Si vous avez aimé “La Conspiration du Caire”, du réalisateur suédo-égyptien Tarik Saleh, vous allez apprécier “Conclave” d’Edward Berger, qui est de la même veine des polars religieux sur fond de complot. Et si Saleh expliquait de façon étonnante qu'il avait voulu faire une adaptation au monde musulman du “Nom de la rose”, Berger a repris en adaptant le roman de Robert Harris, volens nolens, les ingrédients de “La Conspiration” avec les complots violents qui agitent ce monde clos et en apparence feutré qu’est Al-Azhar d’un côté, le Vatican de l’autre, pour la succession du grand chef, Imam ici ou Pape là…
Si l’on pousse la comparaison, ces deux films sont des chefs d’œuvre sous l’angle de la photo. Le plaisir visuel qu’on éprouve à certaines scènes de “La Conspiration” est le même devant certains tableaux de “Conclave”, une véritable émotion artistique, jusque dans le détail. Emotion visuelle mais aussi sonore, les cardinaux unis dans la récitation par le latin, les concours de récitations du Coran dans "la Conspiration", à condition bien sûr de voir la version originale en arabe. J’ai lu certaines critiques du “Conclave” qui parlent d’une émotion religieuse et d’un message de foi. Chacun peut y trouver ce qu’il y cherche, je vois surtout dans “Conclave” un policier remarquablement ficelé où l’on éprouve de l’empathie pour le personnage du doyen, le remarquable Ralph Fiennes, en se demandant s’il a une chance d’être élu Pape lui-même, mais on se laisse guider par la trame véritablement policière.
Les rebondissements s’enchaînent ainsi avec maestria et je n’y vois pas davantage de message religieux, pas plus qu’il n’y en avait dans le magistral “Habemus Papam” où Nanni Moretti, aidé de l’irrésistible Michel Piccoli, se payait franchement l’élection du pape, en jouant lui-même le rôle du psychanaliste, tout en décrivant scrupuleusement les rites et les modalités de la succession papale, le pied de nez final étant la scène ou le Pape élu malgré lui est applaudi dans une salle de théâtre…
Une originalité dans "Conclave", ce dernier film sur le Vatican, le rôle croissant des femmes avec la “religieuse en chef” incarnée par une Isabella Rossellini à la présence incroyable. Je ne veux surtout pas raconter la fin du “ Conclave”, je laisse à chacun le plaisir d’en dérouler le suspense, il en vaut la peine. Mais sans en dévoiler la teneur, la fin me paraît une façon élégante de conclure sans Happy End à l’américaine, avec une pointe d’humour un peu woke. Et la réflexion philosophique d’un des cardinaux : quels que soient les jeux de pouvoir au sein du Conclave, c’est Dieu qui décide en dernier ressort.
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