Des livres témoignages sur les pilotes de combat sur hélicoptère il commence à y en avoir, le plus beau restant celui de Brice Erbland sur ses missions de guerre en Libye, "Dans les griffes du Tigre". Mais il manquait ce qui existe depuis longtemps pour les pilotes d’avions de combat, le témoignage sur la mort en mission, racontée par le coéquipier survivant. C’est l’exercice très sensible auquel s’est livré Nicolas Mingasson en publiant « Pilotes de combat », le récit de la mort en Afghanistan d’un pilote de Gazelle, Matthieu Gaudin, vécue et racontée par son coéquipier, Mathieu Fotius.
Mingasson, photographe de terrain, journaliste de guerre et écrivain, a connu le théâtre afghan en profondeur. Il y a cotoyé les militaires français en opérations, vécu le traumatisme des soldats ramenant le corps d’un camarade mort au combat, puis le traumatisme des familles. Il en a tiré ce livre très poignant, « 1929 jours, le deuil de guerre au XXIe siècle », qui raconte l’émotion et le traumatisme des épouses et des enfants, jusqu’à l’interminable retour des dépouilles, le rituel officiel et ses lenteurs, l’attente des familles de retrouver leur proche qui sont autant d’obstacles. Un livre long comme cet impossible travail du deuil pour les familles. Mais un livre bouleversant par son humanité, sa vérité loin de tout romantisme, son effort pour faire comprendre à un public mal informé la réalité du sacrifice non pas seulement des militaires qui risquent leur vie mais surtout celui de leurs proches qui restent à gérer ce vide béant, pour longtemps ou pour toujours.
Cette fois le livre est court, ramassé. Autant de sensations fortes dans la préparation et l’exécution des missions de combat des pilotes de l’ALAT que dans le livre d’Erbland, ou dans celui de Pierre Verborg (« Envoyez les hélicos ! ») mais cette fois l’histoire finit mal. Le 11 juin 2011, le danger n’est pas venu de là où on pouvait l’attendre mais d’un nuage de sable dans la nuit, et le capitaine Matthieu Gaudin est mort dans le crash de la Gazelle que pilotait Mathieu Fotius, blessé et qui n’apprendra la mort de son camarade que plus tard, à l’hôpital.
Le récit enchaîne la préparation tactique, psychologique et morale de ces combattants qui partent avec un seul impératif : la mission. Passionnant rappel des conditions physiques, géographiques et météorologiques de l’Afghanistan, les pires conditions pour un hélicoptère de la génération des Gazelle mais qui n’ont jamais ralenti ni empêché les pilotes, surmontant leurs appréhensions, de partir exécuter la mission jusqu’au bout et au-delà si nécessaire.
La genèse de ce petit livre qui se lit d’une seule traite est racontée dans une interview de l’auteur recueillie par Florent de Saint-Victor sur son blog Mars Attaque : c’est l’épouse du pilote abattu qui avait souhaité que son coéquipier survivant vienne raconter la mission et les circonstances de l’accident à ses enfants. Mathieu Fotius étant hésitant, Mingasson a proposé l’écriture d’un livre et a ainsi servi de médiateur en mettant sa plume d’écrivain au service du témoignage de Fotius – mais sans rien dénaturer, on est littéralement plongé dans le contexte afghan et dans le déroulement de la mission, avec la mort qui rode autour des deux hommes jusqu’à ce qu’une équipe de secours vienne récupérer le survivant blessé. Et le style est celui d’un récit du survivant adressé non pas aux enfants, mais au pilote tué au combat, son ami beaucoup plus que son coéquipier.
« Pilotes de combat » par Nicolas Mingasson, d’après un récit de Mathieu Fotius. 133 pages, Les Belles Lettres
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