C’est une sorte de violon qui glisse sur l’eau, un Stradivarius rêvé par un navigateur qui voulait réaliser lui-même « son » bateau et qui l’a construit tout en bois, en trois ans de travail. Osvaldo Cartei, de Piombino en Toscane, a ainsi construit le voilier de ses rêves, tout en bois, qu’il a logiquement baptisé « Onlywood » et avec lequel il navigue depuis bientôt huit ans.
« Après m’être fait la main sur deux embarcations de 32 et 27 pieds, un voilier et un « pointu » j’avais depuis longtemps le projet de fabriquer moi-même un voilier. Un bateau pratique, que je puisse manœuvrer tout seul. J’ai demandé l’aide de l’architecte naval Davide Zerbinati, qui a dessiné le projet. Je voulais qu’il s’inspire de voiliers comme l’Eryd 30 ou le Tofinou 9, alliant matériaux et design classiques aux technologies modernes pour garantir sa robustesse. Ensemble nous avons défini les spécifications sur le papier. J’ai cherché sur Internet des occasions pour les matériaux et l’accastillage, ce n’était pas facile. J’ai fini par trouver le bois pour construire la coque, fixée sur une charpente, avec des cloisons intégrées à la structure pour lui donner sa rigidité. »
Pour l’accastillage il a trouvé un arbre d’occasion, en s’inspirant du manuel de Pierre Gutelle « Architecture du voilier » (tome 3 : construction, gréements, aménagements et équipements) : « J’ai surtout retenu ce qu’il explique : si tu penses que tu construis ton bateau pour faire des économies, c’est que tu n’as rien compris… Puis je me suis fait prêter un terrain par un ami où j’ai installé le box abritant le chantier ».
« Après avoir construit la structure à l’envers, avec son âme en acier, j’ai trouvé le bois de revêtement pour la quille, formée de plaques d’acajou ». Sur une quille en acajou d’épaisseur variable (55 à 108 mm), Osvaldo a posé cinq couches d’acajou de 3 mm collé avec de la résine époxy et renforcé avec de la fibre de carbone. Le pont est tout en teck sur deux épaisseurs de compensé, le safran est en carbone sur une âme de compensé avec un axe en acier. La quille a une âme en acier avec un bulbe en plomb. L’ensemble offre selon lui une "rigidité monolithique", et en sept ans d’utilisation intensive il n’a constaté aucune fissure de la quille.
Le plus dur restait cependant l’opération de retournement du bateau. « Nous avons inventé un système, à partir du balancier qui sert à soulever les bateaux, pour retourner ce bateau, ce qui n’a pas été facile car il fallait trouver le centre de gravité, et on risquait de tout casser. Et finalement le bateau s’est presque retourné tout seul. »
Une fois terminée la superstructure, suivant les plans du concepteur, c’est Osvaldo qui a dû inventer les aménagements intérieurs, très sobres : « mon expérience de marin me dit que moins on a d’équipements, moins on en abîme ». On trouve donc une couchette double à l’avant, sans cloison de séparation, et des banquettes prolongées par deux supports rond, un pour le lavabo et un autre pour le petit réchaud. C’est plus un day-boat qu’un bateau de croisière, et s’il a prévu une cabine c’est plutôt pour se reposer quand il sort toute une journée au soleil, à pêcher près d’un ilôt de l’archipel toscan qui est son domaine.
Avec simplicité, Osvaldo fait visiter son bateau qui est amarré dans la marina de Salivoli. En découvrant l’intérieur, on peut voir la charpente apparente avec ses caissons, en bois et résine époxy, sur laquelle s’appuient des éléments en inox qui soutiennent la quille. E les détails qui font de ce bateau un objet d'exception, comme cette rosace en marqueterie sur le plancher de la cabine...
Le pont est en teck, il l’a travaillé lui-même, avec les rainures. « Et pour terminer je me suis fait plaisir avec le roof. On m’a présenté des projets en résine, j’ai préféré le faire en bois et ça m’a pris un peu de temps mais ça valait la peine ! ».
Et c’est cet étonnant roof qui fait ressembler le voilier à un instrument de musique, un violon marin.
La pureté de cet instrument, on la découvre en sortant avec Osvaldo. Rien d’inutile, une ligne totalement dépouillée, les drisses et écoutes passent sous le roof et le pont est entièrement dégagé. Le bateau est équipé d’une barre franche, qu’il bloque avec un tendeur en guise de pilote automatique, quand il se lève pour hisser la grand voile et sortir le foc. Un petit moteur diesel pour les manœuvres de port, ensuite c’est tout à la voile. Grand voile avec lazy bag, foc à enrouleur, pataras, deux winches simplement, un cockpit spacieux et ouvert sur l’arrière.
Après trois ans de chantier, le lancement a lieu en septembre 2011 et il en est à huit années de navigation, chaque année à la bonne saison il le met à terre pour un mois d’entretien et de rénovation du vernis, « mais c’est finalement assez simple. Outre la simplicité de navigation et la facilité à le manœuvrer, la solidité de la structure fait que le bateau ne présente aucune anomalie, aucun signe de vieillissement structurel, j’en suis très satisfait ».
Méthodique, Osvaldo Cartei fait tout à la main ou presque : polissage de la coque et antifouling, ponçage des vernis et revernissage, il ne compte pas son temps et ne néglige aucun détail. La facilité avec laquelle se manœuvre ce voilier, la légèreté avec laquelle il glisse sur l’eau en reflétant les vagues et ciel, sont bien le signe que le bateau est parfaitement accordé.
Et la suite ? Osvaldo est heureux de sa création, mais voudrait maintenant passer à autre chose, car il trouve autant de plaisir finalement à construite qu’à naviguer. Il va donc mettre en vente « Onlywood », à condition bien entendu de trouver un musicien qui saura jouer de cet instrument exceptionnel ! Avis aux amateurs très éclairés, il n’y aura sans doute pas de petite annonce...
Et pour profiter un plus de ce voilier magique : https://youtu.be/rgmwmDt0z60
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