Il est parti au creux de l'été, le 27 juillet, aussi discrètement qu'il l'aurait souhaité. Carlo Franceschini, européen convaincu, inlassable pionnier du rapprochement industriel franco-italien et reconnu comme tel par la France qui l'a fait chevalier de la Légion d'honneur à titre étranger, a œuvré pendant trois décennies entre Florence, sa ville, Rome et Paris.
Ingénieur de formation, il a d’abord été dirigeant de la Galileo, puis de Selenia, entreprises de l'électronique de défense italienne qui ont conflué ensuite dans le groupe aéronautique et de défense Finmeccanica devenu récemment Leonardo. Très tôt il a manifesté son ambition d’œuvrer au rapprochement industriel en Europe, d’abord vers l’Allemagne dont il était un bon connaisseur, puis avec la France. Il a été pendant de très longues années le représentant de Finmeccanica à Paris avant d'y créer sa propre structure, la Cofiproind, compagnie franco-italienne de coopération industrielle, petite structure destinée à rapprocher les structures, les hommes et les idées.
Carlo Franceschini, qui a épousé une française et dont la fille est une parfaite européenne, a été un pont entre des cultures proches qu'il connaissait de façon étonnante, un lien entre des mondes industriels dont il connaissait personnellement nombre de responsables, dont la plupart des délégués généraux à l'armement qui se sont succédé à la tête de la DGA depuis vingt ans : il les a ainsi aidés à se mettre en relations avec leurs homologues italiens les Segredifesa, et avec les structures décisionnelles italiennes, multipliant les rencontres informelles à Paris, à Rome ou chez lui en Toscane...
Lorsqu'Alain Richard était ministre de la défense, Carlo Franceschini avait remarqué que le ministre parlait parfaitement l'italien : la ville dont il avait été maire, Saint-Ouen l'Aumône, étant jumelée à Fano, sur l'Adriatique, où Richard se rendait ponctuellement pour le festival estival d'opéra. Grâce à cette proximité linguistique, Carlo Franceschini a réussi à nouer de nouveaux contacts avec son groupe, alors dirigé par Alberto Lina. Une complicité toscane avait également permis de consolider ces liens franco-italiens avec Piero Guargualini, dont il est resté proche, comme il l'était de Giuseppe Bono, parti diriger Fincantieri avec des perspectives là aussi de coopération transnationale dans le domaine de la construction navale.
La ministre Michèle Alliot-Marie, qui a succédé à Alain Richard à la Défense, avait rendu hommage à son travail de facilitateur de la coopération industrielle franco-italienne, en lui remettant les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur devant un petit cercle de responsables italiens et français. Dans un message adressé fin juillet à son épouse, l’actuel Délégué général Laurent Collet-Billon a salué cet « ardent promoteur de la coopération franco-italienne, en ce sens un facilitateur efficace qui a beaucoup aidé la DGA et son directeur sur une période longue ».
Ses dernières années à Paris non plus comme représentant de la seule Finmeccanica mais comme animateur de la Cofiproind ont élargi son travail de mise en relation à l'ensemble du secteur des industries de défense italiennes et françaises, toujours à la recherche de nouvelles perspectives de coopérations transalpines.
Grand humaniste – au sens classique du terme – Carlo Franceschini conjuguait la culture des idées et de la littérature avec la culture de sa terre toscane : spécialiste de la vigne et de l'olivier qu'il cultivait au sud de Florence, sa carte de visite appréciée à Paris par quelques privilégiées était la bouteille d'une huile qu'il produisait en quantité confidentielle, une huile de première pression à l'inimitable couleur verte et qui se savourait telle quelle.
Carlo repose aujourd'hui dans le cimetière familial de Cerreto Guidi, près de Vinci, au milieu des vignes et des oliviers. Les relations franco-italiennes sont une grande histoire qui traverse les siècles avec des fortunes diverses, Carlo Franceschini aura su à son modeste niveau défricher la page industrielle d'un incontournable rapprochement.
Quel brave homme, repos à son âme !
Rédigé par : rencontres | 26 septembre 2016 à 14:30