Après avoir lu Houris, de Kamel Daoud, il faut absolument lire “Le cours de monsieur Paty”, écrit par sa sœur Mickaëlle Paty avec Emilie Frèche. Aucun rapport ? Au contraire, le second prolonge exactement le premier. Et s’il n’est pas de la même veine littéraire, il est un témoignage accablant sur la violence des islamistes et sur la passivité qui leur est opposée et qui les laisse se développer en toute impunité.
Dans Houris, Kamel Daoud ne décrit pas seulement la décennie sanglante en Algérie où les islamistes les plus radicaux égorgeaient des villages entiers et faisaient régner la terreur dans tout le pays. Il dénonce aussi le fait que les victimes de ces violences aient été rejetées dans l’oubli et les survivants littéralement bâillonnés, au nom de la “concorde” nationale, par le régime militaire, transformant par une étrange amnistie les égorgeurs de la veille en paisibles “cuisiniers” qui n’auraient eu que des tâches ancillaires dans les maquis.
La sœur de Samuel Paty ne fait pas du roman, n’invente rien, n’écrit que du factuel. Elle raconte ce qui est arrivé à son frère, qui se contentait d’appliquer exactement les programmes de l’éducation nationale sur la liberté d’expression, y compris avec les caricatures du prophète, il n’a rien inventé, il n’a rien été chercher de son côté. Il a au contraire insisté sur l’approche totalement laïque, le but du cours étant d’expliquer le concept de laïcité et les valeurs de la République, liberté, égalité et fraternité.
Quand il a proposé aux élèves qui redoutaient d’être choqués par ces images de sortir un moment de la salle de classe, à aucun moment il n’a même mentionné ou différencié les élèves musulmans, adressant cette invitation à l’ensemble de la classe. Et même quand il a été pris à partie par une campagne de menaces sur les médias sociaux, il est resté fidèle à son engagement d’enseignant défendant la laïcité et la neutralité de l’école de la République.
Le livre cite ses notes personnelles, ses notes de cours, les documents du rectorat sur lesquels il s’est appuyé. Mais aussi ses appréhensions lorsqu’il s’est vu littéralement ciblé par cette campagne partie d’un mensonge. Et c’est là qu’il faut absolument suivre le récit : l’accusation d’avoir montré des caricatures offensantes en stigmatisant les élèves musulmans a été portée par une élève qui était absente, relayée par son père sur les médias sociaux, le point de départ d’une campagne amplifiée par les réseaux islamistes jusqu’à être reprise par un fanatique s’érigeant en justicier pour aller égorger l’enseignant.
Tout cela est connu, mais l’auteure insiste, messages et notes à l’appui, sur la passivité de l’encadrement, notamment du rectorat et du directeur académique adjoint préférant le “pas de vague”, et même la lâcheté d’un de ses collègues qui se désolidarise de Paty en écrivant qu’il a commis une faute. Alors que tous, enseignants, direction du collège, rectorat, savaient dès le départ que l’accusation reposait sur le mensonge d’une élève absente. Je ne veux pas tout raconter mais le témoignage de Mickaëlle Paty est accablant pour l’Etat et ses représentants à tous les niveaux.
L’auteure fait en plus l’historique de toutes les violences commises par des islamistes en France ces dernières années, en listant les victimes et dénonce la passivité des pouvoirs publics face aux atteintes à la laïcité – elle cite comme exception la visite de Gabriel Attal dans un collège d’Issou dans les Yvelines, où des élèves contestaient leurs enseignants – dans ce qu’Elisabeth Badinter résume bien : “tolérer l’intolérable”.
Ce livre se lit rapidement, il est factuel et n’est pas un simple hommage à Samuel Paty, mort pour les valeurs de la République. Il est aussi un moyen de contextualiser et comprendre les procès en cours contre ceux qui ont instrumentalisé un mensonge d’enfant pour lancer une campagne de haine et déchaîner les passions. Il est aussi un signe de solidarité pour tous ces enseignants qui se sentent abandonnés par leur hiérarchie et dont beaucoup, malheureusement, démissionnent face aux menaces et à la déconsidération dont ils font l’objet.
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