia, la grand-mère du poète Carducci, que viennent se restaurer rapidement les coureurs auprès d’un buffet spécialement dressé.
Cyclistes italiens, allemands, suisses, ce sont plusieurs groupes qui se croisent ce dimanche, certains avec un dossard numéroté qui s’arrêtent brièvement avant de reprendre leur course vers les collines, d’autres plus tranquillement, parmi lesquels des retraités en pleine forme qui ne dédaignent pas les copieux sandwichs qu’on leur offre. Il y a un temps pour la compétition et un temps pour le plaisir du vélo sans idée de performance.
Parmi les motos, une vénérable Moto Guzzi Falcone dans un état proche du neuf malgré son grand âge. Le volant d’inertie qui donne sa souplesse au gros monocylindre brille de tous ses chromes, c'est pareil pour les commandes du frein à tambour, les amortisseurs et le phare.
A l’ombre des vieilles maisons, une file de voitures anciennes rappelle l’époque où l’Italie était pleine de ces petites utilitaires qui se faufilaient partou t: Fiat 500, en version break ou “Giardinetta”, Fiat Millecento, la plupart sont immatriculées en Toscane mais certaines viennent d’Italie du Nord.
Est-ce le fait qu’on est loin des grandes villes et que la foule est ici très peu dense ? Toujours est-il qu’il règne à Bolgheri une atmosphère paisible et détendue, avec un brouhaha très discret ponctué par les cloches de la sortie de la messe. Un peu comme si, avec ces véhicules d’un autre temps, on était pour un moment replongé dans la campagne tranquille d’un film de Fellini, où l’on a le temps et le plaisir de savourer en spectateur des visages authentiques et des scènes d’une humanité de toujours.
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