En post-scriptum à la précédente, cette note pour signaler le livre “Moi, Viyan, combattante contre Daëch”, publié chez Fayard par la réalisatrice Pascale Bourgaux en coïncidence avec la sortie de son documentaire “Femmes en guerre contre Daëch”.
A vrai dire, j’avais acheté ce livre en sortie de projection un peu par sympathie mais sans illusion sur ce que je pensais être l’écriture romancée du film. Je dois reconnaître que je l’ai lu d’une traite car j’y ai trouvé un témoignage authentique qui révèle beaucoup sur la réalité des combattantes kurdes en Syrie.
Et si c’est évidemment la journaliste qui tient la plume, elle le fait avec une sensibilité féminine qui trahit bien les ressorts profonds de l’engagement de Viyan et de ses camarades. J’avais été frappé d’entendre dans le film cette phrase, lorsqu’elle dit qu’elle s’est engagée “bien avant” que Bachar el-Assad ne déclenche la guerre dans son pays, et bien avant Daëch.
Ici le récit est encore plus révélateur : son engagement, c’est pour échapper à l’enfermement de la femme, même dans la société kurde, pour éviter le mariage forcé puis la vie soumise comme pour sa mère, ses sœurs et ses cousines, écrasées entre les grossesses à répétition, les tâches ménagères et les travaux des champs – décrivant par exemple l’exténuante cueillette des plantes de cumin et l’extraction des graines.
On est loin des discours théoriques, les détails sonnent juste, en particulier lorsqu’elle raconte la préparation de son évasion, totalement clandestine pour que sa famille ne l’empêche pas de rejoindre la résistance, la peur panique dans les quinze derniers jours avant son départ qu’on ne la marie de force, la fuite nocturne et la poursuite par son frère…
La suite, c’est ce qu’on voit dans le film, le témoignage d’un combat de femmes contre la barbarie de Daëch - avec la crainte des djihadistes d’être tués par des femmes et de ne plus être les bienvenus au paradis - mais aussi le combat contre le machisme de toute la région, arabes et kurdes confondus. Des scènes décrites sont émouvantes, comme son acharnement à apprendre à lire et à écrire après une enfance de frustration à voir ses frères aller à l’école et elle rester aux champs, mais aussi son choc de découvrir dans la guérilla kurde des combattants hommes partager les tâches ménagères, faire la vaisselle et peler les oignons !
On ne peut pas résumer un témoignage dont la richesse est dans la véracité, dans les détails, dans la camaraderie. Mais je signale aussi ce passage révélateur où elle retrouve les siens, avec une “permission” de deux jours dans sa famille, son retour en armes et en tenue de combat, personnage respecté qui doit encore lutter contre le machisme des siens mais repart avec la confidence unique de sa mère qui lui dit qu’elle a eu raison de partir.
Ce combat, essentiel aujourd’hui contre Daech, dure depuis longtemps et durera encore longtemps. Inattendue parce que non signalée au début du livre, la postface de Gérard Chaliand livre quelques clefs et quelques jolies formules, comme la place du “dirigeant statufié” Abdullah Öcalan, leader du PKK turc omniprésent, ou l’expression de “couvent militarisé” pour décrire les bataillons féminins de la guérilla kurde en Syrie.
“Moi Viyan, combattante contre Daech”, Pascale Bourgaux avec Saïd Mahmoud, 217 p. Fayard
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