Le combat de la militante équatorienne Nemonte Nenquimo pour la défense de sa communauté Waorani contre les menaces de sociétés pétrolières sur la forêt amazonienne est raconté par elle-même dans un superbe récit co-écrit avec son mari Mitch Anderson et publié en anglais par Wildfire: « We will not be saved – A memoir of hope and resistance in the Amazon rainforest ».
Petite fille, Nemonte est attirée par les familles de prédicateurs américains, avec une petite fille blonde dont elle devient l’amie, avant de voir ses illusions disparaître avec le départ de la famille. Attirée quand même par ce monde qu’elle découvre de loin, elle quitte sa famille pour gagner une école de missionnaires où on va la rhabiller, elle qui courait nue dans la forêt, avant de l’envoyer au collège en ville où elle sera victime du mari d’une prédicatrice évangélique.
Fuyant cet environnement hostile après avoir fui son village dans la forêt, elle va grandir seule et raconte ses espoirs et ses désespoirs, découvrant peu à peu combien sa communauté et les communautés indigènes en général sont victimes de leur naïveté et abusées par les sociétés pétrolières qui polluent les cours d’eau et distribuent une mauvaise eau à peine buvable, attirent les indigènes autrefois chasseurs comme ouvriers des installations pétrolières sans aucun droit ni aucune garantie, parqués dans des bidonvilles en lisière des sites pétroliers.
Révoltée autant pour son cas personnel que pour les membres de sa communauté, Nemonte va rencontrer des ONG venues installer de petites stations de récupération d’eau de pluie pour rendre leur autonomie aux villages. Elle fait la connaissance de Mitch Anderson, qu’elle accompagne dans ses tournées auprès des différentes communautés équatoriennes pour les équiper en stations. Mais elle veut aller au-delà et dans ses rêves lui apparaît le jaguar, figure emblématique de la forêt, qui lui donnera la force de lancer le combat contre l’exploitation pétrolière, avec une menace croissante.
L’Equateur étant riche en gisements de pétrole, le gouvernement décidé en 2012 de mettre aux enchères le « bloc 22 » qui inclut une majorité des territoires de la communauté Waorani, près de 180.000 hectares de forêt vierge. Encouragée par Mitch, devenu son compagnon, elle décide de mobiliser sa communauté et les communautés voisines et de choisir le combat devant les tribunaux plutôt que les lances traditionnelles, impuissantes devant les armes de leurs adversaires.
Accompagnée de Mich elle parcourt la régon, passant dans chaque village pour dresser une cartographie de la forêt qui n’existe pas encore et prouver qu’elle appartient à ses habitants. Récit touchant, où elle raconte que le anciens veulent faire figurer sur la carte les endroits les plus symboliques mais pas forcément les plus visibles. Et surtout, pour étayer son recours contre la décision de cession du Bloc 22, elle recueille des témoignages sur le fait que les autorisations signées par des chefs Waorani ont été extorquées sous la pression et avec l’alcool, les signataires n’étant souvent pas capables de lire ce qu’on leur faisait signer.
En 2019, à l’issue d’un long processus, un tribunal annule cet « accord » et interdit l’exploitation pétrolière dans le Bloc 22. Un précédent qui va permettre d’empêcher la mise aux enchères de seize autres blocs de territoire amazonien couvrant près de 3 millions d’hectares de forêt primaire. Nemonte Nenquimo, qui reçoit des reconnaissances internationales pour sa défense de l’environnement, devient une des figures de proue des communautés indigènes de l’Equateur avec son slogan « la selva no se vende, la selva no se explota ».
J’ai eu l’occasion de découvrir la communauté Waorani en 2019, l’année du soulèvement indigène, en me rendant au village de Bameno, accessible par douze heures de pirogue à travers le rio Cononaco. J’ai eu la chance d’y rencontrer des anciens dont Kemperi, décédé depuis, des chasseurs comme Penti Baihua et surtout des jeunes ayant appris à se servir de l’imagerie satellitaire de Google Maps pour visualiser l’avancée des sociétés pétrolières et minières à travers la forêt afin de les dénoncer aux autorités. Un combat d’un nouveau type, où la technologie la plus sophistiquée vient en aide aux recours juridiques, mais où la détermination reste celle des guerriers à la lance.
We Will Not Be Saved : https://amazonfrontlines.org/book/