Militant socialiste depuis 1971, j’aurais pu avoir la gueule de bois en découvrant ce lundi matin notre “grand old party” à nous disparu en-dessous de 10% et, pourtant, je me réveille avec une sensation jubilatoire : celle de voir disparaître tous ces représentants d’une classe politique endogène qui depuis longtemps n’écoutait plus ni ses militants ni ses électeurs et apparaître une floraison de têtes nouvelles et jeunes.
Sans nommer personne, j’ai été frappé dès dimanche soir par l’absence totale d’autocritique dans les réactions des candidats socialistes battus qui, au contraire, rivalisaient dans le jeu de l’erreur des autres : merci Hollande, c’est sa faute, merci les frondeurs, ils ont sabordé la gauche, merci les électeurs, ils n’ont rien compris. Hallucinant, tout simplement. Le même discours complaisant entendu après le premier tour des présidentielles à la fois chez le candidat socialiste et chez le premier secrétaire du PS : c’est la faute aux autres, à Mélenchon, aux traîtres macronistes, aux électeurs qui n’ont rien compris… De ce point de vue, je dois reconnaître que Les Républicains (ceux qui ne sont pas en marche) avaient réagi beaucoup plus nettement en tournant la page Fillon dès le soir du 2e tour, en recentrant le programme, en restructurant leur exécutif.
Si les députés de La république en marche (LREM) sont portés par une vague déferlante dans laquelle se retrouvent toutes les composantes de la sensibilité politique française, je sais que beaucoup d’électeurs socialistes ont bien compris, eux, où était le changement. Très symbolique, la 8e circonscription des Hauts de Seine où je votais a vu un refus des militants socialistes de faire campagne pour un candidat PRG inconnu, parachuté par Solférino alors qu’ils avaient choisi et mandaté un Sévrien militant socialiste de longue date. C’était la première fois, sans doute depuis toujours, qu’il n’y avait pas de bulletin PS dans mon bureau de vote.
Tous les socialistes n’ont pas voté LREM, ni à Sèvres ni ailleurs, c’est une évidence. certains ont dérapé vers la France insoumise, d’autres ont dispersé leurs voix sur de petites formations environnementales, beaucoup se sont abstenus, mais j’en connais un certain nombre qui ont soutenu Macron sans aucunement avoir le sentiment de “trahir”, mais parce qu’ils se sentaient légitimement trahis par un appareil de parti tournant en roue libre et n’écoutant que lui-même : la république de Solférino.
Le débat continue et va s’intensifier. Quelle que soit la majorité présidentielle qui s’annonce écrasante, il restera en France des sensibilités de droite et de gauche qui auront un rapport dialectique sur les réformes à venir, et la dynamique Macron ne peut se maintenir que si les réformes annoncées sont menées à bien. LREM n’étant pas encore un parti structuré mais un mouvement, se posera le problème du positionnement des uns et des autres : y aura-t-il des tendances internes de droite ou de gauche ? Il y aura la place de toutes façons pour la famille d’idées social-démocrates, avec ou sans la recomposition du PS. je m’abstiendrai d’ironiser sur l’expression de “reformulation” qui confirme que certains n’ont toujours rien compris.
Dans l’immédiat, quelques constations : Emmanuel Macron a sauvé la Ve république, alors qu’on entendait des voix réclamant une VIe république pour sortir d’un système totalement grippé. Il a également permis à la classe politique de faire un saut générationnel, le plus symbolique étant de voir le représentant des Baby-boomers et héraut de Mai 68, Daniel Cohn Bendit, passer le relais en demandant à soutenir “le petit Emmanuel”. Il a redonné en quelques semaines une voix audible et respectée à la France sur la scène internationale, se payant le luxe de tacler Donald Trump, et en anglais, dès son annonce du retrait des Etats Unis des accords de Paris. Il a enfin redonné espoir et cohérence à la dynamique européenne, relançant le projet de Jacques Delors d’une Europe en marche.
Pour autant, je n’ai pas le sentiment de donner par mon engagement actuel un chèque en blanc à qui que ce soit. Même si je suis considéré comme démissionnaire d’office du PS par une excommunicatio latae sententiae de Solferino pour tous ceux qui auront soutenu Macron ou ses candidats, je sens encore très fort mon appartenance à une famille d’idée qui remonte à la révolution en passant par Jaurès et a permis à la France de faire un grand pas en avant en 1981. Trop tôt pour le dire, mais je pressens que Macron devra davantage ferrailler avec la droite pour avancer et qu’il devra s’appuyer sur cette famille de gauche, en interne ou en externe, syndicats compris.
C’est donc avec la plus totale conviction d’être fidèle à mes convictions et à mes engagements que je vais continuer à pousser pour le succès des candidats LREM au second tour, en appelant les abstentionnistes à rejoindre la grande bataille : pas d’hésitation, choisir l’isoloir plutôt que l’isolement.
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