Moment d’émotion vendredi soir dans le grand amphi de l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris lorsque Walid Joumblatt, après la projection d’un film documentaire sur son père Kamal, a répondu à une question sur la suite de son combat politique qu’il était “un peu au bout du rouleau” et qu’il entendait passer le témoin à son fils Taymour, présent dans la salle.
Invité par Jack Lang à la présentation à l’IMA du film “Kamal Joublatt, témoin et martyr”, de Hady Zaccak, Walid a rappelé que le 16 mars 1977, jour de l’assassinat de son père, “j’ai reçu sur mes épaules une abaya tachée de sang”, celui de son père, de ses gardes du corps et des chrétiens innocents massacrés dans les villages alentour – violences qu’il est allé lui-même arrêter avec un notable druze.
Depuis, a-t-il ajouté, s’il n’a pas été assassiné comme son père et son grand-père, il a dû assumer des années de guerre, lutter avec d’autres pour préserver les Druzes, le Chouf et le Liban. Et à un jeune qui lui demandait s’il allait poursuivre le combat politique de son père, il a répondu : “je vais passer le relais des Joumblatt à mon fils Taymour, c’est le moment pour les jeunes Libanais de prendre la relève”.
Et à un autre étudiant qui lui demandait s’il jugeait les jeunes Libanais assez politisés, il a répondu “certainement, on l’a vu aux dernières manifestations à Beyrouth, ils ont les idées beaucoup plus claires que la classe politique confessionnelle du Liban, qui bloque tout. Il faut que les jeunes prennent la relève, il faut se débarrasser de la classe politique actuelle, de ce carcan qui bloque tout”.
Walid avait commencé par lire un texte de commentaire sur un documentaire qu’il a déjà vu mais qui doit certainement l’émouvoir à chaque fois car il est écrit plutôt comme un autoportrait, selon le réalisateur, que comme un documentaire à la troisième personne, ponctué d’enregistrements du fondateur du PSP, ami de Nasser et des Palestiniens. Le commentaire de Walid était plutôt sombre, répétant tout ce qui était mort ce 16 mars avec le rêve de Kamal, l’idée d’un Liban laïc et apaisé, l’idée d’une solution à deux Etats pour la Palestine, l’idée d’un monde arabe non confessionnel et ouvert à la démocratie…
Ce qui ne l’a pas empêché, en répondant à la salle, de nuancer son affirmation que le monde arabe n’existe plus en ajoutant que le futur du monde arabe “ce sont les jeunes manifestants de Beyrouth, de la place Tahrir (au Caire) et de Deraa (en Syrie)”.
Refusant de répondre sur le rôle actuel du Hezbollah libanais en Syrie, Walid Joumblatt a raconté comment, quelques jours après la mort de son père, il avait dû, à cause de le realpolitik, faire son chemin de Damas et aller voir Hafez el-Assad dans son palais présidentiel du djebel Qassioun, décrivant ses petits yeux noirs et froids. Quant à Bachar, il a répondu à l’animateur Jean-Pierre Perrin qu’il le trouvait aussi barbare que son père, peut-être plus, barbare et sauvage, “mais ce sont les mêmes dictateurs militaires du Baas qui ont détruit l’Irak et la Syrie”.
Enfin à une question sur comment éviter la destruction d’Alep, Walid Joumblatt a vivement répondu que le vrai sujet n’était pas de préserver les villes et les monuments mais le peuple syrien, menacé de destruction avec quelque 4 millions d’expatriés et 8 millions de déplacés en Syrie même. Pourtant, a-t-il conclu, quelle que soit la puissance militaire des Russes et des Iraniens, "la volonté de résister perdure chez le peuple syrien, la guerre va continuer et la conjoncture finira par changer, et pas seulement en Syrie, car il est impossible de garder les peuples arabes en prison.”.
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