Sur une toute petite route de montagne entre Florence et Volterra en Toscane, caché dans la verdure, le monastère de San Vivaldo est entouré d’une quinzaine de chapelles représentant la topographie de Jérusalem et les étapes de la Passion de Jésus : c’est la « Jérusalem de San Vivaldo », très originale par sa collection de sculptures polychromes.
Ancien lieu de dévotion à un ermite du XIVe siècle, le bienheureux Vivaldo de San Gimignano, l’église est agrandie et renforcée d’un monastère en 1426 et confiée en 1497 aux Franciscains. Ceux-ci font édifier, entre 1500 et 1515, une série de chapelles retraçant le chemin de croix, qui seront jusqu’à 34 et dont il reste aujourd’hui la moitié. C’est l’époque où le pape Léon X accorde des indulgences aux pèlerins se rendant à San Vivaldo, cette Jérusalem de Toscane.
Il faut rappeler que saint François, hostile aux croisades de conquête, avait lui-même participé à la Ve croisade en 1219 pour rencontrer le sultan Malik el-Kamil à Damiette et lui expliquer que la religion chrétienne était d’amour et non de guerre. Et parallèlement, saint François s’était battu auprès de trois papes successifs pour obtenir que le pèlerinage à Assise donne autant d’indulgence que le pèlerinage à Jérusalem, dans le but d’enlever cette justification aux croisades en terre sainte.
San Vivaldo n’est pas Assise, aucune basilique ici mais un ensemble discret caché dans les arbres, et qui n’est pas forcément facile à trouver. Mais il y a toujours un Franciscain de service pour accueillir le visiteur ou le pèlerin, le guider en plusieurs langues et l’escorter de chapelle en chapelle grâce au gros trousseau de clefs qu’il porte à la ceinture. L’essentiel est en effet dans les petites chapelles, le couvent et l’église étant intéressants mais n’offrant pas la même originalité artistique.
Car au-delà du parcours spirituel, la visite révèle d’étonnantes sculptures appuyées sur des bas-reliefs, avec des personnages peu communs en terre cuite polychrome et d’un grand réalisme, dus aux ateliers de Giovanni della Robbia et Benedetto Buglioni. Les personnages sont en habits de l’époque Renaissance, avec des soldats romains dont certains en costume ottoman, et avec des bannières islamiques en arrière-plan.
Dans la chapelle représentant la maison d’Anne le grand prêtre, une frise de sculptures s’appuie sur des fresques qui la prolongent et lui donnent de la profondeur de champ. Anne est sur la droite (ci-dessous à droite), et regarde le Christ giflé par des soldats. Les personnages de cette série sont parmi les plus expressifs de cette « Jérusalem », par leur réalisme et par leur mouvement, accentué par le fait d’avoir assis le grand prêtre sur un siège vu de trois quarts.
Dans la maison de Caïphe, deux groupes en terre cuite représentent Jésus devant Caïphe et Jésus outragé, œuvres attribuées à Benedetto Buglioni et Agnolo di Polo. Jésus vient de dire à Caïphe qu’il est le fils de Dieu, et Caïphe se déchire la chemise pour répondre au blasphème (à gauche). Dans le second groupe, Jésus est livré aux servants de Caïphe, et le contraste est fort entre son aspect résigné et digne et les personnages sombres des servants aux traits déformés et grotesques.
Les chapelles se suivent et ne se ressemblent pas, mais suivent la logique du parcours du Christ avec la chapelle de Simon le Pharisien, celle de Ponce-Pilate, la chapelle de la prison du Christ, la Montée du Calvaire, l’Evanouissement de la Vierge… Toutes ces scènes de la Passion sont expressives et pédagogiques, racontant en détails imagés la Via Dolorosa dans la pénombre des petites chapelles où se glisse parfois un rayon de soleil inattendu.
Juste avant la chapelle du saint-Sépulcre, avec un Christ grandeur nature allongé dans son tombeau (ci-dessous à gauche), la petite chapelle du Calvaire (à droite), avec le “Stabat Mater”qui permet de voir la crucifixion depuis le bas, et un autre accès par le haut…
Dans la chapelle du Saint-Sépulcre, la statue du Christ est veillée par une sainte Hélène de Constantinople couronnée, la mère de l’empereur Constantin, provenant d’une chapelle détruite. Et dans l’édicule juste à côté de cette chapelle, une statue de Marie-Madeleine rencontrant Jésus après la Résurrection, la scène du “Noli me tangere”, remarquable par sa modernité et très expressive avec ses cheveux défaits.
Les chapelles de San Vivaldo sont entretenues mais certaines sont menacées par les intempéries et nécessiteraient une ultérieure restauration. Mais les moyens du couvent sont limités pour un lieu qui n’est pas un but de pèlerinage très fréquenté. Raison de plus pour ne pas tarder à visiter cette Jérusalem de Toscane, à une demi-heure de route de Volterra.
merci beaucoup pour cette passionnante balade.La Toscane est toujours pleine de surprises.
jean-P. Perrin
Rédigé par : perrin | 04 mai 2020 à 18:27
Merci Jean-Pierre, je trépigne d'y retourner, il me reste encore tellement de choses à y découvrir...
Rédigé par : Pierre Bayle | 06 mai 2020 à 08:55