Presque un demi-siècle est passé depuis ma visite à l’artiste cubain Emilio Rivero Merlín, peintre et sculpteur que j’avais découvert en 1970 dans son atelier de Regla, quartier de l’autre côté de la baie de La Havane, derrière la fabrique d’aluminium. Curieux de voir ce qu’il en restait, je me suis fait amener jusqu’à ce quartier devenu beaucoup plus industriel, derrière les docks de la zone portuaire.
Cachée derrière un épais manteau de végétation, la petite maison de Merlín est toujours là, reconnaissable à sa forme même si une grande partie de la décoration a disparu : les panneaux en mosaïque représentant José Marti et Fidel Castro ont disparu, de même que l’inscription « Studio Rivero Merlín » au-dessus de la porte, des ajouts de maçonnerie ont été faits et le ciment a recouvert beaucoup de choses.
Quelques-unes des sculptures qui peuplaient le jardin sont encore là, beaucoup d’autres ont disparu. Les têtes d'Abraham Lincoln, du général Maceo, les statues de femmes aux belles rotondités qui se trouvaient dans l’atelier avec le buste de Che Guevara ont également disparu.
Mais l’ancien atelier a été agrandi en une grande salle équipée pour recevoir les enfants en classe de dessin ou de peinture, ce qui est un bel hommage au peintre.
Dans le jardin, où les arbres ont énormément grandi, ce qui est normal dans ce climat tropical, il reste une des tables recouvertes de carreaux de céramique sur lesquelles Merlín apportait le thé et la limonade pour ses visiteurs. Table et jardin étaient le décor luxuriant devenant une jungle fleurie dans ses grandes toiles.
J’ignore ce que sont devenus les tableaux qu’il m’avait montrés, il n’y en a qu’un ou deux au Musée des Beaux Arts de La Havane. S’il n’a pas atteint la même célébrité que cet autre artiste qui m’avait emmené chez lui, Sandu Darié, l’un des pionniers de l’art cybernétique, Merlín mérite pourtant d’être redécouvert pour la fraîcheur de ses paysages si typiquement cubains.
Surprise, au moment où je vais repartir arrive un ancien qui habite avec son épouse la maisonnette juste derrière l’atelier. Ce n’est pas un hasard, il me raconte avec émotion qu’il a été l’assistant et même le modèle du peintre dont il conserve ici le souvenir.
Fernando Luis, c’est le nom dont je me souviens, va chercher chez lui de vieilles photos de lui-même jeune, de sa famille et de ses enfants, et voudrait chercher davantage dans ses affaires car il pense en avoir du peintre, mort en 1977 à 87 ans. Il faudra revenir, avec plus de temps, mais je suis rassuré : la mémoire et l’atelier d’Emilio Rivero Merlín, malgré les années qui passent et l’urbanisation inéluctable des quartiers alentour, sont pour l’instant bien protégés.
Thank you for revisiting my grandfather, Merlin. My grandfather had one child, my mother and two grand-daughters. We have been living in the United States for many years but I still remember running around that huge yard and his studio, I left when I was 8 years old but have never forgotten the great influence he had on me. It's very emotional for me to see this but also so very gratifying, I thank you from the bottom of my heart for following up and remembering him, honoring his legacy. He was not only a great artist but a great man.
Rédigé par : Emilia Gomez Rivero-Merlin | 20 août 2019 à 18:48
Dear Emilia, it was very emotional for me to rediscover this place where I first met the artist, your grandfather. The trees have grown bigger, some statues have disappeared, others have remained, some frescoes and mosaics have been taken away, but I could still feel the same atmosphere of quietness and the rare light of a shadowy and fresh garden. I regret that Museo de Bellas Artes in Havana haven't more of his paintings, nor even a picture of him, but his memory is however vivid in the catalogues. Warmest feelings. Pierre
Rédigé par : Pierre Bayle | 26 août 2019 à 22:42