A peine quitté au Museo Napoleonico de La Havane, je retrouve Napoléon à Sainte Hélène, titre d’une nouvelle exposition au Musée de l’Armée qui, comme souvent sous l’impulsion du général Baptiste son directeur, rassemble des objets d’origines très diverses et lointaines. Ci-dessus ce très symbolique “Napoléon sur son lit de mort, une heure avant son ensevelissement” de Jean-Baptiste Mauzaisse, avec à ses pieds Marchand et l’abbé Vignali.
Très lointaines, même, puisqu’il en est venu de l’île elle-même, de la résidence de Longwood House, exceptionnellement prêtés et escortés pour l’occasion par le gouverneur britannique Mark Capes et son épouse avant que, souligne le directeur, la prochaine ouverture d’un aéroport international à Sainte Hélène ne permette aux touristes de s’y rendre eux-mêmes : Mark Capes, en toute pour une visite officielle à Ajaccio (où "son ombre s'étend parmi nous"), souligne le “legs” que représente la présence de l’empereur pour le développement touristique de cette île lointaine. La restauration des meubles pour la réhabilitation de Longwood est le fruit d’une étroite coopération franco-britannique avec notamment le musée de la Malmaison.
Personnalités du monde de l’art et de la culture, historiens civils et militaires, généraux et conservateurs, consul honoraire de France à Sainte Hélène, beaucoup de connaisseurs se pressaient mardi pour l’inauguration autour du secrétaire d’Etat aux anciens combattants et à la mémoire – le sous-titre de l’exposition est justement “La conquête de la mémoire” – Jean-Marc Todeschini et de la princesse Napoléon.
L’expo, haut perchée au quatrième étage de l’Hôtel des Invalides, s’ouvre par une projection sur écran large de vues aériennes d’une île inhospitalière, spécialement tournées pour l’exposition et traitées comme des films anciens, en noir et blanc avec des rayures, comme pour ramener le visiteur très en arrière dans le temps, dans une atmosphère d’emblée triste. La visite se poursuit par la fin de la grandeur, un casque de cuirassier percé de deux balles à Waterloo, des uniformes dont la tenue de l'empereur. Plusieurs peintures et gravures de l’embarquement sur le Bellérophon, parti de La Rochelle, puis le navire anglais en rade de Portsmouth attendant la décision des autorités britanniques avec un Napoléon debout sur le pont, se prêtant au spectacle de milliers de curieux venus en barques et en voiliers autour du grand navire, enfin l’empereur songeur sur le pont en route pour l’Atlantique sud…
les meubles de Longwood House sont là, et un montage en 3D permet de se glisser à travers les pièces de la demeure Longwood, la suggestion est parfaite. Comme le souligne le général Baptiste, on voit l’espace se réduire autour d’un empereur fatigué, l’île, le plateau, la demeure, la chambre… comme un enfermement.
Une lithographie de Zéphyrin Beliard, d’après Charles de Steuben, le montre en train de dicter ses mémoires au général Gourgaud en tenue d’intérieur. Un peu plus loin, cette même tenue est présentée dans une vitrine, pyjama, robe de chambre, chaussons de cuir rouge et madras noué sur la tête, c’est impressionnant même si on se doute qu’il ne circulait pas en uniforme et bicorne à l’intérieur de chez lui.
De nombreuses œuvres illustrent le mythe et la légende qui se sont développés après la mort de Napoléon. A gauche “La dernière phase” de James Sant, vers 1900. commandé par l’historien Lord Rosebery pour illustrer son ouvrage sur l’exil : “The last phase”. A droite, "Le songe de Bertrand", aquatinte de Jean-Pierre-Marie Jazet d’après Horace Vernet.
Très grand le tableau de la "Mort de Napoléon" de Charles de Steuben, salué pour la précision des détails, jusqu’aux meubles prêtés alors par Marchand. A gauche une version conservée à Cuba, moins bien finie que celle de droite, beaucoup plus précise, présentée au musée de l’armée. Peut-être s’agit-il à gauche d’une copie plutôt que d'un brouillon ?
A gauche “C’est fini”, huile d’Oscar Rex vers 1900, du musée de la Malmaison, la fin du rêve napoléonien. A droite, c'est une peinture de René Magritte sur un masque mortuaire en plâtre de Napoléon. Magritte projette des nuages sur différentes versions de “l’Avenir des statues”, pour marquer le caractère fugitif de la gloire…
Ce masque mortuaire reproduit partout, l'original en a été réalisé quelques heures après la mort de Napoléon par son médecin François-Charles Antonmarchi. A droite “le grand maréchal Bertrand pleurant près du corps de Napoléon”, dessin de Charles de Steuben.
Le rapatriement des cendres de l'empereur, en 1840, sera fait par une flotte française dans un grand déploiement illustré des gravures et des tableaux. Une juxtaposition fortuite montre la séquence complète : à gauche “Le départ des cendres vers la France” de Sébastian Mayer, conservé au Napoleonico de La Havane, montre la flotte française arrivant à Saint Hélène avec les chaloupes partant chercher le cercueil de l’empereur. A droite "L’escadre française à Sainte Hélène le 18 octobre 1840" par Jean-Baptiste-Henri Durand-Brager, montre la Belle Poule et toute l’escadre française quittant Jamestown. Les troupes anglaises se tiennent au garde à vous sur le quai pendant que le canon des vaisseaux fait le salut royal.
Les photos présentées ici sont de très mauvaise qualité, compte tenu des conditions d’éclairage, mais l'exposition est superbement scénarisée. Et pour de belles reproductions on peut se procurer le beau catalogue édité pour l’exposition par Gallimard avec le Musée de l’armée (304 pages, 35 €), très complet et richement illustré.
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