La forêt amazonienne est tout sauf une forêt vierge. Un demi-siècle de fouilles archéologiques ont pu mettre en relief que les hommes l’ont habitée depuis vingt mille ans et y ont laissé leur empreinte le long des grands fleuves, avec une floraison de civilisations, de langues et de cultures dont on retrouve la trace, malgré la difficulté de conservation de ce milieu perpétuellement humide et raviné par les pluies.
Le MACCO, musée archéologique et centre culturel d’Orellana (la ville de Coca, au confluent du rio Coca et du rio Napo en Equateur), offre une très belle collection de vestiges, statues, outils et poteries, dont beaucoup appartenant à celle qu’on pourrait nommer civilisation du Napo. Qui correspondrait aux Omaguas au Pérou, aux Tupi-Guarani au Brésil, mais l’archéologie amazonienne est trop récente pour affirmer des appartenances avec certitude – et à mon niveau de simple touriste encore moins.
Ce qui est acquis, c’est qu’à travers les siècles les peuples du fleuve ont travaillé les matériaux présents dans la forêt, la pierre et le bois dur pour faire des outils, l’os et les épines végétales pour faire de petits instruments, l’argile et la terre cuite pour les récipients, jarres et vases funéraires une fois le feu domestiqué pour faire de la céramique, mais aussi des bijoux, et que tout cela représente un haut niveau d’élaboration et de création.
Ces vestiges sont presque impossibles à découvrir, avalés par la végétation et la terre des alluvions, et c’est parfois l’eau du fleuve qui découvre une rive et met à nu des restes de villages. Et si les villages d’aujourd’hui sont beaucoup plus reculés, cachés en retrait des rives, les longues cases sont toujours les mêmes avec de grands toits recouverts de feuilles de palmier.
En fait les premières fouilles archéologiques ont été entreprises en 1957 par un couple britanniques, Clifford Evans et Betty Meggers, qui vont pouvoir raconter l’histoire de cette région pendant les quatre siècles ayant précédé la colonisation hispano-portugaise de l'Amazonie.
Ces fouilles seront développées ensuite de façon plus systématique par les missionnaires capucins du vicariat apostolique d’Aguarico (Francisco de Orellana) qui créent en 1975 le CICAME (Centro de investigación cultural de la Amazonía ecuatoriana), dont les découvertes ont largement contribué aux collections réunies dans le musée de Coca.
Ce qui permet de parler d’une civilisation Napo, c’est non seulement que les traditions très anciennes de fabrication et de décoration de poteries se retrouvent dans l’artisanat des communautés indigènes d’aujourd’hui, mais que le rayonnement de cette civilisation ne connaît pas non plus de limites territoriales : les fouilles faites très en aval du Napo et du fleuve Amazone, jusqu’à son embouchure océanique au Brésil, montrent une grande similitude dans les œuvres retrouvées
Parti en 1542 du confluent de la riivière Coca dans la rivière Napo, affluent de l’Amazone, depuis la ville qui porte aujourd’hui son nom en Equateur, l’espagnol Francisco de Orellana va descendre l’Amazone jusqu’à son embouchure; il va décrire des fleuves bordés de villages très importants bâtis par ces populations qui ont ensuite dû refluer en forêt profonde du fait de la colonisation et de l’esclavage, ainsi que des épidémies apportées par les colonisateurs.
Après les collections anthropologiques de Quito et de Cuenca, le musée de Coca complète la connaissance qu’on peut avoir des cultures amazoniennes, une connaissance encore en plein développement. La visite est en tous cas un préalable indispensable pour ceux qui veulent se rendre auprès des communautés des fleuves de cette région, Waorani ou Kichwa, en permettant de mieux comprendre d’où vient leur héritage, avec ces poteries identiques à celles d’il y a quelques siècles, et pourquoi elles tiennent tellement à conserver ce bagage de traditions qui ont traversé les siècles et les catastrophes naturelles et humaines. Et pour ceux qui ne veulent pas se contenter des safaris photo pour prendre des aras, des toucans et des dauphins roses…
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.