Rien de tel qu’un weekend prolongé pour redécouvrir les charmes discrets de la Normandie, une des régions les plus vertes de France car quotidiennement bénie par la pluie mais où le soleil fait de belle incursions et révèle les couleurs du bocage varié, de la mer toujours en mouvement et du ciel changeant.
Dépassant les plages du débarquement, émouvantes mais trop touristiques, il faut arriver à Port en Bessin, échancrure dans un littoral qui compte peu d’abris et où, en respectant les horaires des marées, on peut trouver abri derrière l’écluse du port par grosse tempête. Le petit port tout en longueur est charmant, et la vue qu’on en a du haut de la falaise est superbe, dommage que les éboulements aient provisoirement interdit l’accès du bord de la falaise.
En remontant la côte orientale du Cotentin, un autre abri apprécié des marins est Saint Vaast la Hougue, port de pêche et de plaisance, connu aussi pour ses huitres. Juste au nord du port, la baie révèle en s'asséchant à marée basse une vaste étendue de parcs à huitres.
Il ne faut donc pas demander de viande dans les restaurants du port mais choisir dans une abondance de poissons et fruits de mer tout droit sortis de l’eau. Du reste Saint Vaast se prononce “Saint Vaaaa”, le soupir qu’on pousse en dégustant une huitre.
Et ce n’est pas un hasard si dans ce lieu de bonnes tables on trouve un temple de la gastronomie, l’épicerie Gosselin ouverte en 1889, où les produits les plus rares sont présentés dans un labyrinthe de couloirs et de vitrines… Assez prenant en tous cas pour qu’on y passe une heure sans se rendre compte.
Ensuite nous fûmes à Barfleur… Un ravissant petit port ouvert sur la mer sans écluse pour retenir l’eau…
… et qui s’assèche donc à marée basse, avec les bateaux délicatement allongés sur le fond sablonneux.
La ville est ancienne, avec son canon “qui a participé à la bataille de Barfleur en 1692”, son église massive au début de la jetée, tournant le dos aux embruns, tandis que les maisons d’habitation s’alignent plus loin à l’abri, tout au bord du port.
Très émouvant, le tout petit musée de la SNSM, la société nationale de sauvetage en mer. La station de Barfleur, créée en 1865, a été la première de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés dont plusieurs tableaux recensent les opérations de sauvetage de navires et embarcations de tout type, mais aussi d’hydravions en difficulté. Une longue rampe permettait de mettre le canot à la mer même à marée basse.
En quittant Barfleur, nous traversons le Cotentin en diagonale en naviguant comme en pleine mer, à éviter les averses et suivre les couloirs de soleil. La pointe de La Hague, sous un épais couvercle noir, sera évitée cette fois-ci, il faudra y revenir, comme à Cherbourg. Après Valogne, l’imposant château de Bricquebec nous arrête, avec son imposant donjon polygonal qui domine de hauts remparts. Un hôtel-restaurant est tranquillement abrité dans l’enceinte, ce sera pour la prochaine fois. Mais le château mérite d’être parcouru, même rapidement, car c’est un monument impressionnant.
Sur la côte occidentale, l’échancrure de Barneville-Carteret est accueillante, bien abritée du vent du large par un promontoire boisé bordé de dunes. A l’entrée du chenal d’accès à la marina, un indicateur en grosses lettres lumineuses donne la profondeur de l’eau, car le port n’est pas accessible à marée basse. Cette zone où l’Atlantique s’enfourne dans la Manche et vient buter sur le coude entre le Cotentin et la Bretagne qui s’articule autour du Mont Saint-Michel, a des marées spectaculaires avec des marnages de plus de dix mètres.
Les paysages sont paisibles à marée basse mais peuvent être grandioses à l’époque des tempêtes. Carteret et Barneville restent tapies à l’abri de dunes et s’articulent autour du port comme réfugié dans un lac intérieur.
En descendant cette cote orientale vers le sud, sans arriver au Mont Saint-Michel, on à arrive à Granville où, malgré les bombardements de la deuxième guerre mondiale, les vieux quartiers perchés sur les collines autour de leurs églises dominent le port de plaisance où les bateaux montent et descendent au gré des marées en restant amarrés à leurs pontons flottants. Quelques chalutiers aussi restent à quai, en tous cas ceux qui n’ont pas encore obtenu de licence britannique pour pêcher autour des îles anglo-normandes portant si proches.
En quittant le Cotentin on traverse le Calvados et il ne faut pas manquer de passer par Bayeux, célèbre pour sa tapisserie de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le conquérant et pour le premier discours du Général De gaulle sur le sol français libéré, le 14 juin 1944, une semaine après le débarquement allié.
Bayeux aussi a beaucoup souffert dans les combats qui ont suivi le débarquement mais a été admirablement reconstruite et restaurée, entre la cathédrale, l’ancien hôpital et les maisons à colombage typiques de la Normandie. Une ville coquette qui n'a plus rien àç voir avec les photos de Bayeux et de Caen après les combats et les bombardements de la Libération.
Le musée de la tapisserie n’est pas le seul, il y a un très beau musée municipal riche en peintures, meubles et porcelaines, mais il est le plus important : la tapisserie longue de 70 mètres et superbement conservée sera retirée du public en 2024 pour une nouvelle campagne de restauration destinée à préserver ce patrimoine unique, celui d’une “bande dessinée” vieille de dix siècles et qui raconte en couleurs et en détails l’histoire de cette expédition. Aucune photo n’est admise et c’est tant mieux, mais le musée présente dans d'autres salles des reproductions en grand format (sur fond noir, contrairement à la tapisserie) pour mieux apprécier encore la richesse des détails.
La Normandie de la Manche et du Calvados est d’une très grande richesse de paysages et de sites touristiques, et si j’ai évoqué rapidement les fruits de mer, j’aurais pu être infiniment plus long sur la cuisine et les restaurants de la région, célèbre aussi pour ses laitages, sa crème, son beurre et ses fromages, ses pommes, son cidre et son Calva, sans oublier les pâtisseries !