Message reçu d’un “curé de campagnes”, le père Richard Kalka, longtemps aumônier parachutiste et resté proche du 1er RCP de Pamiers, qui dit bravement sa messe tout seul dans son église de la brousse de Caillau, confinée comme toutes les paroisses de l’Ariège et d’ailleurs. Dans son homélie de cet étrange 12 avril, Richard remet le message pascal dans le contexte du confinement et rappelle à l’occasion le rôle premier des femmes dans cette annonce de la Résurrection. A méditer:
« Le jour d’après », c’est un brin théâtral, comme expression, mais ça interpelle grave, diraient des jeunes. Bien sûr, nous espérons tous des lendemains qui chantent une belle mélodie et aussi rapidement que possible, même si l’après-confinement nous obligera peut-être à porter les masques dont le bon de commande est bloqué à quelque échelon ministériel. Et même si les dégâts sur notre économie, notre système de santé et ce qui reste de la cohésion nationale ne peuvent être évalués à ce jour, il serait opportun de se poser les bonnes questions, celle du cap étant la première et celle de la vitesse la seconde.
58 députés ont lancé une initiative pour collecter les avis des citoyens sur une plate-forme Internet sur « Le Jour d’après », (après le confinement ? après la catastrophe sanitaire ?). L’expression un peu usée. Pourquoi pas ? C’est une initiative louable. C’est une bonne occasion de s’exprimer et de débattre.
Sauf que « Le Jour d’après » a déjà eu lieu. Pour tous les croyants du monde et pour l’humanité tout entière, ce fut le « troisième jour » après la mort odieusement insupportable sur la croix de l’homme-Dieu qui s’appelait Jésus.
Il faut reconnaître qu’il n’est pas facile de parler de Pâques. Il y va d’une réalité devant laquelle butent nos esprits : ce mystère de mort et de vie, là où se situe la vérité des choses, de notre propre vie limitée dans le temps. La crise actuelle nous en offre une piqûre de rappel.
C‘est curieux mais ce sont les femmes qui, de préférence aux hommes, ont été chargées, les premières, d’annoncer à l’humanité cette chose impensable et jusque là inenvisageable, et pourtant désirée : la Résurrection.
Il y avait près de trois ans que des hommes et des femmes suivaient Jésus. Des hommes : c’était normal. Ce l’était moins pour les femmes qui, dans la culture de l’époque, étaient reléguées à la maison. Donc un certain nombre de ces femmes, dont les évangiles nous ont rapporté le nom, étaient des amies très proches de Jésus. Au moment de l’arrestation, alors que les hommes s’enfuient et lâchent leur ami, les femmes, elles, restent fidèles : elles sont là encore, au pied de la croix. Dans ces moments tragiques les femmes ont une perception plus juste et plus courageuse de ce qui se passe. Elles sont là, au Calvaire, elles sont là lors de la mise au tombeau. Pas étonnant qu’elles soient encore là le premier jour de la semaine, « alors qu’il fait encore sombre ». De l’ange qui les accueille, elles sont donc les premières à recevoir l’information : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité ». Et les voilà chargées d’aller annoncer la bonne nouvelle aux disciples.
Elles doivent aller annoncer la nouvelle aux apôtres et leur donner rendez-vous, de la part de Jésus, dans leur Galilée, leur patrie.
Nous aussi, nous sommes aujourd’hui renvoyés à notre Galilée. Notre Galilée, c’est notre milieu familial, notre milieu de travail, nos engagements d’hommes et de femmes dans la cité, dans l‘Eglise. C’est là que nous pourrons le rencontrer et nulle part ailleurs. C’est là que nous le verrons dans nos frères, nos sœurs, nos voisins : notre prochain.
Le très bon discours (homélie) du pape François du 27 mars, sur l’esplanade du Vatican, nous invite à « profiter » de cette catastrophe pour faire le tri, pour filtrer (le sens du mot grec crisis : distinguer, séparer, choisir) l’essentiel de l’accessoire à la lumière des événements que nous vivons. Et j’ajouterais : à la lumière du dimanche de Pâques.
Reconsidérer la nature qui est à la fois hostile et alliée. Avoir ses propres opinions sur les changements climatiques et autres que nous observons. Être convaincu de la nécessité de respirer l’air frais. Faire des exercices physiques intelligemment est facteur d’équilibre mental et spirituel.
Revaloriser dans notre esprit et dans notre comportement les métiers au bas de l’échelle qu’en temps normal nous considérons comme moins nobles (soignants, hôtesses de caisse, éboueurs, ouvriers agricoles, femmes de ménage).
Revaloriser les activités gratuites, sources de liens et de solidarité. En finir enfin avec argent-roi, rentabilité, donnant-donnant, fraude, tromperie.
Travailler autrement : gaîment, sincèrement, avec du cœur, pourquoi pas passionnément ? Travailler pour soi mais aussi pour autrui. Se poser la question quelle est l’utilité réelle de certaines de nos activités.
Consommer autrement : je n’ai pas de conseil à vous donner ; que chacun soit maître de sa cuisine et de ses casseroles. Se poser quand même la question sur la désintoxication de notre surconsommation. Réfléchir à une vie plus sobre.
Même après le confinement et surtout après le confinement, cultiver le goût de l’intériorité (« Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester au repos dans sa chambre » (Blaise Pascal).
Réhabiliter le long terme, en bannissant de notre quotidien le court-termiste : tout, tout de suite et l’obsession du résultat.
Etre conscient et avoir à l’esprit que l’homme est bon, mais pas que. Chacun de nous est capable du meilleur comme du pire. En chacun de nous le bon grain et l’ivraie sont inextricablement mêlés. Cette période de crise pandémique met en lumière d’une manière particulière nos égoïsmes et nos générosités, notre indifférence et notre grandeur d’âme.
J’ai toujours aimé la salutation russe orthodoxe le dimanche de Pâques : Христо́с воскре́се ! et la réponse : Вои́стину воскре́се ! suivie d’un bon baiser, souvent sur la bouche. Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! "
Le père Richard Kalka a publié en 2014 ses mémoires d’aumônier militaire, “Dieu désarmé – Journal d’un curé de campagnes”, où il raconte dans son langage très libre ses trente ans d’engagement continu auprès des forces françaises sur tous les théâtres, pour lesquelles on lui a remis en mai 2018 les insignes de commandeur de l'ordre national du Mérite.
Bonjour,
Joyeuses Pâques & merci pour ces belles paroles.
Mes amitiés
Estelle
(La Poste!!)
Rédigé par : Menier Estelle | 13 avril 2020 à 10:23