Toujours le même plaisir des yeux à Paris Photo, avec une édition 2024 qui a retrouvé son superbe cadre du Grand Palais après avoir occupé le Grand Palais éphémère les éditions précédentes. Et toujours le même plaisir de tracer son propre cheminement et de voir, en lisant ensuite les critiques, que chacun peut faire ses propres découvertes.
Après un passage obligé chez Estée Lauder qui sponsorise à nouveau Le Pink Ribbon Award, à propos du cancer du sein, avec des photos toujours émouvantes de femmes qui osent témoigner devant la caméra, c’est le plaisir de faire son parcours dans ce cadre si majestueux, où l’exposition a toute la place de s’étendre entre le rez-de chaussée et les galeries qui le surplombent, sous la lumière naturelle de la grande verrière.
Alice Pallot, une photographe qui a travaillé avec des scientifiques et des chercheurs du CNRS, montre le travail qu’elle a réalisé en Bretagne sur une algue proliférante, avec des effets visuels mais aussi chimiques par travail de ces algues sur des surfaces sensibles. Un travail d’expérimentation qui donne des résultats étonnants avec “Algues maudites”.
Juste à côté, la Brésilienne Livia Melzi expose en photos le travail qu’elle fait en participant au sauvetage de la mémoire du Musée national de Rio, détruit à 80% par un incendie, en photographiant les objets sauvés des flammes et en cherchant dans les collections d’autres musées. L’autoportrait de l'artiste Gliceria Tupinalba qu'elle résebte ici est une illustration de la recheche sur les parures de plumes traditionnelles des Tupi.
Dans la même région, le Péruvien Roberto Huarcaya a réalisé des “Amazogramas” dans la forêt brésilienne, en exposant d’immenses bandes de papier sensible à la lumière de la lune, à travers lianes et feuillages de la canopée. Développement et fixage ont été faits en pleine forêt avec l’eau du fleuve, d’où les scories et même les insectes venus se graver sur ces bandes de papier photographique. Dans la même inspiration environnementale, des créations numériques à partir de déchets donnent l’impression de véritables paysages.
Dans ce cadre du Grand Palais qui donne toute leur place aux photos et permet de belles scénographies, on voit bien que la frontière entre photo et peinture est ténue, et que la photo est un art à part entière.
La glace bleue de Sara, de la Turque Sabia Cimen, surprend au détour d’une paroi, car si vue d’en haut l’exposition est très aérée, le découpage en allées, alvéoles et petites salles permet de ménager des surprises et d’éviter des parcours trop linéaires.
Plusieurs galeries présentent des photos devenues “classiques” et qui montrent l’ancienneté de cet art, en particulier les photos de l’Américaine Julia Margaret Cameron dont ce très beau “Kiss of Peace” de 1869, que nous expique notre guide passionnée Adèle. D’autres photos, contemporaines, renvoient à des chefs-d’oeuvre de l’art classique comme cette “Yoi Mamas Pietà” de Renée Cox, de 1996, insirée de la Pietà de Michel-Ange.
Deux très grands photographes qu’ont voit presque toujours dans ces expos photo sont bien présents, Sebastiao Salgado avec une série de photos en petit format du Mexique et d’Equateur de 1982, et Steve McCurry avec une incroyable locomotive devant le Taj Mahal, de 1983.
Une place d’honneur, face à l’entrée principale, a été réservée à une collection exceptionnelle, les plus de 600 photos de l’Allemand August Sander “People of the 20the Century” : un témoignage sur l’histoire de la société allemande avec des portraits et des photos de groupes classés par époque, par métier, par région, sans omettre les combattants de 1914-18 avec leurs casques à pointe et ceux de 1939-45 également en uniformes avec décorations, à côté des photos de familles, d’enfants, d’ouvriers et d’artisans de tous les métiers. Le troisième portrait est celui de la photographe Sandra Beauchard, qui chaque année nous fait visiter les trésors de Paris Photo… ;-)
Ce n’est ici qu’un bref aperçu d’une exposition beaucoup plus riche qui malheureusemenrt se termine déjà, où une grande place est accordée aux nouvelles technologies, à la numérisation et même à l’intelligence artificielle. Mais il y reste aussi, et heureusement, beaucoup de place pour la sensibilité, la poésie et l’émotion, comme ces “Californian Wildflowers” de Pieter Hugo. Il suffit de se laisser guider par l’intuition, sans idée de tout voir ou tout “faire”…
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