Les Irakiens avaient tout prévu pour leur attaque-éclair contre l’Iran en septembre 1980 : la force militaire mais aussi l’accompagnement médiatique. Plusieurs centaines de journalistes internationaux amenés depuis Amman – on ne passait plus en avion mais en car, par la route – et spécialement invités à assister à la Qadissya de Saddam, la victoire historique de l’Irak sur l’ennemi séculaire. Le spectacle a duré un mois, puis la guerre s’est installé dans la durée. Le régime irakien a changé de stratégie, de manœuvre médiatique, et raccompagné à la frontière jordanienne tous ces journalistes qu’il avait utilisé pendant quatre semaines et qui devenaient des témoins encombrants.
Ce récit est un témoignage, patchwork de dépêches, de photos personnelles, de notes, d’impressions conservées. Pas une histoire récrite en sachant l’issue, mais une histoire revisitée, avec ses incertitudes du lendemain, le manque de perspective donné par une découverte au jour le jour, au ras du terrain, l’absence de vision stratégique quand on ne voit qu’un petit bout du film. L’expérience d’un journalisme encore artisanal dans les transmissions, avec des télex et des téléphones fixes et très incertains, pas de transmission satellitaire, pas de télé en direct…
Et la phrase codée qui figure souvent deux fois en tête des Telex et intriguera nos censeurs :
TEST THE QUICK BROWN FOX JUMPS OVER THE LAZY DOG 12345 67890
TEST THE QUICK BROWN FOX JUMPS OVER THE LAZY DOG 12345 67890
Mais il ne s’agissait pas d’un remake des « sanglots longs des violents de l’automne », c’était le test réel servant à vérifier la qualité de la machine et de la transmission…
Ressortir ses souvenir trente ans après, c’est bénéficier de la prescription trentenaire, l’oubli des petites querelles et des problèmes de personnes, de la politique du moment. C’est aussi revisiter l’histoire de l’Irak qui sort à peine de trente ans de guerres pratiquement ininterrompues. Une autre façon d’appréhender la réalité de l’Irak d’aujourd’hui, en constatant que ce pays a connu des heures bien plus sombres et bien plus instables, et que s’il n’est pas encore devenu un havre de paix et de sérénité, il est plus proches d’un équilibre interne et externe qu’il ne l’a jamais été depuis très, très longtemps.
J’ai limité mon récit à mes propres dépêches, impressions, souvenirs, mais je ne veux pas oublier tous ceux qui m’ont accompagné dans cette aventure d’un mois et avec qui j’ai travaillé : Jean-Michel Cadiot qui était alors le courageux stringer de l’AFP à Bagdad, Jean-François Le Mounier qui m’a rejoint comme envoyé spécial, mon directeur régional David Daure et tout le bureau de Beyrouth qui étaient ma base arrière et mon soutien permanent, et tous ces collègues journalistes, français, britanniques et américains, Gavin Bell, Robert Fisk et tant d'autres venus comme moi de Beyrouth.,Avec eux j'ai partagé les petites et grandes émotions des combats, les tracasseries administratives, la censure irakienne, l’incompréhension des rédactions lointaines, des communications impossibles, des soirées dans le noir sans eau mais pas sans alcool, des hauts et des bas du moral, avec le sentiment partagé de vivre un moment historique sans en comprendre toujours le sens…
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Lundi 22 septembre
L’Irak déclenche par surprise une offensive militaire contre l’Iran, sur des centaines de kilomètres de front. L’attaque se fait sans déclaration de guerre, Bagdad parlant de différend frontalier sur le Chatt el-Arab, de menace sur la liberté de navigation et sur les accès de l’Irak à la mer, et de légitime défense contre des menaces de déstabilisation en Irak, suite à une série d’attentats à travers le pays.
L’émotion est très vive dans le monde, mais il n’y pas de journalistes sur le théâtre, ni côté iranien, ni côté irakien. L’Iran est fermé depuis la Révolution islamique, et l’Irak n’autorise pas de correspondants permanents étrangers sur son territoire. L’espace aérien étant fermé, toutes les rédactions vont envoyer des journalistes par la route depuis la Jordanie.
Basé à Beyrouth et volontaire pour partir, je suis donc le plus proche d’Amman et l’AFP décide de m’y envoyer aussitôt.
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Mardi 23 septembre
Départ de Beyrouth en taxi, direction Amman. Un voyage de presque 48 heures de route m’attend, ponctué de sandwiches et de thés brûlants, pas le temps de s’arrêter pour faire une étape… A Amman ce sont des cars qui ont été organisés par les Irakiens pour gagner Bagdad, avec une absence totale d’informations sur l’état de sécurité de la route en territoire irakien. Est-elle bombardée ? Le poste frontière jordano-irakien est abordé en pleine nuit, c’est aussi bien. Café nomade amer, qui a cuit pendant des heures, de quoi réveiller un mort ! Ce qui ne nous empêchera pas de nous rendormir tous, entre la fatigue et la monotonie du paysage totalement plat pendant des centaines de kilomètres. Il y a là tous les correspondants au Moyen-Orient, venus d’Amman, de Beyrouth ou du Caire, en majorité des anglo-saxons. Ambiance détendue, pas d’a priori pour une majorité des journalistes, si ce n’est que l’Iran de Khomeiny détient toujours les otages de l’ambassade américaine et défie ouvertement le monde avec sa Révolution islamique. Mais pas de sympathie particulière pour l’Irak à cause de Saddam Hussein, pas vraiment un démocrate charismatique et qui exècre notoirement les journalistes.
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24 septembre
Arrivée dans la soirée à Bagdad. Installation à l’hôtel Mansour, qui domine le Tigre et où ont été installés d'office tous les journalistes étrangers... pour mieux les contrôler.
Je retrouve notre stringer, Jean-Michel Cadiot, installé à Bagdad depuis plusieurs mois et qui s’y trouve comme chez lui, connaissant tout et tout le monde, surtout nos redoutables accompagnateurs-censeurs du ministère de l’information.
Officiellement il est coopérant et les Irakiens font semblant de ne pas savoir qu’il a des liens avec l’AFP. Mais ça doit les arranger quand même, car ils peuvent l’expulser sans préavis.
Il n'empêche, Jean-Michel connaît non seulement les officiels mais les diplomates, les coopérants, les ingénieurs et les chauffeurs de taxi, bref tout un réseau de sources indispensables et qui s'avéreront précieuses.
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25 septembre
Journée de prise de contact avec la capitale et avec les autorités. Visas, autorisations, liste des interdictions, c’est la découverte d’un monde fermé à la communication et très méfiant. Nous avons été invités pour participer à une démonstration, ni plus, ni moins. Il faudra le garder à l’esprit en permanence ! On nous briefe sur la situation, le contexte politique, « l’agression iranienne », et on nous annonce un départ pour le front sud dès le lendemain matin.
Visite rapide la ville, bruyante comme toutes les capitales arabes. Bagdad est à l’opposé de Damas : plate, étendue, poussiéreuse, avec beaucoup de constructions récentes ou modernes. Elle ne dégage pas un charme particulier, au moins dans le centre que je traverse. Pas de vieilleries dans le souk, surtout des tissus, des vêtements et des électroménagers et gadgets asiatiques.
Ce qui me frappe, c’est le nombre de femmes et surtout de jeunes filles en pantalons. Pas seulement les miliciennes en uniforme de l’Armée populaire, mais des civils ordinaires : c’est bien une société laïque, et les femmes voilées qu’on croise au souk sont visiblement les paysannes venues de la campagne.
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26 septembre
Irak/Iran : situation militaire encore indécise
Bagdad, 26 septembre – Quatre jours après le déclenchement de la guerre ouverte entre l’Irak et l’Iran, la situation restait encore indécise, les adversaires semblant se jauger et agir au coup par coup, selon les observateurs à Bagdad.
Certains milieux diplomatiques occidentaux estiment que, de son côté, l’Irak « contrôle la situation » mais qu’il a rencontré chez l’armée iranienne, notamment dans les forces aériennes, une résistance supérieure à celle escomptée.
Les deux raids aériens de jeudi matin sur Bagdad portent à cinq le nombre des incursions au-dessus de la capitale irakienne, en réponse au raid irakien de mardi sur Téhéran.
Tandis que l’aviation irakienne, selon les communiqués diffusés à Bagdad, multiplie les raids sur la région iranienne comprise entre Abadan et Sanandadj, l’aviation iranienne continue à bombarder le nord de l’Irak : jeudi encore, elle aurait causé des dégâts importants à Kirkouk (300 km au nord de Bagdad), Mossoul (500 km au nord) et Kout (150 km SE).
Sur le plan terrestre et naval, les affrontements ne semblent pas encore avoir pris une allure définitive : les Irakiens affirment être entrés en territoire iranien mais sur une profondeur maximale de quinze kilomètres dans la région de Kasr e-Chirine (nord-est de Bagdad) pour « récupérer certaines zones occupées par l’Iran » selon le ministre irakien de la défense le général Adnan Kheirallah.
Il semble, selon les témoignages recueillis auprès d’étrangers revenus à Bagdad, que les combats en soient encore à l’état de bombardements des objectifs économiques, notamment les raffineries, afin de faire pression sur l’adversaire en le frappant sur ses arrières.
Bien que la capacité offensive de l’armée irakienne soit aussi mal connue que la capacité actuelle de résistance de l’armée iranienne, les observateurs pensent que l’Irak n’a pas encore lancé tout son potentiel dans la bataille ni déclenché d’offensive décisive sur les quelque mille kilomètres de frontière commune avec l’Iran.
Le quotidien « al Joumhouriyya » (la République) titrait ainsi jeudi : « nous les avertissons, attention, si les Iraniens continuent à frapper nos villes, nous les écraserons ».
Le général Kheirallah, dans sa conférence de presse de mercredi soir, avait du reste affirmé que l’Irak a les moyens d’atteindre tous les objectifs qu’il veut en Iran. Mais « à cause de nos principes, nous ne voulons pas élargir la guerre ». En soulignant que son pays « n’a pas besoin du pétrole de l’Arabistan (Khouzistan iranien) », le ministre de la défense a d’autre part semblé écarter une annexion territoriale de cette province iranienne à population à majorité arabe. La revendication principale de l’Irak reste donc, selon les déclarations de ce responsable, la souveraineté totale sur le Chatt el-Arab.
Cette apparente retenue dans l’affrontement, concluent les observateurs, pourrait être liée à des préoccupations diplomatiques et politiques : l’Irak, qui n’a reçu aucun soutien officiel de la Jordanie et du Maroc et, selon l’agence irakienne, de l’Arabie saoudite, souhaite éviter, face à un monde arabe très partagé sur ce conflit, d’apparaître en position d’agresseur. Une victoire militaire sur l’Iran pourrait en effet s’accompagner d’un recul politique, alors que l’Irak ambitionne d’être un nouveau chef de file des pays arabes.
Personnage très impressionnant, ce Kheirallah. Il n’a pas l’air d’un général d’opérette et semble avoir une vraie dimension politique. Intéressant de découvrir un acteur de cette envergure aussi proche de Saddam Hussein, dont il est du reste le beau-frère.
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Prisonniers iraniens
Bassorah (sud Irak), 26 septembre – Plus de 70 prisonniers de l’armée iranienne, dont 7 officiers, ont été présentés vendredi à la presse étrangère à Amara, à 350 km au sud-est de Bagdad et à quelque 50 km de la frontière.
Malgré la demande des journalistes et bien que certains prisonniers aient eu l’air de comprendre les questions en anglais, il n’a pas été possible de leur parler. « C’est permis, mais aucun d’entre eux ne parle une langue étrangère », a expliqué un officier irakien tandis que des soldats empêchaient les journalistes de s’adresser aux prisonniers. Ceux-ci, dont deux blessés soutenus par leurs camarades, ont été emmenés aussitôt après en direction de Bagdad.
Leur présence, en tous cas, témoigne de l’importance des engagements terrestres. L’officier a ajouté qu’il y avait une moyenne de 100 à 150 prisonniers iraniens par jour sur le front.
Les journalistes ont pu ensuite échanger quelques mots avec le pilote d’un F5-Tiger qui venait de s’éjecter, son avion ayant été touché alors qu’il bombardait, en fin de matinée, la région d’Amara avec deux autres appareils iraniens. Apparemment choqué par sa chute, le pilote, qui devait être un officier et parlait anglais, n’a pas donné d’autres détails.
Mais les débris fumants de son appareil, à quelques kilomètres au sud de la ville, témoignent qu’il venait d’être abattu par un missile. A brève distance les objectifs du raid iranien : une raffinerie de sucre d’où s’échappe un large panache de fumée noire et, plus loin, un dépôt de mazout dont la cuve centrale avait explosé et les autres, percées, laissaient couler leur contenu.
Les signes de guerre aérienne contrastaient avec l’apparence paisible du paysage traversé de Bagdad au Chatt el-Arab : sur plus de 600 km, à part les innombrables convois de camions, de citernes et de jeeps, les journalistes n’ont pu voir, à proximité de la route, que 4 chars et 3 transports de troupes.
Aucun indice, en tous cas, de la proximité des combats terrestres. Seul un énorme nuage de fumée noire au-dessus des installations pétrolières de Bassorah indiquait que des combats ou des bombardements avaient eu lieu dans cette partie du Chatt el-Aarab.
Au cours de la présentation des prisonniers, un général irakien avait affirmé que l’armée irakienne effectuait « une avancée rapide en territoire iranien » et qu’elle avait « rencontré la coopération totale de nos frères d’Arabistan » (Khouzistan iranien).
Ce responsable a réaffirmé que les Irakiens avaient occupé Mohammara (Khorramchahr), précisant qu’ils étaient « en route pour Ahwaz », mais n’a donné aucune indication sur leurs positions exactes. Il a seulement indiqué que la zone était « trop dangereuse » pour y amener les journalistes.
Interrogé enfin sur les limites fixées à l’avancée irakienne au Khouzistan, le responsable militaire a répondu qu’il n’était pas autorisé à répondre, ajoutant : « mais nous ne nous arrêterons que sur ordre du commandement ».
Voyage long, en car du ministère de l’information. Nous avons deux accompagnateurs, un anglophone et un francophone. Ce dernier est tunisien, timoré et comme tel très préoccupé de ce que nous pouvons dire, penser et écrire. Heureusement pour nous, la presse francophone a moins d’importance pour les autorités irakiennes que la presse anglophone qui fait l’opinion mondiale, et la censure sera plus facile – dans le relatif – à apprivoiser que pour nos camarades anglo-américains.
En arrivant à Bassorah, nous sommes installés à l’hôtel Chatt el-Arab, qui sans doute été un palace autrefois mais n’a pas survécu au manque d’entretien. Rien ne marche correctement. Avec les alertes aériennes, le courant est coupé, autant dire que ce sont les pires conditions pour écrire et pour transmettre car les télex ne marchent que s’il y a du courant.
Dans la soirée, un tir d’artillerie est déclenché sur la ville depuis la rive iranienne. Quelques obus explosent à proximité de l’hôtel et on nous fait évacuer nos chambres pour descendre nous mettre à l’abri. Des journalistes italiens pour qui c’est le baptême du feu dévalent les escaliers en hurlant : « c’est Stalingrad ! C’est Stalingrad ! ». Ils suscitent les quolibets des correspondants régionaux, habitués à plus que ça, ce qui n’empêche pas les quotidiens italiens de titrer le lendemain : « bombar-dements sur Bassorah, comme à Stalingrad »…
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27 septembre
URGENT***
Iran/Irak : les Iraniens résistent toujours à Khorramchahr
Bassorah, 27 septembre – Un officier irakien, qui a accompagné un groupe de journalistes étrangers le long du Chatt el-Arab, a reconnu samedi que les Iraniens résistaient toujours à l’intérieur de la ville de Khorramchahr.
En arrivant sur la rive orientale du Chatt el-Aarb, les journalistes ont pu d’abord constater que les deux principales raffineries d’Abadan, qui produisaient près de 80% de la production intérieure iranienne, étaient encore en flammes. En plein jour, la fumée était telle qu’elle obscurcissait totalement le paysage.
Vendredi, dans son premier bilan depuis le début du conflit irano-irakien, l’état-major général iranien avait reconnu que l’ensemble des raffineries d’Abadan était partiellement détruit et que les Iraniens n’avaient pas réussi à maîtriser l’incendie.
De leur poste d’observation, à découvert sur la rive irakienne, les journalistes ont également constaté que sur la rive opposée, distante de quelque 250 mètres, aucune résistance ne semblait se manifester.
Un peu plus au sud, on entendait cependant des tirs de mitrailleuses, de roquettes et de mortiers échangés entre les deux rives. Selon un militaire interrogé, l’armée irakienne se trouvait sur la rive opposée, au sud, poursuivant la poussée pour prendre la ville d’Abadan.
En ce qui concerne Khorramchahr, l’officier qui accompagnait la presse étrangère le long du Chatt el-Arab a précisé que l’armée irakienne tenait absolument le pourtour de la ville mais que les Iraniens poursuivaient leur résistance à l’intérieur. L’officier a précisé que même si sa population était arabe, cette ville étant située en territoire iranien, il n’était pas question de la conquérir.
Il a ajouté qu’un nord de Khorramchahr, l’armée irakienne poursuivait sa progression vers Ahwaz, ville distante d’une trentaine de kilomètres.
Les journalistes qui ont été amenés à quelque 5 km au sud de Khorramchahr, mais toujours sur la rive irakienne, pouvaient entendre dans la direction de cette ville de nombreux tirs d’armes lourdes attestant des combats importants.
Des francs-tireurs ont rapidement dispersé les journalistes qui se haussaient au-dessus des roseaux pour mieux voir la situation.
Enfin à Bassorah, où les alertes aériennes se poursuivent régulièrement, le port est inaccessible mais bondé de bateaux bloqués par la fermeture du Chatt el-Arab.
La ville a, elle aussi, été touchée par les bombardements, notamment le dépôt de pétrole de Mouftiah qui continuait à brûler samedi. Sur les deux rives du Chatt el-Arab, les dégâts causés aux installations pétrolières semblent considérables et devraient avoir des conséquences à court terme sur la poursuite de la guerre dans chacun des deux pays, estiment les observateurs.
Par ailleurs, la progression irakienne semble moins rapide que prévu. Le même officier, montrant les rives marécageuses du Chatt el-Arab, soulignait : « dans un tel terrain il ne peut y avoir de guerre rapide ». Cette progression, selon les communiqués officiels, n’a pas dépassé une trentaine de km en six jours.
Au rythme actuel des combats et compte tenu de leur coût croissant sur le plan économique, l’affrontement entre les deux pays risque de s’essouffler. En l’absence d’une issue militaire, il faudra alors trouver une issue politique, de l’avis des observateurs.
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28 septembre
Avec l’armée irakienne en Iran
Mehran (Iran occupé), 28 septembre – A quinze km de la frontière et à 160 km à l’est de Bagdad, le drapeau irakien flotte depuis jeudi sur la petite ville iranienne de Mehran.
Cette ville de quelque vingt mille habitants, qui élevaient des moutons et faisaient des tapis de laine, est désormais déserte. Les combats ont fait fuir les habitants qui ont suivi l’armée iranienne dans sa retraite.
Ici, le désert irakien se termine en vallonnements au pied des premiers contreforts du massif iranien du Louristan. Cette ville est un carrefour important, commandant la route vers les villes iraniennes d’Ilam au nord-est et de Dezful au sud-est. Pourtant, l’armée irakienne ne semble pas avoir eu du mal à la conquérir. Tout alentour, peu de traces de combat.
Seule une carcasse noircie de char M-47 américain Patton témoigne d’une résistance de l’armée iranienne à proximité de la frontière. Quant à la ville elle-même, elle semble ne pas avoir souffert à part les inévitables éventaires renversés et les vitres brisées.
Dimanche, le canon tonnait à une quinzaine de km au nord-est. Malgré la proximité du front, le paysage était pourtant étrangement calme.
Perdus au milieu d’une innombrable population de soldats, quelques rares habitants sont restés. L’un d’eux, un persan qui parle l’arabe, est abordé par des journalistes. Des militaires interviennent dans la conversation et lui demandent quelle armée il préfère. Avec un sourire embarrassé, il répond : « mais vous, bien sûr ».
Interrogé, un tankiste en combinaison affirme que la bataille n’a pas été trop rude car les Iraniens étaient désorganisés, et qu’ils ont perdu 17 ou 18 chars alors que les Irakiens n’ont eu aucune perte.
Un groupe de soldats, apercevant des étrangers, improvise une manifestation politique avec un porte-voix, scandant : « par l’âme et par le sang, nous nous battons pour toi, Saddam » (bel-roh, bel-dam, nefdik, ya Saddam), le refrain obsédant de tout l'Irak bassiste.
Si la ville ne montre pratiquement pas de traces de combat, ses murs ont en revanche fait l’objet d’une violente bataille politique. Aux nombreux slogans de l’Iran révolutionnaire, dont « que Khomeiny prenne comme président le docteur Madani », et des portraits au pochoir du premier ministre Ali Radjai, sont venus s’ajouter des portraits de toutes tailles du président irakien et, partout, les slogans du parti Baas irakien : « unité et socialisme ».
Sur les positions et les intentions de l’armée irakienne dans le secteur les officiers restent muets mais ils soulignent qu’il s’agit d’un territoire iranien qui n’a été occupé que pour servir d’élément de négociation dans la future délimitation des frontières.
Un peu plus loin, en territoire irakien, une concentration de T-54 soviétiques, de transports de troupes et d’hélicoptères indique que l’effort militaire peut se poursuivre : le bras de fer avec l’Iran n’est pas terminé.
On nous a ramenés à Bagdad, en raison de l’intensification des combats sur le Chatt el-Arab. C’est plus loin du front mais ce qui nous importe le plus, à part l’eau courante et si possible l’eau chaude, c’est l’électricité pour travailler et transmettre. On peut à la limite travailler à la bougie ou à la lampe de poche pour taper sur nos machines à écrire portables, mais sans courant le télex reste muet, ce qui est infiniment désespérant. A Bagdad ça marche un peu lieux, et on est quitte pour faire de longs déplacements en car dans la journée.
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29 septembre
L’Irak prêt à négocier
Bagdad, 29 septembre – En se déclarant, dimanche soir, prêt à négocier avec les dirigeants actuels de l’Iran, alors que l’armée irakienne a l’avantage sur le plan militaire, le président irakien Saddam Hussein a renvoyé la balle dans le camp de l’Iran, renforçant ainsi la position de son pays, estiment lundi les observateurs à Bagdad.
Le chef de l’Etat irakien a en effet affirmé que son pays était prêt à accepter « toute négociation, directe ou par l’intermédiaire de toute partie étrangère ou internationale » pour régler le différend avec l’Iran.
Le président Saddam Hussein a indiqué que l’armée irakienne avait atteint les objectifs qui lui avaient été assignés, en contrôlant les positions iraniennes de Qasr e-Chirine, Mahran, Serbil Zahjab, Ahwaz et Khorramchahr, non pas pour les annexer, mais comme monnaie d’échange pour de futures négociations, étant entendu que l’Irak ne profiterait pas de sa victoire militaire pour présenter des « exigences non justifiées ».
Cette précision a été relevée par les journalistes dans la bouche de tous les responsables, militaires ou civils irakiens, rencontrés ces derniers jours : les territoires actuellement occupés restent iraniens et la rectification de frontière ne porte que sur une zone limitée dans le secteur central de la frontière, du reste mal délimitée par les protocoles de 1913 et 1914.
Les revendications essentielles de Bagdad sont donc la souveraineté sur le Chatt el-Arab et la non ingérence dans les affaires intérieures, claire allusion aux récentes tentatives de déstabilisation du régime irakien dont Bagdad accuse Téhéran. La revendication essentielle répond à la préoccupation fondamentale de l’Irak d’avoir la maîtrise de son seul débouché sur la mer. Le Chatt el-Arab, étroit goulot de quelques centaines de mètres de large, est en effet le seul accès possible vers le Golfe de ce pays entouré d’immenses déserts et de montagnes
Nouvelle puissance du Golfe, l’Irak a trop besoin du Chatt el-Arab pour ne pas mettre en jeu tout son poids militaire s’il n’est pas sûr de pouvoir naviguer librement. Mais vis-à-vis des pays du Golfe, et du monde arabe en général, l’Irak a également besoin de ne pas être isolé, d’autant qu’il cherche à en être un nouveau chef de file.
Dans son discours, le président irakien a toutefois souligné avec une certaine amertume : « certains dirigeants arabes ont pris une attitude noble à nos côtés ; d’autres ont adopté une attitude très déplaisante ; d’autres enfin ont préféré se taire ». En se déclarant prêts à cessez-le-feu, les dirigeants irakiens espèrent obtenir un soutien même implicite de ces pays restés « silencieux » pendant la phase militaire du conflit.
Mais Bagdad n’écarte pas cependant une poursuite du conflit et son offre de négociation s’accompagne d’un avertissement à l’Iran : l’armée irakienne « répondra implacablement et violemment à toute nouvelle agression dirigée contre elle », a prévenu le président irakien.
Difficile de comprendre quels sont les buts de guerre de l’Irak. Saddam pourrait prendre des gages territoriaux en Iran mais continue à faire semblant qu’il n’est pas l’agresseur, et qu’il a en fait été agressé par l’Irak de Khomeiny. D’où les appels du pied aux gouvernements arabes. Bagdad veut apparaître comme le rempart contre la déferlante intégriste, le gouvernement modéré contre le régime extrémiste. D’où sans doute notre présence ici, pour nous faire témoigner que l’armée irakienne agit de façon modérée et raisonnable…
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30 septembre
Urgent***
Raid iranien sur Bagdad
Bagdad, 30 septembre – Au moins trois avions Phantom iraniens ont bombardé à basse altitude Bagdad, mardi à 9h30 GMT. Après une forte explosion, une épaisse colonne de fumée s’élevait vers le sud-ouest de la capitale irakienne sans qu’on puisse déterminer lequel des objectifs avait été touché. La DCA irakienne a ouvert le feu. L’alerte avait été donnée 20 minutes auparavant et se poursuivait à 10h15 GMT. Le raid n’a duré que quelques minutes.
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Spectacle totalement saisissant : les Phantom iraniens arrivant sur Bagdad sont arrivés droit sur notre hôtel, à basse altitude, puis l’ont contourné de part et d’autre, mais sans tirer ni bombarder. Un double message destiné à la presse : écrivez que l’armée de l’air iranienne arrive impunément jusqu’à Bagdad et, certainement aussi, faites attention à vous, nous savons où vous êtes !
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Urgent***
Raid iranien (complément)
Bagdad – L’alerte a été levée à 13h36 locales (10h36 GMT) à Bagdad, sans nouvelle apparition d’avions iraniens dans le ciel. Il n’y avait par eu de raid iranien sur la capitale depuis samedi dernier, rappelle-ton.
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REBONSOIT TECHNIQUE ICI BAGDAD APRES COUPURE SUITE ALERTE AERIENNE
VOICI NOUVBEL ESSAI : DEUX FEUILLETS PLUS UN PARAGRAPHE A INSERER
AU TRIOISIEME PARA PREMIER FEUILLETZ.
Iran/Irak
La centrale électrique de Dora en feu
Bagdad, 30 septembre – Cinq heures après le bombardement de l’aviation iranienne sur la centrale thermoélectrique de Dora aux abords sud de Bagdad, la chaleur de l’incendie en interdisait encore l’approche, mardi après-midi.
Un défilé ininterrompu d’ambulances évacue au fur et à mesure les blessés : des ouvriers et des techniciens de la centrale mais aussi de nombreux sauveteurs, pompiers et militaires, qui ont été touchés par l’explosion et l’incendie qui a suivi.
Au-dessus des cuves de la centrale, les flammes atteignent encore par moments une cinquantaine de mètres de hauteur, tandis qu’un immense champignon de fumée noire s’étend sur cette banlieue de Bagdad.
Les camions citernes parviennent non sans peine à se frayer un chemin dans les inextricables embouteillages et le travail des pompiers est rendu périlleux par la chaleur et le risque d’explosion.
Tout le bâtiment des génératrices est en feu et une épaisse fumée grisâtre s’échappe le long des conduites à haute tension, vers les transformateurs.
Bagdad possède d’autres centrales thermoélectriques mais la mise hors d’état de celle de Dora risque de perturber la fourniture de courant à la capitale.
Dans la cour de l’hôpital situé à quelques kilomètres de là règne une certaine confusion. Le service des urgences semble débordé par l’afflux de brûlés, dont certains le sont grièvement. Parmi eux, une majorité de civils.
Dans les grandes avenues de la capitale, le hululement des sirènes d’ambulances, des voitures de pompiers et des jeeps militaires, après la tension du raid de mardi matin, donne à Bagdad une atmosphère de guerre. Nulle trace d’angoisse, mais la gravité se lit dans le regard des jeunes miliciens, des adolescents pour la plupart, qui assurent tant bien que mal la circulation pour dégager les véhicules de secours.
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1er octobre
SPECIAL LA HAYE MADRID A NE PAS REPOUSSER SUR LE FIL MOYEN ORIENT
Expulsion de journalistes
Bagdad, 1er octobre – Un journaliste néerlandais a été expulsé de force ce matin de Bagdad et deux autres ont été courtoisement invités à quitter la capitale irakienne.
Le correspondant du De Telegraaf d’Amsterdam, M. Jost de Ruyter, qui n’acceptait pas l’invitation courtoise de partir qui lui avait été notifiée pour des commentaires jugés inexacts sur la situation militaire, s’était barricadé dans sa chambre d’hôtel.
Il en a été expulsé de force et emmené malgré sa résistance jusqu’à l’autobus qui devait partir pour Amman, avec ses affaires.
Parmi les autres journalistes invités à mettre fin à leur séjour l’envoyée spéciale du quotidien madrilène Diario 16, Mme Lola Infantes.
Les Irakiens sont sur les dents et essaient par tous les moyens de nous empêcher d’écrire que la centrale de recherches nucléaires a été bombardée. L’information a été confirmée facilement puisqu’il y a du personnel français travaillant sur ce centre et en liaison permanente avec les personnels sur place. Le problème est d’arriver à le dire sans l’écrire… Nous déployons des trésors de ruse et d’hypocrisie pour communiquer avec nos rédactions, mais de toutes façons les canaux diplomatiques ont déjà transmis la nouvelle, qui fuite très vite partout dans le monde. Jean-Michel nous apporte la confirmation, Jean-François rédigera les urgents avec toutes les précautions nécessaires. Quelques journalistes moins prudents ont lancé la nouvelle trop vite et se sont fait coincer par nos censeurs, d’où ces expulsions.
La vraie question qui alimente nos discussions, et ne trouvera pas de réponse, c’est celle-ci : les Phantom qui ont encadré l’hôtel hier, avec de superbes cocardes iraniennes, étaient-ils vraiment iraniens ou étaient-ils des appareils israéliens camouflés ? Et y a-t-il, eu sinon coïncidence, ou concertation, dans un double raid iranien et israélien ? On n’apprendra que beaucoup plus tard que l’Iran, frappé d’un embargo international sur les livraisons d’équipements militaires, aura bénéficié à l’époque de pièces détachées israéliennes fournies par des intermédiaires discrets, Israël souhaitant équilibrer la puissance militaire de l’Irak de Saddam.
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Alerte dans le souk
Bagdad, 1er octobre – Malgré la guerre, une intense activité régnait mercredi dans le souk al-Safafir de Bagdad, étonnant par la richesse de ses tissus, de ses robes et de ses tapis. Dans les allées couvertes, une foule d’acheteurs de tous pays se bousculaient devant les éventaires : Pakistanais en turban, visiteurs du Golfe en Abaya claire, femmes irakiennes recouvertes d’un voile noir, tous palpent, choisissent, achètent.
Le spectacle donne une impression de prospérité, confirmée par les vitrines des boulangers et des épiciers, ainsi que par une importante circulation automobile : en dépit du bombardement de plusieurs raffineries et d’une des centrales thermiques qui brûlait encore mercredi après-midi, la capitale irakienne ne manque encore ni d’essence, ni d’électricité, ni de ravitaillement, et ‘activité commerciale s’y déroule tout à fait normalement.
A la sortir du souk, au carrefour, une tente est dressée sur le trottoir. Toute une armée de fillettes en bleu, des volontaires de l’Armée du peuple, attendent l’alerte, extincteurs et brancards à portée de la main.
Soudain, des sirènes : c’est une nouvelle alerte. Il y en a en moyenne deux par jour. Avec rapidité mais sans affolement, comme si l’habitude avait été prise après à peine dix jours de guerre, les voitures s’arrêtent, les autobus se rangent contre les murs, tout le monde se met à couvert.
Les jeunes miliciens se précipitent, canalisent la foule et, avec des porte-voix, rappellent à l’ordre les automobilistes récalcitrants. Seuls continuent à rouler, accélérant et klaxonnant, quelques véhicules militaires.
Toute activité cesse instantanément. Les allées du souk se remplissent encore plus, même si leur voûte paraît un abri anti-aérien bien dérisoire. Mais pour être en sécurité, semble-t-il, il suffit à ces passants d’être hors de vue des avions ennemis. Mieux encore, au lieu de se cacher, la foule reste massée juste à l’entrée du marché, pour mieux scruter le ciel. La police et les miliciens ont fort à faire pour la faire refluer à l’intérieur, expliquant qu’il ne s’agit pas d’un spectacle.
Vingt minutes plus tard, les sirènes sonnent la fin de l’alerte. En quelques secondes, c’est la course éperdue pour reprendre la meilleure place dans le bus ou pour profiter d’une circulation pour quelques instants encore fluide, avant la reprise des embouteillages.
Sur une grande avenue de l’autre côté du pont, les phares peints en bleu à cause du black-out, une arroseuse municipale nettoie la chaussée et mouille les jambes des passants : la vie n’est décidément pas arrêtée dans la capitale irakienne.
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On s’installe dans la guerre
Bagdad, 1er octobre – La guerre irako-iranienne, qui devait être brève si l’offensive irakienne en territoire iranien débouchait rapidement, semble à présent partie pour traîner en longueur, estiment mercredi soir les observateurs.
De ce qui ressort à la fois des communiqués militaires officiels et des témoignages à peine recueillis des correspondants revenus du front sud, la situation terrestre paraît à présent presque stabilisée tandis que les opérations aériennes en profondeur se multiplient de chaque côté.
Les journalistes qui ont pu se rendre jusqu’à quelques kilomètres de la ville iranienne d’Ahwaz, dans le Khouzistan, ont constaté que les chars irakiens avaient pris position devant cette ville mais que depuis environ cinq jours, les mouvements se réduisaient à de très violents tirs d’artillerie. Ces correspondants ont également pu voir que l’aviation iranienne, qui semblait très bien renseignée sur ses objectifs, participait d’une façon active à la défense de cette ville.
En ce qui concerne la ville de Mouhammara (Khorramchahr), située plus au sud en direction du port irakien de Bassorah, l’armée irakienne se trouve effectivement dans les faubourgs, toujours selon ces témoignages, mais des combats ont lieu au corps à corps à l’intérieur de l’agglomération où se sont retranchés des Gardiens de la révolution, tandis que l’armée iranienne, repliée en arrière de la ville, effectue des pilonnages d’artillerie.
Selon les communiqués de l’armée irakienne, l’aviation a attaqué des positions iraniennes, dont un dépôt d’essence, dans la vile d’Ahwaz, ainsi qu’à Dezful, plus au nord. De son côté l’aviation iranienne a multiplié mercredi ses raids, toujours selon les communiqués irakiens, dans le nord contre les régions de Kirkouk, Mossoul et Suleimaniyeh (Kurdistan), à une centaine de kilomères de la capitale à el-Kut, et dans le sud sur la zone de Bassorah, et jusqu’au port de Oum el-Qasr, pointe avancée de l’étroit littoral irakien.
Faute de progrès décisifs sur le terrain, notamment pour l’Iran qui n’a encore pu lancer aucune contre-offensive véritable, les deux adversaires cherchent de plus en plus à s’affaiblir en frappant réciproquement leurs centres vitaux et surtout leurs installations pétrolières. Dans une guerre qui deviendrait alors une guerre d’usure, l’avantage ira à celui dont l’économie sera la plus solide : cet avantage est pour l’instant à l’économie irakienne, estiment les observateurs, mais la poursuite du conflit risque d’être également ruineuse pour les deux pays.
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2 octobre
Urgent***
Irak/iran : fin de l’offensive irakienne, selon Bagdad
Bagdad, 2 octobre – Les forces armées irakiennes se limiteront désormais à « surtout conserver les positions centrales acquises » en territoire iranien depuis le début du conflit ouvert avec l’Iran il y a dix jours, a annoncé jeudi soir le 57e communiqué militaire irakien publié à Bagdad.
Dans son discours de dimanche dernier, rappelle-ton, le président Saddam Hussein avait déclaré que l’armée irakienne avait déjà « atteint tous les objectifs qui lui avaient été assignés », laissant entendre qu’elle n’irait pas au-delà dans sa progression en territoire iranien.
Bien plus, en faisant son offre d’un cessez-le-feu, le chef de l’Etat irakien indiquait que la négociation pouvait s’ouvrir avec l’Iran pour régler le différend, les positions de l’armée irakienne intervenant comme élément de cette négociation.
A plusieurs reprises, ces derniers jours, les responsables irakiens dont le ministre de la défense le général Adnan Kheirallah avaient souligné le caractère iranien de territoires simplement « occupés » par l’Irak.
Cette décision correspond également à une nécessité pratique sur le terrain, estiment les observateurs à Bagdad.
Sur le front nord, l’armée irakienne a pénétré entre 30 et 40 km à l’intérieur de l’Iran, venant pratiquement buter sur les premières montagnes du Louristan : il lui est difficile, à moins de s’engager beaucoup plus loin, d’améliorer ses positions actuelles qu’elle estime avoir déjà fermement consolidées.
La situation n’est pas très différente sur le front central. En revanche dans le sud, c’est la situation militaire qui fait obstacle à une éventuelle nouvelle avancée : si l’armée irakienne semble tenir les principaux axes de Bassorah vers Ahwaz et même vers Dezful, par l’ouest, il y a encore des poches de résistance iranienne qu’il lui faudrait liquider, au prix de combats coûteux, pour finir de nettoyer ces villes du Khouzistan iranien avant de s’avancer encore.
Les violents duels d’artillerie de ces derniers jours, notamment dans la région d’Ahwaz, ont révélé que le rythme de progression de l’armée irakienne n’était plus celui du début de l’offensive et qu’elle risquait l’essoufflement.
La décision irakienne prouvent en tous cas, concluent les observateurs, que l’Irak envisage très sérieusement le cessez-le-feu qu’il a proposé du 5 au 8 octobre.
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Dans Qasr e-Chirine occupé par l’armée irakienne
Qasr e-Chirine, 2 octobre – Le calme règne à Qasr e-Chirine, petite ville iranienne tombée la semaine dernière aux mains de l’armée irakienne.
A chaque coin de rue, des blindés montent la garde, tandis que dans les jardins des maisons abandonnées par leurs habitants, les militaires de Bagdad bivouaquent. Un café, décoré de drapeaux irakiens, sert de mess aux officiers.
Tous les magasins sont fermés et les rues désertées par les civils. L’hôpital est vide, gardé seulement par deux transporteurs de troupes BTR-50. Devant la porte, des armes abandonnées visiblement par les Iraniens.
La plupart des habitants ont fui la ville. Certains pourtant sont restés. Ils ont été regroupés dans la Mosquée. Parmi eux, quelques femmes, beaucoup d’enfants. Un homme blond d’une quarantaine d’années tente d’expliquer par gestes aux journalistes qu’il aimerait bien partir avec eux mais qu’il n’est pas libre de le faire. Toujours par gestes, il insiste : emmenez au moins ma femme et mon bébé.
La scène agace visiblement la police militaire irakienne qui intervient énergiquement pour mettre fin à l’échange, sacrifiant dans l’empoignade un appareil photo et quelques pellicules.
Deux camions, sur lesquels s’entassent des civils avec leurs baluchons, semblent indiquer que la ville va être bientôt complètement évacuée.
Des convois militaires partent renforcer le front arrière, au pied des montagnes iraniennes : la logistique irakienne s’installe pour tenir les positions frontalières conquises la semaine dernière. Cette barrière de montagnes, telle une frontière naturelle, a pour l’instant fixé la limite des combats sur le front nord.
Au sud-est de Qasr e-Chirine, à une quinzaine de kilomètres de la frontière, une importante station de radio a été complètement détruite. Il n’en reste qu’un amas de ruines. Seul un robinet coule, dérisoire au milieu de ce désert de collines arides. Au passage, les soldats viennent y remplir leur gourde.
Des chars T-62 de fabrication soviétique sont embusqués au milieu d’épaves de camions qui jalonnent la piste. Le front n’est pas loin. Plusieurs soldats affirment qu’il est à une dizaine de kilomètres. Mais rien ne vient le confirmer. Pas le moindre bruit de combats, pas de fumée. Rien que la poussière du désert.
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3 octobre
Jours tranquilles à Bagdad
Bagdad, 3 octobre – Enfermé dans son ambassade avec quatre secrétaires au milieu d’un jardin de Bagdad, le chargé d’affaires iranien, M. Bichara, s’ennuie, tandis que le drapeau iranien flotte mollement dans le ciel de la capitale irakienne.
La guerre n’ayant pas été officiellement déclarée entre les deux pays, les relations diplomatiques n’ont pas été rompues. Mais depuis le départ de l’ambassadeur au début du printemps dernier, en raison de la détérioration des relations entre les deux pays, l’ambassade d’Iran vit au ralenti.
Le chargé d’affaires vit à présent en marge du corps diplomatique et ne reçoit guère de visites. Si le téléphone de l’ambassade répond toujours, on y est d’une discrétion exemplaire.
Mais les diplomates de Téhéran sont en parfaite sécurité. Les ambassades restent ici des lieux sûrs et protégés des mouvements de foule. Aucune manifestation n’a même eu lieu depuis le début du conflit devant les grilles de cette villa au fronton décoré d’un grand aigle.
Sur les murs extérieurs, un seul ornement : des affiches appelant à l’effort national et à l’unité des Arabes pour la guerre ont recouvert les posters de propagande khomeyniste placardés par les employés de l’ambassade à l’attention des passants de Bagdad. L’entrée n’est gardée que par deux policiers, vigilants mais fort aimables.
Témoignant du respect de Bagdad pour les règles diplomatiques, le maintien de cette ambassade n’est pas seulement symbolique : il semble que le chargé d’affaires y joue encore, pour les autorités irakiennes, le rôle d’une courroie de transmission avec Téhéran.
Tout au long de l’escalade qui, ces mois derniers, a précédé l’affrontement ouvert entre les deux pays, le gouvernement irakien a continué à adresser à l’Iran, par cette ambassade, toutes sortes de revendications et de mises en garde. Et c’est sa ns doute au chargé d’affaires iranien, estiment les observateurs à Bagdad, qu’a été transmise formellement l’offre de cessez-le-feu formulée dimanche dernier par le président Saddam Hussein.
En dépit de multiples attaques contre le « régime raciste de Téhéran », Bagdad ne reconnaît pour l’instant comme interlocuteur que ses dirigeants actuels. La presse irakienne de vendredi n’a fait aucune mention d’un éventuel voyage à Amman de l’ancien premier ministre du chah, M. Chahpour Bakhtiar, de même qu’elle n’avait jamais fait état, dans le passé, d’éventuels séjours de M. Bakhtiar dans la capitale irakienne.
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Ras le bol du desk ! A l’agence, comme dans toutes les agences, le principe est que « le desk est souverain ». Le desk c’est la rédaction centrale, au siège, où les journalistes remettent en forme ce qui arrive de partout, un métier passionnant que j’ai fait avant de partir en poste à l’étranger. Mais le desk ne laisse de place à aucune fantaisie. Mon titre « Jours tranquilles à Bagdad », référence vaguement cinématographique, est devenu très platement « Visite de l’ambassade d’Iran à Bagdad ». Il paraît que c’est plus vendeur. Je ne suis pas là pour faire de la littérature, il paraît aussi.
Ce qui m’agace le plus c’est que, faute de pouvoir communiquer en temps réel, je ne découvre les changements qu’après coup. L’impression de subir une double censure, celle de Paris après celle de Bagdad. Une impression forcément subjective de l’auteur frustré qu’est le journaliste d’agence, dont la signature reste anonyme puisqu’il fournit la matière brute aux journaux, sans accès au grand public…
40118
OCT O3 1855 PTS
049420819+
AFP BEY 20819LE
277 1607 +
4004 B IK
BSOIR ICI PIERRE QUI EST LA ???****
*************************.**9*.*
PERSONNE N EST LA ?????*******
OUI MOM
SALUT COMMENT CA VA ICI NAS
SALUT NAS CA VA TRES BIEN MAIS CREVE QUOI DE NEUF CHEZ NOUS ?
RIEN ATTENDS JE CROIS QUE DD VEUT TE PARLER
OKOK
OUI ICI DD COMMENT CA C VA ???
BIEN MERCI DAVID FATIGUE D ECRIRE A LA BOUGIE ET
DE ME LAVER DANS L OBSCURITE PARIS VEUT QUE JE RESTE
ENCORE DEUX OU TROIIS JIOURS LE TEMPS QUE LE REMPLACANT
ARRIOVE SANS DOUTE RAF A VOUS
JE SUIS TOUT A FAIT PARTISAN QUE VOUS RESTIEZ A BAGDAD LE
PLUS LONGTEMPS POSSIBLE D ABORD PACE QUE C EST INTERESSANT
EATPOUS RPT A TOUS POINTS DE VUE MAIS AUSSI PARCEQUE CELA
FAIT RENTRER LS AFFAIRES DE L IRAK SOUS NOTRE GIRON
CECI DIT IL NE FAI FAUT PAS QUE VOUS VOUS CREVIEZBIEN SUR
ETAUSSI IL FAUT QUE VOUS SACHIEZ PARTIR A TEMSP SI VOUS
VOEZ CE A QUE JE VEUX DIRE
??
TOUT FAIT D AUTANT QUE NOUS PASSONS MAINTENANT D UNE FPHASE
MILITAIRE A UNE OPHASE PLUTOT POLITICO DIPLO QUI SE JOUERA SURTOUT
A NEW YORK OU AILLEURS ALORS MOINS D ACTION, ET PEU DE CHOSES
A RACONTER AVO
US
MON SU
MON SOUCI A MOI C EST QUE VOUS PARTIR PARTIEZ EN BONS
E TERMES AVEC TOUT LE MONDE SI C EST POSSIBLE ???
J ESSAIE MAIS EN CE MOMENT LERS REGLES DU JEU NE SONT PAS
TRES EXPLICITES ET IL SEMBLE QU IL Y AIT DES FRICTIONS MEME PARMI
NOS HOTES ALORS ON VERRA ET SI BESOIN JE
DEGAGE OK ?
OUI TOUT A FAIT D ACCORD RESREVONS L AVENIR
C EST TOU
CE QUE J AVAIS A VOUS DIRE ET VOUS ???
NMES AMITIES A TOUT LE MONDE ET SVP CONTINUEZ A ME COUVRIR SUR
AGENCE IRAKIENNE ET EVENTUELELEMNT RADIO CAR ICI NOUX N AVONS RIEN
OK ?
OK ENENDI MERCI ET BIBI
BIBI
TIME 008.9 MINS
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4 octobre
Irak/Iran : Mahran toujours aux mains des Irakiens
Mahran (Iran occupé), 4 octobre – Le drapeau irakien flotte toujours sur la petite ville iranienne de Mahran, à quinze kilomètres de la frontière dans le secteur central, ont constaté samedi les journalistes. Bien plus, le front semble s’être éloigné vers l’est depuis leur première visite, il y a six jours. Dimanche dernier, on entendait encore des coups de canon à une quinzaine de km de là.
Samedi, aucun signe de combats, encore moins d’une contre-offensive iranienne dans ce secteur : plus un char dans la ville ni à proximité, pas de ligne de défense près de la ville, au contraire de ce que les correspondants avaient pu voir deux jours plus tôt à Qasr e-Chirine, sur le front nord.
Remplie il y a moins d’une semaine de combattants casqués et de tankistes en combinaison de combat, Mahran n’est plus parcourue aujourd’hui que par quelques patrouilles de police militaire, des estafettes à moto et des soldats en béret et tenue de travail chargeant et déchargeant des caisses de munitions.
Des véhicules passent, se dirigeant vers la route qui, au sud-est, mène à Dezful. Ils vont sans doute ravitailler ce front lointain, invisible et silencieux, que des militaires nous situent à une trentaine de kilomètres au-delà de Mahran. D’autres camions partent, ceux-là vers l’ouest. Ils emmènent les derniers des vingt mille habitants de cette ville. Des femmes, des enfants, des vieillards entassent des ballots devant l’un de ces camions.
Les rues sont désormais désertes. Deux militaires passent, le fusil dans une main, le sac à provisions dans l’autre, Ils visitent les magasins, dont els cadenas n’ont pas tenu longtemps. Mais tout n’a pas disparu. Dans une épicerie, les vitrines ont été renversées mais bonbons, chocolats et biscuits sont encore empilés sur les étagères.
Sur le mur, les portraits de Khomeiny ont été déchirés. Soudain, une violente explosion. Un tir ennemi ? Non, ils sont trop loin, explique un officier, ce ne sont que les démineurs qui font sauter un obus non explosé.
Drôle d’impression que cette visite en Iran. Un monde inconnu pour la plupart d’entre nous, spécialistes du monde arabe et souvent arabophones. Ici nous sommes en Asie, aucun d’entre nous ne parle le persan, on se sent plus « à l’étranger » qu’en Irak. Pour autant on ne sympathise pas avec l’armée irakienne qui jubile en parcourant les rues de cette petite ville iranienne et on se sent solidaires de ces civils iraniens, abandonnés par leur armée et totalement perdus, comme tous les civils sont perdus dans des guerres qui les dépassent.
Je ramasse un petit drapeau iranien dans un bureau de poste. Je le plie et le dissimule dans ma veste, pas vraiment pour en faire un trophée, mais avec l’idée peut-être idiote que je ne souhaite pas que les militaires irakiens le prennent. C’est un drapeau ancien, avec les trois couleurs vert-blanc-rouge mais sans l’emblème de la Révolution islamique « Allahou akbar » au milieu – et sans le lion impérial non plus, du reste. Ce drapeau je l’ai toujours gardé, en attendant de le donner un jour à un ami Iranien, que je n’ai pas encore trouvé…
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Urgent***
Iran/Irak : l’Irak ne croit pas que l’Iran acceptera le cessez-le-feu
Bagdad, 4 octobre – « Compte tenu de ce que nous pensons des dirigeants politiques actuels de l’Iran, nous ne croyons pas qu’ils soient prêts à accepter le cessez-le-feu », a déclaré samedi soir le ministre irakien de la défense le général Adnan Kheirallah, à quelques heures de l’entrée en vigueur de ce cessez-le-feu proposé unilatéralement par Bagdad.
Le général a précisé que la décision devait prendre effet « à l’aube du 5 octobre », ajoutant que si l’Iran acceptait, « peut-être » les belligérants arriveraient-ils « à une solution pacifique ». « Maiss’ils veulent la guerre », a-t-il aussitôt ajouté, « nous continuerons la guerre ».
« L’armée irakienne peur continuer la lutte avec le même esprit combatif au cours des prochains jours », a-t-il enfin déclaré au cours d’une conférence de presse ».
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5 octobre
Urgent***
L’Irak met en cause Israël pour le bombardement du centre nucléaire de Bagdad
Bagdad, 5 octobre – Le ministre irakien de la défense, le général Adnan Kheirallah, a affirmé, samedi soir à Bagdad : « nous avons des preuves très évidentes de la participation d’avions israéliens » au bombardement du centre de recherches nucléaires de Bagdad.
Répondant à une question sur ce sujet au cours d’une conférence de presse, le ministre a cependant précisé qu’il n’était pas encore temps de « dévoiler ces preuves ».
Ce centre, qui est situé à Achtar, à 30 km à l’est de Bagdad, avait été la cible d’un bombardement le 30 septembre dernier.
Les preuves ne sont jamais venues. Je ne sais pas ce qui a été écrit ensuite, mais personnellement je n’ai jamais su le fin mot de l’histoire, en particulier s'il y avait effectivement des avions israéliens, si ces appareils israéliens avaient ou non des cocardes iraniennes, ou s’il y a eu deux raids coordonnés…
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Urgent
L’Irak a fait prisonniers des Syriens et des Libyens, selon le ministre irakien de la défense
Bagdad, 5 octobre – Les forces armées irakiennes ont capturé, au cours des combats contre les forces iraniennes, des Syriens et des Libyens, a affirmé samedi soir le ministre irakien de la défense le général Adnan Kheirallah.
Le ministre a précisé que ces informations lui étaient parvenues dans la journée en provenance du front sud.
« Nous n’allons pas les traiter en prisonniers de guerre », a-t-il seulement indiqué, en indiquant que de plus amples informations seraient données ultérieurement.
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ATTENTION TECHNIQUE****
ICI BAGDAD P BAYLE VOICI NOTE ET INFORMATION POUR REDCEHF
UNIQUEMENT. MERCI M APPELER QQUN POUR REPONSE EVENTUELLE OK ,,
NOTE ATTN REDCHEF
11455 – BAGDAD 5 OCT 6 VOICI L INFORMATION QUI M A ETE DONNEE
EN EXCLUSIVITE MAIS DONT JE NE SUIS PAS AUTORISE A REVELER LA
SOURCE EXACTE. J AI LE DROIT DE L UTILISER UNIQUEMENT EN PRECISANT
« DE BONNE SOURCE ». AMTS BAY/
La Syrie aurait fourni des armes à l’Iran
Bagdad, 5 octobre – La Syrie est le pays auquel a fait allusion samedi soir le ministre irakien de la défense, le général Adnan Kheirallah, et qui aurait fourni des armes soviétiques à l’Iran, apprend-on de bonne source dimanche à Bagdad.
Ces armes et ces matériels, précise-t-on de même source, seraient parvenus à Téhéran avant le 23 septembre dernier. Il s’agirait notamment de 150 missiles sol-air Sam-7, de six cents lance-roquettes et missiles divers et d’un millier de mines antichar, ainsi que d’une importante quantité, non précisée, d’explosifs et de matériel de destruction.
MERCI POUR LE PAPIER CI-DESSUS LE CONTRAT EST DE NE PAS LE
MODIFIER OU DE NE PAS UTILISER OK ?
Info ou intox ? Plus que jamais nous nous sentons manipulés, d’autant qu’une chape de plomb règne à Téhéran sur toute l’information, nous laissant sans contrepoids pour contrebalancer ce qui vient de Bagdad.
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L’Irak entre la guerre et la paix
Bagdad, 5 octobre – Alors que l’Iran essaie de regagner militairement le terrain perdu, l’Irak a décidé de porter le combat ailleurs, sur un plan diplomatique, en cherchant à faire accepter un cessez-le-feu par son adversaire.
Mais il n’est pas plus facile de gagner la paix que de mettre fin à une guerre non déclarée, surtout si la partie adverse refuse de jouer le jeu tant que son territoire est occupé, estiment dimanche les observateurs à Bagdad.
Sur le plan militaire, l’Irak a indéniablement des acquis : sur les fronts nord et centre, où l’on promène inlassablement les journalistes, la situation est parfaitement contrôlé en par les forces irakiennes, grâce notamment au relief montagneux contre lequel est venue s’adosser leur offensive, notamment à Qasr e-Chirine (nord) et Mahran (centre).
Sur le front sud, en revanche, la situation est sensiblement moins claire : l’avancée irakienne est généralement estimée à une cinquantaine de kilomètres à l’intérieur des plaines du Khouzistan iranien, mais l’importance de cette province pétrolière et l’existence de grandes villes font que la résistance iranienne est plus âpre et les combats plus violents (infographie du Spiegel ci-contre).
Faute de pouvoir s’y rendre librement, officiellement « pour leur propre sécurité », les journalistes en sont réduits à spéculer sur la situation réelle de ce front où les deux armées sont au contact immédiat.
Selon les propres explications du général Adnan Kheirallah, ministre irakien de la défense, dans sa conférence de presse de samedi soir, les troupes irakiennes sont dans Khorramchahr, où se déroulent encore des combats, et sont « sur le sol d’Ahwaz et de Dezful et non à l’intérieur », c’est-à-dire à proximité.
Dezful, a-t-il précisé, peut être considérée comme prise car elle est « sous le contrôle de l’artillerie irakienne », ce qui laisse tout de même une marge d’une trentaine de kilomètres, selon les observateurs, d’autant que pour ces deux villes, a indiqué un général, « il y a un no man’s land entre les Iraniens et nous à l’heure actuelle ».
L’Irak ayant annoncé l’arrêt de toute opération offensive, passant à la défense des positions acquises, l’initiative pourrait passer à l’Iran, ce que n’exclut pas le général Kheirallah.
« Qu’ils puissent lancer une attaque dans tous les secteurs, nous ne disons pas qu’ils ne vont pas le faire. Mais je puis vous assurer, a-t-il ajouté, que nous avons une très grande force combative s’il nous faut poursuivre la lutte ».
Ayant ainsi décidé de « geler » le front militaire, l’Irak s’efforce de prendre l’initiative diplomatique ou, le cas échéant, de faire apparaître l’Iran come la partie qui refuse de négocier.
Se félicitant de la visite du président de la conférence islamique, le président pakistanais Zia ul-Haq, à Bagdad après son passage à Téhéran, le ministre de la défense a affirmé que l’Irak soutenait « toute rencontre, directe ou indirecte, par la conférence islamique, le Conseil de sécurité, les non-alignés ou toute autre partie agréée par l’Iran ».
Et pour manifester le désir de négociation de son pays, le général a déclaré que cette décision (de cesser le feu) « sera considérée comme nulle et non avenue » si l’Iran y répond négativement « pendant trois jours à partir du cinq octobre », ce qui laisse une certaine marge de réflexion à Téhéran.
Seul point d’entente, apparemment, la peur exprimée simultanément à Bagdad et Téhéran par le général Kheirallah et le premier ministre iranien M. Ali Radjai d’une intervention des grandes puissances dans le Golfe, à propos de l’arrivée d’avions américains Awacs en Arabie saoudite.
Une même rancœur, semble-t-il, se retrouve dans les capitales de ces deux pays affaiblis par la guerre, et dont les exportations pétrolières ont pratiquement cessé, contre ce grand producteur pétrolier qui, estiment les observateurs, est pour l’instant le seul vainqueur de l’affrontement irako-iranien dans le Golfe.
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Irak/Iran : la visite du roi Hussein de Jordanie en Irak
Bagdad, 5 octobre – La télévision irakienne a consacré dix-sept minutes, dimanche soir en ouverture de son journal, à la visite de vingt-quatre heures effectuée par le roi Hussein de Jordanie en Irak.
Arrivé samedi d’Amman par la route, le souverain hachémite s’est longuement entretenu dans la soirée avec le président Saddam Hussein, en présence de plusieurs dirigeants irakiens dont le ministre de la défense le général Adnan Kheirallah et le ministre d’Etat aux affaires étrangères M. Hamed Alouane.
La télévision n’a donné aucune indication sur la teneur de ces entretiens, citant seulement le roi Hussein selon lequel « la bataille menée par l’Irak est la bataille de la nation arabe tout entière ».
En tenue de combat, pistolet au côté, le souverain a été ensuite montré alors qu’il effectuait une visite à travers Bagdad, dimanche, dans la voiture du président irakien conduite par celui-ci. Les deux dirigeants arabes se sont arrêtés à plusieurs reprises, et ont été embrassés par des enfants.
Le président Saddam Hussein a lui-même raccompagné son hôte au moment de son départ dimanche après-midi.
Fait remarquable, le roi Hussein est la première personnalité à quitter la capitale irakienne en avion, depuis le bombardement de l’aéroport international la semaine dernière par l’aviation iranienne. Le chef de l’Etat irakien a raccompagné le roi Hussein jusqu’au pied de son avion, un appareil de la compagnie Iraqi Airways puis les deux dirigeants, tous deux en tenue de combat, se sont chaleureusement embrassés.
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Irak/Iran : suspense à propos du cessez-le-feu
Bagdad, 5 octobre – Aucun élément ne permettait de se rendre compte, dimanche en fin de matinée, si l’Iran avait répondu favorablement ou non à l’offre irakienne de cessez-le-feu qui devait entrer en vigueur à l’aube.
A Bagdad, deux alertes aériennes, à 5h40 et 10h30 locales (2h40 et 7h30 GMT), ont pu laisser croire à de nouveaux raids de l’aviation iranienne. Mais elles ont pris fin sans qu’aucun avion iranien ait été aperçu dans le ciel de la capitale irakienne.
Sur le front sud, le seul où se déroulaient des combats violents ces derniers jours, les correspondants à Bassorah ont affirmé qu’ils n’avaient entendu aucun bruit de combat ce dimanche matin. Aucune information plus précise n’a été donnée de source irakienne.
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URGENT
L’Iran n’a pas respecté le cessez-le-feu affirme l’Irak
Bagdad, 5 octobre – L’Iran « n’a pas respecté notre appel sincère au cessez-le-feu », a déclaré dimanche à l’AFP une source officielle irakienne.
« A notre proposition, la partie iranienne a répondu par des actions sauvages et stupides, et par plusieurs raids aériens », a précisé cette même source. « L’Irak, de son côté, a parfaitement tenu son engagement », a-t-on conclu de même source.
Aucun avion iranien n’a été vu dimanche avant dix-huit heures locales (15 h GMT) au-dessus de Bagdad, notent les observateurs, mais quatre alertes aériennes (à six heures, neuf heures, treize heures quinze et quatorze heures locales) laissent à penser que des raids ont pu avoir lieu.
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NOTE ATTN REDCHEF*****
12015 – Bagdad, 5 octobre – Impossible vous joindre au téléphone. Ai décidé, compte tenu de la mauvaise tournure du cessez-le-feu, de profiter d’un nouveau départ pour Bassorah d’où j’essaierai de traverser le Chatt el-Arab. Vous contacterai de là-bas. Retour possible dans deux ou trois jours. JMC reste opérationnel ici. En cas de contrordre merci m’appeler à partir de 20 heures GMT à l’hôtel Mansour numéro 30041 ou 30043 chambre 819 RPT 819. AMTS. BAY/
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6 octobre
Retour en sud, en autocar. Insupportable accompagnement musical des marches et chants à la gloire de la Qadissiya de Saddam. Le matraquage est permanent sur les radios et les télévisions, branchées partout dans les édifices publics et dans les transports.
L’ambiance est plus guerrière que la première fois. On note les détails de ce qu’on voit, pour rester factuels et ne pas verser dans les interprétations prématurées. J’aide mes collègues à identifier les blindés pour reconnaître ce qui est iranien et ce qui est irakien. En principe tout ce qui roule et fonctionne est irakien, tout ce qui est cassé ou détruit est iranien, c’est le postulat de base.
La difficulté vient du fait que les deux côtés ont des équipements de fabrication soviétique, donc il faut distinguer les numéros (le 5 ne s’écrit pas de la même façon, c’est un point en arabe et un cœur en iranien). Ce jeu amusant manque de me faire expulser car j’identifie, sans doute à tort, un transport de troupes incendié comme irakien. Notre accompagnateur du ministère qui a entendu l’un des journalistes en parler remonte furibard dans le car : « qui a dit que c’était un véhicule irakien ? Vous voyez bien qu’il est iranien ! » Je me tasse dans mon siège, l’air absorbé… Ouf !
Irak/Iran : vers un second souffle irakien
Amara (sud Irak), 6 octobre – La route qui descend de Bagdad vers Amara, au sud, était encombrée lundi d’une file presque ininterrompue de véhicules militaires : les renforts destinés au second souffle des opérations irakiennes.
Sur leurs porte-chars, des T-54, 55 et 62, des transports de troupe BTR-50, des véhicules de combat d’infanterie BMP-67, alternaient avec des camions de munitions, des canons antiaériens de 37 mm, des obusiers tractés de divers calibres. En plus de tout ce matériel soviétique en parfait état, de superbes camions dépanneurs Berliet de fabrication française se dirigeaient également vers le front.
Lors de sa conférence de presse samedi soir, quelques heures avant le début du cessez-le-feu décidé unilatéralement par l’Irak, le ministre de la défense le général Adnan Kheirallah avait averti : « si l’Iran refuse notre proposition, nous avons les moyens et la détermination de continuer le combat ».
La quantité des renforts aperçus sur la route indique en tous cas, selon les observateurs, que l’Irak est encore loin d’avoir épuisé ses ressources militaires.
Dans un grand camp militaire, les journalistes ont pu apercevoir des blindés iraniens, apparemment intacts : un Chieftain britannique et trois M113 américains : autant de prises de guerre de l’armée irakienne.
A 39 km au sud-est de Bassorah, dans la ville iranienne de Khorramchahr de l’autre côté du Chatt el-Arab, de violents combats se poursuivaient lundi après-midi. Selon des correspondants qui en revenaient, de nombreux chars irakiens se trouvaient dans le port iranien.
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7 octobre
La guerre continue à Khorramchahr
Khorramchahr (Iran), 7 octobre – Si le port de Khorramchahr est désormais totalement aux mains des Irakiens, des combats se poursuivaient mardi dans une partie de la ville, ont constaté des journalistes. Aucun char n’était plus visible sur les docks mais ils avaient laissé des traces : douille d’obus et empreintes de chenilles en tous sens. Seuls quelques soldats casqués, postés derrière des sacs de sable, signalaient la présence de l’armée irakienne.
Les combats, cependant, n’étaient pas loin. A part les tirs d’artillerie échangés de part et d’autre du Chatt el-Arab, on pouvait entendre, venant de l’intérieur de la ville, des tiers d’armes légères et de mitrailleuses, ainsi que du mortier.
Selon les indications recueilles sur place, l’armée irakienne se trouve dans la périphérie sud-est de la ville, au-delà de la rivière Karoun qui contourne Khorramchahr pour se jeter dans le Chatt el-Arab.
A l’intérieur de la ville seraient restés des Pasdaran (gardiens de la révolution islamique) qui, agissant en francs-tireurs et appuyés de loin par l’artillerie iranienne, empêcheraient l’armée irakienne de se déployer totalement dans la ville.
Mardi, en tous cas, au dernier jour du « cessez-le-feu » fixé par l’Irak, les combats ne semblaient pas très denses et ne révélaient pas d’action offensive d’aucun des deux côtés.
Dans le port en partie dévasté, deux inscriptions accueillent le visiteur : « Dieu est le plus grand » et « Banisadr président ». De nombreux containers ont brûlé, les soldats en ont ouvert plusieurs pour s’y installer. Des caisses traînent sur les quais, à moitié ouvertes : machines à coudre, huile de cuisine ainsi que des ballons de football et des raquettes de ping-pong qui ont fait la joie de nos accompagnateurs.
Deux bateaux ont brûlé, dont un gros cargo italien, le Capriolo de Naples, et un petit caboteur trop noirci pour être identifié. Seuls deux cargos, qui arborent désormais le pavillon irakien, ont encore leurs équipages à bord : 33 Yougoslaves sur le Krasica de Rijeka, et 49 Chinois sur le Yang-Chun de Tien-Tsin. Isolés depuis trois semaines, ces marins attendent des instructions de leurs gouvernements respectifs. Si les Yougoslaves ont encore des vivres pour vingt jours, les Chinois avouent qu’ils commencent à se serrer la ceinture et surtout qu’ils n’ont plus assez d’eau, bien que l’armée leur en apporte un peu chaque jour. Tous avouent qu’ils restent au fond de leur bateau car ils ont « peur, bien sûr », au milieu de tous ces combats.
Au bout du port, à quelque deux cents mètres, de gros nuages de fumée noire et de violentes explosions : c’est l’embouchure du Karoun, où les deux armées se font face.
Dans les palmeraies juste avant la frontière, en territoire irakien, d’innombrables blindés et camions, ainsi que des véhicules du génie et de très nombreux poseurs de pont MTU : comme dans le secteur nord du front sud, l’armée irakienne dispose ici de moyens pour une éventuelle reprise de l’ offensive.
Evidemment, il faut faire attention à ce qu’on écrit. Ce à quoi nous avons assisté dans le port c’est à un gigantesque pillage des containers abandonnés sur le quai et ouverts par les militaires irakiens. D’autre part, les incendies qui font rage, allumés par l’artillerie iranienne, risquent de tout faire disparaître dans un gigantesque brasier. Je me retrouve avec une lampe de poche chinoise, luxe indispensable par ces temps de pannes de courant, ainsi qu’avec une thermos en métal fabriquée en Inde aux couleurs des prochains Jeux Olympiques de Moscou, avec l’ours qui symbolise ces jeux. Les thermos n’arriveront jamais à destination, comme les ballons de foot-ball !
Mais nous apprenons aussi à tricher – à la guerre comme à la guerre ! Ici le moindre taxi nous arnaque, normal c’est la guerre. Paiement comptant, pas de note de frais. Nous payons des fortunes et nos réserves en devises s’épuisent. Pas question de trouver une banque, évidemment ! Alors on s’emprunte les uns aux autres, en reconstituant des dossiers de notes de frais pour le retour. Je récupère des carnets à souche irakiens, et même du papier à en-tête de la Banque Melli iranienne. Idéal pour faire des notes de frais en arabe… Et c’est une question de survie, d’autant qu’on ne trouve rien d’autre que des sandwiches et de la bière tiède, pas de risque de dépenser des fortunes en boîte de nuit !
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Bassorah, loin de la guerre
Bassorah (sud-Irak), 7 octobre – Alors que la ville iranienne de Khorramchahr est livrée aux combats, vidée de ses habitants, la ville irakienne de Bassorah qui lui fait face, à trente kilomètres en amont sur le Chatt el-Arab, a retrouvé ces derniers jours toute sa vie et son animation.
Si le port est toujours paralysé du fait de la fermeture du Chatt el-Arab, la ville elle-même est sortie de l’ambiance angoissée qu’elle connaissait la semaine dernière. Alertes aériennes et black-out ont soudain cessé, sauf à proximité du grand pont où l’obscurité reste obligatoire.
Le souk, un peu désert aux premiers jours de la guerre, a retrouvé toute son ambiance aussi poussiéreuse que colorée. Les marchands traditionnels de tissus, de jus de melon, de pastèques fraîches et d’épices y côtoient les vendeurs d’alcool, de cigarettes, de radios japonaises et de ventilateurs chinois. Les gens n’ont pas l’air pressé et les cafés – où en fait on boit du thé – sont pleins de gens bavards qui discutent de tout sauf de la guerre.
N’était la présence de soldats, le fusil à la main, venus aussi boire des jus de fruit et faire des stocks de cigarettes pour leurs camarades, on ne soupçonnerait jamais que cette ville est àç quelques kilomètres du front.
Elle a été touchée pourtant à plusieurs reprises et le dépôt d’essence bombardé il y a plus de huit jours fume encore. Mais ici plus qu’ailleurs le « cessez-le-feu » a été pris au sérieux et l’on en profite aujourd’hui comme si l’on avait peur de replonger demain dans la guerre.
Toutes les lumières sont allumées, les lampadaires illuminent les avenues et aux carrefours les policiers surveillent qu’on respecte les feux rouges : Bassorah, mardi, était bien loin de la guerre.
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8 octobre
Iran/Irak : cargos coulés à Khorramchahr
Bassorah, 8 octobre – Un canon iranien tirant depuis les quais sur les cargos étrangers ancrés dans le port de Khorramchahr a coulé mardi soir au moins trois de ces bateaux, ont raconté les rescapés d’un cargo roumain arrivés mercredi à Bassorah.
Selon le capitaine du Olanesti de Constança, le canon, localisé dans la partie du port en feu, au sud des quais contrôlés par l’armée irakienne, a commencé à tirer vers 16 heures (13 h GMT) sur les bateaux qui s’étaient éloignés des docks en feu et mouillaient au milieu du Chatt el-Arab. Le courant ayant tourné, ces cargos avaient en effet pivoté sur leurs ancres, se rapprochant de l’île irakienne en face du port.
Après avoir vu un petit cargo panaméen et un indien touchés et incendiés, les trente trois hommes du cargo roumain ont à peine eu le temps d’envoyer un message radio à leur port d’attache : « sommes touchés, quittons le navire, adieu » et de recevoir la réponse de Constança : « OK, allez-y ».
Un premier obus tombait sur la cabine du capitaine, un second sur l’arrière et le cargo a pris feu. Les 33 Roumains ont sauté par l’arrière du bateau pour éviter le tir nourri des mitrailleuses iraniennes ? Ils ont tous pu s’en tirer sains et saufs, d’autant qu’ils n’étaient qu’à dix mètres de la rive irakienne.
« Pendant deux semaines, raconte le radio du bateau roumain, nous avons eu peur jour et nuit. J’ai trente ans mais depuis hier j’ai un jour car je ne pensais pas survivre ».
Evacués aussitôt vers Bassorah, les Roumains n’ont pu voir la suite des incidents. Ils savent seulement que le bateau indien n’a eu que cinq survivants sur dix hommes. Un cargo chinois qui avait essayé il y a deux jours de quitter ce port et de contourner l’île pour se mettre à l’abri avait été incendié de la même façon. Son équipage avait dû traverser le Chatt el-Arab à la nage pour se réfugier en Irak.
Les incidents de mardi, remarquent les observateurs, attestent du maintien de poches de résistance iranienne à Khorramchahr, au nord même du fleuve Karoun.
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Entretien avec des prisonniers iraniens
Bassorah, 8 octobre – Plusieurs journalistes étrangers ont pu s’entretenir mercredi avec un groupe de 17 prisonniers iraniens et poser des questions à deux d’entre eux qui parlaient l’arabe, à Zoubaïr près de Bassorah.
A l’intérieur d’une grande caserne de blindés, les prisonniers se trouvent dans une salle assez vaste où des matelas ont été posés à même le sol. Apparemment en bonne santé, vêtus d’uniformes propres mais sans insignes, ils n’ont pas l’air trop abattus, sauf l’un d’entre eux, blessé au bras.
Avant que ne commence l’entretien organisé par les militaires irakiens, l’un des détenus, peut-être un officier, a le temps dans le brouhaha de l’arrivée de glisser en allemand aux journalistes qu’ils sont tous soldats et iraniens, qu’il n’y a donc pas ni Pasdaran (Gardiens de la révolution) ni étrangers parmi eux.
Un autre fait discrètement un « V » de la victoire, sans doute pour montrer qu’il a le moral.
Au contraire, au cours de l’entretien « autorisé », l’un de ses camarades explique que « le moral n’est plus ce qu’il était dans l’armée iranienne », car « elle n’a pas assez d’armes ». Ce même prisonnier déclare qu’il aimait Khomeiny « avant la guerre, mais que maintenant c’est fini ».
Le second prisonnier autorisé à répondre aux journalistes indique que lui et ses compagnons ont été capturés il y a une semaine, les uns dans la région d’Ahwaz, les autres à Khorramchahr. Il est plus nuancé dans son jugement sur le régime de Téhéran : « L’Irak et l’Iran sont des pays musulmans donc des pays frères. Il n’est pas bon qu’ils se fassent la guerre », se contente-t-il de dire.
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9 octobre
NOTE REDCHEF 40130 ICI BAY BASSORAH GROS PREOBLEME COMMUNICA
TIONS VOICI QUAND MEME SITUATION FRONT SUD EN OVERNIGHT
D AUTRE PAS AVEZ-VOUS EU BOMBARDEMENT BAGDAD CE SOIR ???
AMTS BAY
La situation sur le front sud irakien
Bassorah, 9 octobre – Si les effets des duels d’artillerie dans la région de Khorramchahr et au-dessus du Chatt el-Arab continuent à être spectaculaires, aucune opération d’envergure n’avait encore été lancée mercredi sur le front sud irakien.
Les correspondants à Bassorah, qui ont constaté ces derniers jours des déplacements et des concentrations importantes de matériel du côté irakien, n’ont enregistré aucun signe d’une reprise de l’offensive.
Au contraire, sauf dans la ville de Khorramchahr où se poursuit une guerre de positions, la première journée après la fin du « cessez-le-feu » décrété unilatéralement par l’Irak a semble plutôt calme : peu de canonnades à l’est, aucun survol d’avion. Pas même une alerte aérienne dans la ville de Bassorah. A Khorramchahr, où des éléments iraniens jouent à cache-cache avec l’armée irakienne sur la rive nord du fleuve Karoun, le port est depuis mardi soir le théâtre d’un combat d’artillerie dont les premières cibles ont été les cargos mouillant dans le Chatt el-Arab.
Mais à terre, à travers les docks embrasés, le feu nourri d’armes de tout calibre ne semble s’accompagner d’aucun mouvement important : chacun paraît s’accrocher à ses positions.
Au sud de ce port, les duels d’artillerie se poursuivent avec régularité au-dessus du Chatt el-Arab. La route qui longe la rive irakienne en passant par Abou al-Khasib, Maamir et arrive à al-Faw sur le Golfe, reste dangereuse en raison des tirs d’obus iraniens.
La ville même d’al-Faw, dans le prolongement de laquelle se trouve le terminal pétrolier irakien, a été à nouveau touchée par des tirs mardi qui ont endommagé de nombreuses maisons ainsi que par un raid aérien qui a mis le feu à au moins quatre cuves de pétrole qui brûlaient encore mercredi.
Sur la rive opposée, à 50 km plus au nord, la raffinerie d’Abadan, aux tours et aux cheminées noircies, brûle depuis déjà quinze jours. A Bassorah enfin, où le dépôt de pétrole du port a été touché il y a dix jours, c’est à présent le puits de Chouaiba à dix km au sud-est qui brûle lentement depuis quelques jours, dégageant pendant la journée une épaisse fumée grise.
Cette guerre non déclarée, et qui n’en a même pas le nom – on continue à parler dans la presse irakienne de « bataille de l’honneur » ou de « combat de Saddam » – n’est pas encore totale. Les adversaires cherchent toujours à frapper les objectifs économiques, mais le choc décisif entre les deux armées a pour l’instant été évité. Le communiqué publié mercredi par l’armée irakienne indique qu’elle a abattu dix avions iraniens, tué quarante ennemis, détruit neuf chars et récupéré deux autres : les combats sont restés localisés.
Les correspondants étrangers ont pu visiter mercredi un dépôt de prises de guerre irakiennes : un transport de troupes M113 et un char dépanneur américain, et trois véhicules de combat d’infanterie BMP-67 soviétiques aux couleurs iraniennes. Un peu plus loin sur la route, un Chieftain britannique. Même en ajoutant le total de chars présumés détruits, il n’y a pas là l’indice d’un engagement massif : les combats, s’ils ont été violents, n’ont pas encore été proportionnels aux moyens engagés sur ce front.
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ATTN TECHNIQUE ICI BAY A BASSORAH VOCI PAPIER MAIS AVANT
MERCI REPOUSSER AU QUOTIDIEN DE PARIS NOTE SUIVAENTA TELEX 240576
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L’aventure dramatique des marins rescapés de Khorramchahr
Bassorah, 9 octobre – Les rescapés des cargos étrangers ancrés dans le port iranien de Khorramchahr, coulés ou menacés par l’artillerie iranienne, ont été évacués sur la ville irakienne de Bassorah.
Ils sont deux cents dix marins, de diverses nationalités, encore traumatisés par l’aventure dramatique qu’ils viennent de vivre. Les uns se sont sauvés à la nage, les autres ont été évacués par les Irakiens. Mais tous n’ont pas eu cette chance : un certain nombre ont péri.
Après environ quatre semaines d’angoisse, pris entre deux feux, ils ont vécu une issue brutale : mardi et mercredi, l’artillerie iranienne a détruit une bonne moitié de leurs bateaux. Jeudi il ne restait donc plus de marins à bord de ces cargos.
Les derniers évacués : 49 Chinois du Yang Chun, 33 Yougoslaves du Uljanik et 33 Roumains du Olanesti, attendent maintenant à Bassorah de pouvoir regagner leur pays. Avant eux, une trentaines d’Italiens du Capriolo, autant de Grecs et 35 Coréens, Indiens et Pakistanais de bateaux plus petits, ainsi que les survivants d’un deuxième cargo chinois, avaient déjà trouvé refuge sur la rive irakienne du Chatt el-Arab.
Le timonier yougoslave du Uljanik s’effondre en larmes à l’évocation du cauchemar qu’il vient de vivre ; la tension a été trop forte. L’officier en second Mikoc vient à son secours et raconte : ils ont eu de la chance. Tout l’équipage est sain et sauf. De même que ceux des deux autres bateaux yougoslaves, le Lika et le Krasika, ainsi que les équipages du Capriolo et du Yang Chun. Mercredi soir, ils ont fêté à la bière leur première nuit à terre et en sécurité.
Certains équipages auraient même préféré rester à bord. Mais l’armée irakienne les a évacués, leur expliquant le danger de rester sur ces bateaux devenus des cibles. Ils ont fait la route en autocar.
D’autres n’ont pas eu cette chance, surtout ceux qui étaient ancrés au dock du sud, en feu depuis quelques jours. Plusieurs bateaux avaient manœuvré pour mouiller au large. Mardi, un canon iranien les a bombardés, de peur sans doute que leur cargaison ne soit déchargée par les Irakiens, sur l’île d’en face.
Mais alors que les équipages sautaient à l’eau pour tenter de regagner la berge, une mitrailleuse a fauché les nageurs, tuant plusieurs Indiens, Chinois et des matelots d’un bateau panaméen, poursuit l’officier yougoslave qui ne saurait préciser le nombre de morts, se contentant de dire qu’il a dû y en avoir « beaucoup ».
Pendant leur long séjour enfermés à bord, tous ces marins passaient leur temps cachés à fond de cale, fumant et faisant les cent pas au plus profond du navire, à l’exception de ceux qui devaient assurer les tours de garde pour prévenir les incendies. Avec les grenades qui tombaient de temps à autres il fallait être constamment vigilant, le jet d’eau à portée de la main.
De l’eau, ils en avaient sur le Uljanik. « Même suffisamment pour prendre des bains mais nous avions trop peur de nous déshabiller et d’être surpris tout nus par une alerte ». Pour ajouter à leur angoisse, la cargaison du cargo yougoslave était composée en partie de colle, de papier et de fibres synthétiques, et il leur restait encore 900 tonnes de mazout. « Mais nous voulions garder ce carburant, conclut l’officier, car c’était notre seule chance de quitter le port si le Chatt el-Arab était rouvert ».
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NOTE REDCHEF/ ICI BAY A BASSORAH. SOMMES TOUS REMONTES DEMAIN A
BAGDAD ET PEUT ETRE SAMEDI RENVOYES A AMMAN, A MOINS AU ILS
NE GARDENT AGENCES ET PRINCIPAUX QUOTIDIENS. AVEZ-VOUS CONSIGNES
PARTICULIERES ???? AMTS.
Les chinoiseries de Bassorah
Bassorah, 9 octobre – Dans la lumière jaune d’une tempête de sable, le souk de Bassorah était jeudi à l’heure chinoise : depuis deux jours, le marché est inondé de produits « Made in China ». Stylos lampes, lampes de poche, piles de tout format, gadgets divers, rasoirs et blaireaux, ouvre boîtes et autres ustensiles ménagers, une vaste gamme de marchandises est offerte par des vendeurs ambulants à des prix dérisoires.
Alors qu’à Bagdad la moindre lampe de poche est devenue un luxe rare, la ville de Bassorah, à quelques km à peine du front, peut désormais affronter le black-out avec une lumineuse allégresse.
Bien qu’on trouve aussi, au milieu des fleurs artificielles, des sapins en plastique, ce n’est pas le père Noël qui est passé par là. Ce n’est que le restant des caisses d’un cargo chinois qui, dans le port iranien de Khorramchahr, ont pu être sauvés de l’incendie des docks.
A VOUS ???***
OK BIEN RECU
POSSIBLE AVOIR EVENTUELLE REPONSE REDCHEF ?
MOMOM
MERCI VITE JE PAIE
MOM
PAS DE CONSIGNES PAT PARTICULIERES MAIS AOHAITONS INDIEN
SOUHAITONS POUR CLIENT INDIEN INFORMATION SUR MARINS INDIENS
DONT LES TROIS NAVIRES ONT ETE COULES PRES DE BASORAPH
OK ?*
CA VA ETRE DIFFICILE CAR SONT A L HOTEL CINQ KM D ICI ET SUIS
BOUCLE DANS LE MIEN PAR BLACK OUT JUSQU A DEPART DEMAN POUR
BAGDAD
FAITES POUR LE MIEUX MERCI.
KOK MCI BIBI
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10 octobre
Loin du front
Amara, 10 octobre – Alors que les combats semblaient avoir repris depuis jeudi avec une certaine intensité sur le front entre Ahwaz et Dezful, l’ensemble des journalistes présents au sud de ce front, à Bassorah, a été ramené vendredi à Bagdad.
Sans connaître les motifs de cet éloignement du front, les correspondants ont seulement constaté, sur la route de Bagdad, que plusieurs convois, non plus de matériel mais de troupes, descendaient vers le sud.
Les journalistes ont cependant pu visiter au nord d’Amara, à 60 km de la frontière iranienne, un dépôt de prises de guerre de l’armée irakienne, mais composé de matériel capturé il y a plus d’une semaine et donc sans signification sur la situation actuelle du front sud. Au-dessus, en tourelle de Chieftain avec Paul Balta, du Monde
Ils ont pu compter 13 chars britanniques Chieftain M-5, quatre chars légers de reconnaissance Scorpion, un véhicule de commandement américain M113/PC, trois transports de troupes soviétiques BTR-50, une vingtaine de camions et une dizaine de jeeps équipées du canon sans recul de 106 mm antichar.
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11 octobre
ATTN REDCHEF – ICI BAY A BASSORAH – 72200 – AVONS FAIT L ALLER
ET RETOUR A BAGDAD SIMPLEMENT POUR NOUS ENTENDRE DIRE QUE LES
GRANDS MEDIAS POUVAIENT RESTER. L AFP EN EST. SUIS HOTEL
HAMDAN TEL 219141 BIEN 219142 CHAMBRE 306 BIEN 306. SERAI DEMAIN
SUR LE FRONT DE KHORRAMCHAHR OU CA BOUGE. AMTS.
BAY/ END NOTE
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12 octobre
Je repars avec deux confrères journalistes en taxi pour Bassorah. La route du sud devient presque une habitude… Nous arrivons à temps pour voir partir nos confrères, emmenés par les militaires irakiens sur un secteur où ils se déploient. Pour ne pas rester sans rien faire, nous prenons un taxi, un beau taxi jaune pas vraiment discret, pour longer le Chatt el-Arab vers le sud et voir les opérations depuis la rive irakienne.
La bataille du Karoun
Oum al-Rassas, 12 octobre – Le correspondant de l’AFP a assisté dimanche à l’assaut lancé à 12h locales (9h GMT) par les troupes irakiennes contre un réduit iranien dans le port de Khorramchahr, au nord du fleuve Karoun.
De l’île de Oum al-Rassas, à deux cents mètres du port dans le Chatt el-Arab, il a également pu constater qu’une bataille se livrait au sud-est de cette zone, sans doute autour de ce même fleuve.
Au milieu des tirs d’artillerie et de chars, toute la zone était secouée d’explosions et d’incendies : la bataille est désormais engagée pour contourner Khorramchahr et encercler l’armée iranienne en prenant la route d’Abadan, au sud.
Sur le quai des docks sud du port, au milieu des dépôts incendiés, plusieurs sections d’infanterie irakienne ont brusquement surgi, progressant par bonds et lançant des grenades à main contre des Iraniens invisibles de l’île mais apparemment très proches.
En un quart d’heure, ils avaient progressé d’une bonne centaine de mètres le long des quais, arrivant jusqu’à des positions marquées par des remparts de sacs de sable.
Cachés sur l’île, dans les palmeraies et derrière un fin rideau de roseaux, à l’abri dans des maisons de pêcheurs, les tireurs d’élite irakiens avaient posé leurs fusils de précision Dragunov : « ça ne sert plus, ce sont les nôtres en face », ont-ils expliqué en commentant avec enthousiasme l’avance de leurs camarades.
L’un de ces tireurs, épuisé par la tension et par la canonnade qui se poursuit jour et nuit depuis bientôt quinze jours, nous a lancé : « notre armée sera demain à Abada, si Dieu le veut ! » Plus réaliste, un officier a précisé : « prendre Abadan peut prendre trois jours ou même une semaine, mais à présent que nous avons traversé le Karoun il n’y a plus d’obstacle majeur ».
Expliquant que des ponts de bateaux ont été posés en amont sur le fleuve, l’officier ajoute : « pour l’instant nous avons fait passer des camions et des troupes à pied. Mais maintenant c’est au tour des chars et nous pourrons foncer ». Nous indiquant la zone où attaquaient les fantassins, il nous dit enfin : « là-bas, il y a encore des chars iraniens ». Puis, après un silence, il a ajouté avec un sourire : « mais leurs équipages sont partis, ils ne servent plus à rien ».
Sans doute repérés par des francs-tireurs, qui les saluent de quelques coups de feu, le correspondant de l’AFP et ses deux camarades britanniques devront, pour regagner la rive irakienne que rejoint un grand pont, faire malgré la chaleur une belle démonstration de course à pied, sous les encouragements des sentinelles.
Une aventure qui aurait pu se terminer en mésaventure fâcheuse, si je n’avais pas eu l’intuition qu’en marchant à découvert sur le pont nous étions des cibles trop tentantes pour les tireurs d’en face. Un petit sprint avec tout le matériel, puis la prise d’assaut du taxi jaune trop voyant – une trop belle cible – et nous voici repartis en sécurité. Fin de l’épisode.
L’histoire deviendra épique sous la plume de Robert Fisk, qui faisait partie de notre groupe de trois et décrira dans ses mémoires une très belle aventure où nous nous jetons à l’eau pour éviter les balles, moi leur donnant des consignes en tant qu’ancien officier de la Légion... Trop d’honneur mais un récit très sympathique, mon souvenir est que nous n’avons été mouillés que de notre propre transpiration. Je n’arriverai jamais à me faire passer pour Corto Maltese ou Malko Linge !
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Images de la guerre en Irak
Bassorah, 12 octobre – Pour l’Irakien de la rue, la « guerre » porte désormais son nom. Radio Bagdad appelle ainsi le conflit avec l’Iran qui en est à sa troisième semaine.
Le long de la route de Bagdad à Bassorah, véritable thermomètre du pays, les convois continuent à se frayer un passage au milieu des véhicules civils, les poids lourds allant ou revenant d’Europe vers le Golfe étant nombreux sur cet axe.
A une station d’essence près d’Amara, à 400 km au sud-est de la capitale, s’arrête un camion venant du nord, plein de soldats qui chantent le dernier « tube » de la radio : « le Chatt al-Arab aux Arabes ».
Soudain ils s’interrompent, et avec eux tous les civils qui bavardaient en attendant leur tour. Deux taxis viennent d’arriver du sud, portant sur le toit deux cercueils entourés d’un drapeau irakien, des soldats morts au front.
Tout le monde salue, militaires et civils, et un petit garçon murmure « le sud… » avec un regard effrayé. D’autres voitures semblables suivent un peu plus loin, ainsi que quelques ambulances.
Au sud, pourtant, la vie continue à Bassorah, le souk est toujours aussi fourni, et dimanche des produits indiens étaient venus s’ajouter aux cigarettes et lampes chinoises : ce qui reste des épaves de cargos du port iranien de Khorramchahr.
Mais le front, quelques kilomètres plus loin sur le Chatt el-Arab, est le théâtre d’une bataille où l’Irak a engagé cette fois beaucoup de forces, dont les volontaires de l’Armée du peuple, aux côtés de l’armée.
Au poste frontière iranien comme dans l’île d’Oum al-Rassas, devant Khorramchahr, ce sont des miliciens que l’on peut voir, dont certains en civil mais tous armés et combattant comme des soldats au sein des mêmes opérations jusqu’en territoire iranien. Leur présence contribue à donner une dimension politique aux combats, mais les militaires eux-mêmes tiennent à rappeler cette dimension. Dimanche matin, sous un déluge d’obus de mortier et de tirs d’armes automatiques, un officier a terminé un exposé de la situation en nous saluant d’un « à bientôt en Palestine ».
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13 octobre
Plusieurs mois pour rouvrir le Chatt el-Arab, selon un officier yougoslave
Bassorah, 13 octobre – Si les combats cessaient aujourd’hui, il faudrait de quatre à six mois pour rendre les cent cinquante km du Chatt el-Arab (Arvandrud pour les Iraniens) à la navigation, a affirmé mardi un officier maritime dont le navire est bloqué à Bassorah.
Le commandant en second d’un cargo yougoslave, le Iniciativa Livio Peculic, explique que cette estimation est partagée par l’ensemble des milieux maritimes présents dans ce port.
Jusqu’au début des combats, les dragues irakiennes opéraient chaque jour pour empêcher l’envasement du chenal navigable au milieu du Chatt. Depuis trois semaines, il n’est plus possible de draguer et le sable apporté par les eaux boueuses du fleuve iranien Karoun a rendu impraticable le chenal à la hauteur du port de Khorramchahr où se trouve son embouchure, ainsi que dans le tournant d’Abadan.
La situation va s’aggraver le mois prochain, poursuit l’officier, non seulement à cause de l’accumulation du sable, mais parce que de novembre à mars les pluies sur les montagnes iraniennes font que la Karoun charrie encore plus d’alluvions.
A ce point d’envasement, il faudra compter sur le délai d’acheminement des moyens spécialisés dont on ne dispose pas dans la région. De plus, il faudra sûrement, selon cet officier, faire appel à des équipes de démineurs.
Le bateau yougoslave, arrivé le 17 septembre à Bassorah, fait partie des 50 à 60 navires bloqués par la guerre dans ce port et dans son prolongement d’Abou Flous. Plus de la moitié de ces navires sont actuellement sans équipage, mais pourraient repartir sans problème si la voie d’eau était rendue navigable.
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ATTN TECHNIQUE/ VOICI NOTE ET PAPIER POUR REDCHEF SEULE.
NOTE REDCHEF/ 21445 – BASSORAH 13 OCT 6 VOICI PAPER A NE
PAS UTILISER AVANT MA CONFIRMATION, CAR J ATTENDS LE RETOUR DU
POOL QUI EST PARTI SUR LE KAROUN ; PREFERE ENVOYER CE PAPIER PAR
AVANCE POUR RAISONS TECHNIQUES, ET COMPLETERAI OU RECTIFIERAI
EN DONNANT LE FEU VERT. MERCI AMTS. BAY.
L’armée irakienne se déploie au-delà du Karoun
Bassorah, 13 octobre – L’armée irakienne poursuivait lundi son avance en territoire iranien visant à encercler les deux ports de Khorramchahr et Abadan. Plusieurs correspondants étrangers ont pu se rendre lundi matin au sud du fleuve Karoun, dans la zone de déploiement des forces armées irakiennes, par le pont de barges jeté sur ce fleuve en amont de Khorramchahr.
Selon leurs observations et les renseignements recueillis sur place, la progression des forces irakiennes se poursuit sur quatre axes afin de prendre à revers les deux centres iraniens, déjà pratiquement coupés par voie terrestre du reste de l’Iran. De son côté l’armée iranienne utilise notamment des avions Phantom et des hélicoptères de combat pour tenter de contenir l’évolution des blindés irakiens.
La route reliant Khorramchahr à Ahwaz était coupée depuis plus de quinze jours par l’armée irakienne, c’est à présent la route qui relie Abadan à l’intérieur du territoire iranien, sur la rive sud du Karoun, qui est l’enjeu des combats.
Située dans une zone marécageuse au bord du Chatt el-Arab, la ville d’Abadan n’est accessible que par cette route principale, la zone s’étendant au sud-est de la ville étant traversée par des canaux et des bras secondaires du Karoun.
La difficulté du terrain, outre la résistance iranienne, contribue à retarder l’avance des troupes irakiennes vers le centre pétrolier, estiment les observateurs.
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L’armée irakienne se déploie… (complément)
Un responsable de l’information irakienne, qui avait accompagné les correspondants étrangers, a précisé que l’armée irakienne se trouvait lundi à une distance comprise entre cinq et huit kilomètres au-delà du fleuve Karoun, tout en indiquant que le front n’était pas linéaire car l’armée se déployait dans plusieurs directions.
Ce responsable a ajouté que la traversée de ce fleuve se poursuivait avec des chars et engins de combat car l’offensive visait à encercler Abadan. Il a affirmé enfin qu’il n’avait pas vu personnellement d’avions ou d’hélicoptères iraniens là où ils se trouvaient, mais que l’artillerie iranienne opposait une résistance sérieuse malgré la progression des blindés irakiens.
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14 octobre
L’armée irakienne poursuit son avancée sur Khorramchahr et Abadan
Bassorah, 14 octobre – Deux jours après avoir traversé le fleuve Karoun, l’armée irakienne poursuivait mardi une lente progression vers la poche iranienne de Khorramchahr et Abadan, à travers de violents combats.
La lenteur de cette progression s’explique, selon les correspondants sur le front sud, par deux facteurs. L’un est que la tactique irakienne, inspirée de la tactique soviétique, est de n’avancer qu’à coup sûr, en déplaçant au fuir et à mesure l’artillerie pour couvrir l’avancée des troupes d’assaut. Cette tactique, qui exclut les coups d’audace et les initiatives localisées, a l’avantage d’économiser les vies humaines d’autant que les combats, selon certaines indications, sont actuellement meurtriers.
L’autre facteur est la résistance acharnée de l’armée et des miliciens iraniens qui risquent de se retrouver bloqués d’ici peu dans une poche d’environ cinq kilomètres sur douze, entre le Chatt el-Arab à l’ouest, un bras du Karoun à l’est et les deux villes de Khorramchahr et Abadan.
Cette poche est protégée par deux ponts sur le Karoun et son bras qui, solidement tenus lundi encore par les Iraniens, au milieu de Khorramchahr et à l’entrée d’Abadan, sont les seuls accès à cette sorte de presqu’île qui se prolonge vers le sud.
De plus, il semble que qu’en raison d’une relative supériorité aérienne dans cette zone, les Iraniens, grâce à leurs Phantom et à leurs hélicoptères de combat, empêchent les blindés irakiens d’avancer sans être constamment rejoints et protégés par l’artillerie anti-aérienne.
Malgré cette lenteur, les Irakiens ont acquis ces deux derniers jours des atouts importants. En traversant le Karoun, ils ont en effet pris le contrôle de la route qui mène à Abadan, mais également à Shadegan (40 km à l’est) et à Ahwaz, à cent km au nord.
Contrôlant déjà les routes qui mènent à cette ville par le nord ouest, par Suzangerd, et par le sud, venant de Khorramchahr, ils sont désormais à même d’y arriver par la rive est du fleuve, derrière la ligne de défense qu’il représentait pour les Iraniens. Enfin ils ont fait sauter l’oléoduc reliant Abadan au centre du pays par Ahwaz qui, quoique fermé, restait encore utilisable.
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Duel d’artillerie près d’Abadan
Bassorah, 14 octobre – Du village de Siba, sur la rive irakienne du Chatt el-Arab en face d’Abadan, on pouvait voir mardi l’artillerie iranienne opérer à partir du centre pétrolier en direction des forces irakiennes qui s’approchent par le nord-est, en provenance de la région du fleuve Karoun.
A l’opposé, à la hauteur du pont de barges jeté par les Irakiens sur ce fleuve, à une quinzaine de km au nord d’Abadan et à une douzaine de km au nord-est de Khorramchahr, des batteries de 122 mm tiraient sur Abadan.
Tandis que des colonnes de chars T-54 et T-62 continuaient de traverser le pont en direction du sud, accompagnés par des véhicules de terrassement du génie, l’armée irakienne s’activait également à fortifier ses positions sur la rive nord du Karoun.
Des batteries anti-aériennes de canons quadri-tubes de 23 mm et de 37 mm ont été installées pour protéger les opérations de franchissement, et quelques chars amphibies BMP-67 sont postés sur la rive, prêts à intervenir.
Sur la rive iranienne, où des chars sont également en position, les conduites de l’oléoduc Abadan-Ahwaz continuent à brûler en plusieurs endroits.
Si les chars irakiens peuvent, selon les correspondants de presse, arriver dans les deux jours aux abords d’Abadan, la vile sera alors exposée aux tirs croisés de l’armée irakienne. Celle-ci se trouve déjà à trois cents mètres du port iranien sur la rive irakienne du Chatt el-Arab. Mais la prise de la ville, sans doute défendue comme Khorramchahr par des groupes de gardiens de la révolution, demandera peut-être plus de temps, estiment ces correspondants.
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15 octobre
Expulsion Britannique
Bassorah, 15 octobre – L’envoyé spécial de l’agence de presse britannique Reuters à Bassorah, M. Jeremy Clift, a été officiellement expulsé mercredi matin vers le Koweit.
Comme il interrogeait les responsables de l’information irakienne, avant d’être embarqué dans un taxi, sur les motifs de son expulsion, ceux-ci lui ont seulement indiqué qu’il avait « publié des mensonges sur la situation ».
Les parties de cache-cache se poursuivent entre journalistes et censeurs. J’ignore les raisons de l’expulsion de mon confrère de Reuters. Sans doute a-t-il fait un commentaire politique qui a déplu, ou a-t-il estimé trop crûment que les forces irakiennes étaient mal commandées et ne savaient pas s’imposer sur le terrain ? C’est en tous cas ce que nous commençons à nous demander sérieusement, car la victoire-éclair promise sur l’invitation n’est toujours pas arrivée… La question agace prodigieusement nos accompagnateurs, preuve qu’il y a un malaise.
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Evacuation périlleuse de l’équipage d’un cargo britannique
Bassorah, 15 octobre – Vingt-trois civils britanniques et philippins, hommes et femmes, ont été évacués dans la nuit de mardi à mercredi d’un cargo britannique bloqué par la guerre sur le Chatt el-Arab, après avoir passé cinq semaines isolés à bord.
Le capitaine, son second et onze hommes d’équipage sont restés à bord du navire pour la manœuvrer en cas de réouverture du fleuve. Le nom et la position exacte du navire, qui venait du Brésil, n’ont donc pas été précisés car il pourrait se trouver dans une zone dangereuse. Mais il pourrait s’agir de l’un de ces bateaux qui, ayant pu quitter à temps le port de Khorramchahr, se sont réfugiés à l’abri de l’une des îles situées sur le côté irakien.
Les officiers britanniques et leurs épouses, ainsi que les marins philippins, ont raconté leur évacuation périlleuse en arrivant à Bassorah où ils ont été hébergés par les autorités irakiennes en attendant leur rapatriement.
L’opération s’est déroulée dans l’obscurité, pour éviter les tirs iraniens. Les rescapés ont effectivement entendu des coups de leur lors de l’évacuation, mais qui ne semblaient pas dirigés contre eux.
Un zodiac de la marine irakienne, avec trois soldats et trois reporters britanniques, s’est approché dans le noir jusqu’au bateau, d’où il a ramené à la rive les vingt-trois civils, une partie d’entre eux à bord de leurs propres canots de sauvetage.
En présence des journalistes, une jeune Britannique, épouse d’un officier et qui était en voyages de noces, a seulement déclaré avec humour que le voyage avait été « merveilleux » et qu’ils n’avaient manqué de rien. Selon l’un des officiers interrogés, il resterait encore dans les bateaux mouillant au milieu du Chatt el-Arab « plus d’une centaine de marins bloqués ».
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16 octobre
L’armée irakienne à proximité d’Abadan
Bassorah, 16 octobre – L’armée irakienne se trouve à proximité des faubourgs d’Abadan, ont constaté jeudi plusieurs correspondants étrangers qui ont été convoyés jusqu’à cinq ou six kilomètres de ce port iranien.
Ces correspondants ont visité la station de radio d’Abadan, située au nord-est de la ville, où ils ont croisé un groupe de quatorze prisonniers iraniens dont plusieurs Pasdaran. Ils ont pu voir de loin les cheminées et les tours de la grande raffinerie d’Abadan, incendiée il y a trois semaines, et ont entendu au sud des tirs de canons de chars et d’artillerie, indiquant une résistance iranienne sur les accès de la ville par le sud-est.
A l’arrière de la première ligne des blindés irakiens, les correspondants ont assisté à une attaque de ces chars par des Phantom iraniens. En raison sans doute de l’importance des tirs d’artillerie échangés entre les défenseurs d’Abadan et l’armée irakienne, les journalistes n’ont cependant pas pu vérifier si les Irakiens avaient atteint la Khawr Bahmechir, ce bras du Karoun qui isole la ville par l’est et représente le dernier obstacle.
Comme à Khorramchahr, dont la rive au sud du Karoun semble toujours tenue par les Iraniens, les Irakiens semblent vouloir tenir le siège d’Abadan – faute d’une issue militaire rapide – avant l’échéance des pluies de novembre, estiment les observateurs. Cette stratégie, pensent-ils, permettrait à l’Irak de se renforcer politiquement dans l’hypothèse de négociations.
****ICI PIERRE A BASRAH DAVID EST IL LA MERCI ? ****
OUI MOM J TE LE PASES
MERCI JE VOUDRAIS SAVOIR SI PARIS A PREVU MON REMPLACEMENT CAR
VISA EXPIRE LE 23 ET NON RENOUVELABLE. PENSE REPARTIR VERS
LE 20 OK ?
ICI DAVID JE P J AI DMANDE UN VISA MAIS JE N AI AUCUNE
NI S IL ME SERA ACCORDE NI QUAND DANS LE MEILLEUR DES
CAS JE L OBTIENDRAI AVEX VOUS UNE IDEE LA DESSUS ???
OUI BAGDAD DONNE PRIORITE ET FACILITES SUR PLACE AUX DEFENSE
CORRESPONDENTS ACCREDITES COMME TELS FAITES VALOIR VOS TITRES
DE GUERRE J AI DONNE CETTE PRECISION A PARIS A VOUS
JE ME SUIS RENDU MOI-MEME A L AMBASSADE ET ME SUIS FAIT
PISTONNER PAS LE SECRETAIRE GENERAL A FEDERATION DES AGENCES
ARABES QUI EST UN IRAKIEN ET AVEC QUI JE SUIS AMI JE PENSE
DONC AVOIR MIS TOUTES LES CHANCES DE MON COTE MAIS DANS LE
MEILLEUR DES CAS JE NE POURRAIT PAS ARRIVER A BAGDAD AVANT
MILIEU SEMAINE PROCHAINEET CADIOT DEVRA RESTER SEUL
QQUS JOURS MAIS BOLO EST AVERTI A PART CA COOMMENT
CA VA ???
PARDON SUIS OBLIGE D ETRE BREF EN DEUX MOTS TRAVAIL DIFFICILE
ET CENSURE AU PIRE JE OPEUX EN PASANT PAR AMMAN REDEMANDER
VISA MAIS NE SOUHAITE PAS REVENIR TOUT DE SUITE VOUS RAPPELLERAI
DIMANCHE OK ?
OK MAIS PAS QUESTION QUE VOUS REPARTIEZ LA BAS UN AVABT UN
BON MOMENT OK ?
TT A FAIT D ACCORD A BIENTOT ?
OK BIBI
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17 octobre
SALUT BEYROUTH ICI PIERRE**** JE VOUS ENVOIE UNE BANDE TOUTE PRETE A
REPOUSSER SUR PARIS. POUR MOI C EST MOINS CHER OK ??
OK GA
Sous les Phantom iraniens
Au-delà du Karoun (territoire iranien), 17 octobre – Un triple raid aérien iranien a été lancé vendredi contre le pont de barges posé par l’armée irakienne sur le fleuve Karoun, en territoire iranien, et contre ses défenses, mais sans résultat effectif. Ce pont ouvre la voie sur Khorramchahr et Abadan.
L’envoyé spécial de l’AFP qui s’est rendu vendredi matin sur la rive est du fleuve avec un groupe de journalistes a pu voir, entre 11h35 et 12h10 locales (8H35 et 9H10 GMT) des avions F-4 Phantom effectuer trois passages successifs sur le Karoun et sa rive nord-ouest.
Le premier raid visait nettement le pont : les appareils iraniens n’ont pas risqué une attaque directe à la roquette et ont lâché plusieurs bombes en effectuant un virage serré, mais sans rien toucher. Lors des deux raids suivants, réalisés à quelques minutes d’intervalle, les avions semblaient viser les batteries antiaériennes et, quelques kilomètres à l’ouest, les positions de l’artillerie irakienne à longue portée.
Le petit groupe de journalistes étrangers, qui venait de traverser le fleuve cinq minutes avant la première attaque, a pu constater à l’issue du bombardement que le pont demeurait intact. Selon les soldats irakiens qui le gardent, ce pont de deux cent mètres de long a déjà été visé plusieurs fois ces derniers jours par l’aviation iranienne.
Les panaches de fumée noire qui s’échappent des conduites en feu de l’oléoduc Abadan-Ahwaz et le nuage de poussière soulevé par les véhicules militaires irakiens, qui sillonnent la piste, n’ont certes pas dû faciliter la tâche des Phantom iraniens.
De plus, la densité des tirs anti-aériens – batteries au nord du fleuve et blindés ZSU Shilka équipés de 4 canons de 23 mm au sud – a visiblement obligé les appareils iraniens à prendre de la hauteur, diminuant d’autant leur précision.
Mais plus que le pont, constitué d’éléments flottants interchangeables et qui peut être réparé en moins d’une heure, il semble que les Iraniens visaient l’artillerie irakienne qui pilonne la région de Khorramchahr et Abadan. Et cela sans doute dans le but d’aider les défenseurs du grand port iranien d’Abadan en tentant d’affaiblir l’étau irakien qui se resserre autour de la ville.
Vendredi, le silence régnait sur ce front, semblant indiquer que l’artillerie iranienne d’Abadan avait été réduite au silence. Aucun tir d’obus n’a été enregistré dans la zone parcourue par les correspondants. Et pourtant rien n’est fini. En revenant vers Bassorah, les journalistes ont croisé un convoi de chars T-54 sur leurs porte-chars, qui se dirigeait rapidement vers le front. « Nous voulons en finir avec Abadan », leur a lancé un responsable irakien.
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18 octobre
La question du Khouzistan évoquée par le Bagdad Observer
Bassorah, 18 octobre – La question du statut de la province du Khouzistan (Arabistan pour les Irakiens) est de nouveau soulevée par l’officieux journal irakien Bagdad Observer, dans un long article consacré à l’importance stratégique de la traversée par les troupes irakiennes du fleuve Karoun.
Ce fleuve représente « une barrière naturelle », écrit notamment le Bagdad Observer, semblant indiquer ainsi, selon les observateurs, que l’Irak, s’il exclut toute annexion du Khouzistan, envisage de faire de cette province un Etat-tampon entre l’Iran et l’Irak.
La carte du Khouzistan qui accompagne cet article publié vendredi porte en légende « province arabe d’Ahwaz ». Et si aucune frontière n’est nettement délimitée entre cette province et l’Irak, sauf à la hauteur du Chatt el-Arab, en revanche la frontière de l’Iran est très clairement dessinée le long des limites de cette province : au nord de Dezfoul, puis descendant vers le sud-est le long des montagnes jusqu’au Golfe.
L’article, qui ajoute que la « libération » du Karoun par les forces irakiennes est une « victoire militaire et stratégique de première importance », rappelle en outre que ce fleuve a été rebaptisé Karoun par « les Perses » alors qu’il était connu des Arabes sous le nom de « Dujail al-Ahwaz » (le petit tigre d’Ahwaz) en parallèle avec le « Dajle Bagdad » (le tigre de Bagdad).
De récentes déclarations officielles, rappelle-ton, avaient fait état du souhait de l’Irak que « l’Arabistan jouisse d’un statut d’autonomie dans le cadre de la souveraineté iranienne ». Mais, soulignent les observateurs, la préoccupation – fondamentale – de Bagdad que le Chatt el-Arab reste bien irakien pourrait pousser les autorités irakiennes vers une formule qui écarterait les Iraniens de sa rive.
Faute de sujets militaires, nous nous préoccupons du sort des bateaux immobilisés dans le Chatt el-Arab. Avec un collègue britannique, nous prenons contact avec le capitaine d’un bateau battant pavillon singapourien, le Timour Endeavour. Il nous fait une autorisation pour venir à son bord et pouvoir communiquer par sa radio avec un autre bateau dont nous sommes les représentants, le al-Tanin. L’idée est de pouvoir transmettre en temps réel sans nous battre avec les coupures de courant et la censure irakienne. Inutile de dire que ce projet restera sans suite, car les Irakiens surveillent de très près tout ce qui se passe autour des bateaux, mais cela nous permet de découvrir une opération de sauvetage en cours de préparation, dont on ne pourra parler que trois jours plus tard, lorsqu’elle aura été menée à bien.
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19 octobre
BONSOIR TECHNIQUE IC BAY A BASSORAH AVEZ VOUS CODE TELEX
POUR LIMA PEROU OU LA HAYE PAYS BAS MERCI URGENT ?******
MOM
QUE DESIREZ VOUS EXACTEMENT LE NUMERO DE TELEX DE AFP LIMA
OU AFP LA HAYE ?*
NON MERCI SIMPLEMENT PREFIXEV TELEX POUR UN COLLEGUE EST-CE
POSSIBLE ?****
POUR CODE INFORMATIQUE ICI A L AFP LIMA EST / LIM
LA HAYE / LAH
NON IL ME FAUT LE CODE INTERNATIONAL A METTRE AVANT LE NUMERO
CLIENT ?
OK
POUR LE PEROU : 036000
POUR LES PAYS BAS : 044000
FORMIDABLE MERCI BEAUCOUP ET BONSOIR
BIBI
BIBI
TIME 004.6 MINS
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20 octobre
Irak/Iran : la guerre sera longue
Bassorah, 20 octobre – Avec les premiers nuages sur le Chatt el-Arab, l’impression générale lundi sur le front sud irakien est qu’on s’installe dans une guerre durable.
Sur le plan politique, le refus iranien d’engager toute négociation tant que l’Irak occupe son territoire contraint celui-ci à faire la guerre, peut-être au-delà de ce qu’il envisageait initialement.
Faute de rester immobiles sur leurs positions, ce qui les rendrait vulnérables, les forces irakiennes sont donc amenées à avancer, même si le rythme de leur progression n’est plus celui des premiers jours.
Avant même que les premières pluies, d’ici deux à trois semaines, viennent rendre le terrain difficile aux opérations militaires, celles-ci semblent suivre un rythme de croisière avec des offensives localisées.
Ainsi, après leur traversée du fleuve Karoun, qui leur donnait accès aux plaines orientales du Khouzistan, les forces irakiennes se sont pour l’instant contentées de redescendre vers le sud pour réaliser l’encerclement, pratiquement terminé, de la poche iranienne englobant Khorramchahr et Abadan.
Outre la résistance des forces iraniennes, qui n’a pour l’instant jamais atteint le niveau d’une contre-offensive, il semble qu’il y ait du côté irakien une volonté de combattre sans trop de pertes et sans engager toutes ses forces, signe d’une détermination à assumer une guerre longue.
Ainsi, quatre semaines après le début de leur offensive, les forces irakiennes continuent de se battre dans Khorramchahr, où subsistent des éléments raniens au sud du Karoun. Elles achèvent d’autre part l’encerclement d’Abadan, qui garde encore un accès terrestre vers la mer entre le Chatt el-Arab et le Khawr Bahmechir, bras secondaire du Karoun qui protège les abords est d’Abadan.
De même, dans la partie nord de ce front, elles poursuivent une longue opération d’encerclement d’Ahwaz dont elles sont « à portée de canon », à dix kilomètres selon un officier irakien, mais sans doute à une quinzaine selon certains correspondants. Enfin elles sont également à portée de canon de Dezful, ville qui ferait à son tour l’objet d’une nouvelle opération d’encerclement depuis deux jours.
Cette tactique, consistant à isoler les viles sans les prendre, tient à des considérations beaucoup plus politiques que militaires. Un officier irakien a expliqué lundi à des correspondants à proximité d’Ahwaz que l’objectif de l’armée irakienne était de « détruire l’armée qui nous fait face, et non pas de bombarder les civils ou de détruire leurs villes, car leur population est à majorité arabe ».
Toute la difficulté pour les Irakiens est actuellement d’étendre leur contrôle sur la province « d’Arabistan » (Khouzistan) en ménageant la population, seule condition pour la réalisation d’un éventuel et hypothétique référendum qu’ils pourraient organiser pour le statut futur de cette province.
Cette précaution explique donc la longueur des combats autour de ces grandes villes, même si le Irakiens, comme l’ont constaté lundi les journalistes dans la région d’Ahwaz, continuent à avoir une quantité impressionnante de matériel.
La guerre risque donc de durer et les Irakiens semblent avoir les moyens de la poursuivre à ce rythme tranquille, autant sur le plan militaire que sur le plan économique : même dans les villes proches du front, comme Bassorah, on ne manque encore de rien.
Dures négociations avec la rédaction en chef. Alors que certains médias américains continuent à parler de combats de haute intensité, nous sommes plusieurs à estimer que la première offensive est pratiquement terminée et que l’armée irakienne s’installe pour reprendre son souffle et ne pas être surprise par les premières pluies. Il est toujours difficile d’en faire « moins » que la concurrence et je devrai déployer des trésors de patience pour explique à Véronique, à Paris, que la Qadissiya a fait long feu. L’écrire sans indisposer les autorités locales, et en faisant accepter les nuances par Paris, c’est un exercice de voltige.
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21 octobre
Evacuation d’une partie de l’équipage d’un navire péruvien bloqué dans le Chatt el-Arab
Bassorah, 21 octobre – Quarante huit marins péruviens, quatre officiers et 44 hommes d’équipage, ont été évacués lundi soir du cargo où ils se trouvaient, bloqué au milieu du Chatt el-Arab.
L’opération, qui a été effectuée par la marine irakienne, a duré trois heures, dans l’obscurité, alors que des tirs de mortier, d’armes automatiques et de fusils étaient échangés entre la rive iranienne et la rive irakienne.
Tous les hommes évacués sont indemnes et ont été ramenés ensuite par la route à Bassorah, où ils ont été hébergés par les autorités irakiennes. Un équipage réduit est resté à bord du cargo, le Mollendo, pour en assurer la manœuvre et l’entretien. Quant aux marins débarqués, ils seront acheminés vers Koweït d’où ils seront sans doute rapatriés.
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Le sauvetage des Péruviens
Bassorah – La longue attente de l’équipage du cargo péruvien Mollendo, bloqué entre deux feux au milieu du Chatt el-Arab, a pris fin lundi soir : quatre officiers et 44 hommes d’équipage ont été évacués dans l’obscurité et ramenés à terre par la marine irakienne.
Comme pour le sauvetage des 23 Britanniques et Philippins la semaine dernière, cette opération a été réalisée dans le plus grand secret. Pour des raisons de sécurité, il n’est donc pas possible de préciser la position du navire qui se trouve entre la rive irakienne et la rive iranienne du Chatt.
La même chaîne de solidarité a joué cette fois-ci, entre les capitaines d’autres navires mouillant à proximité, des journalistes étrangers se trouvant à Bassorah pour couvrir le conflit, et des diplomates occidentaux à Bagdad et en Europe.
Entre signaux de bateau à bateau, messages radio à courte distance, répercutés à terre par des coups de téléphone à l’autre bout du monde, et malgré les difficultés techniques, le message de détresse a pu parvenir jusqu’à Lima. Les autorités péruviennes ont alors dépêché leur attaché naval à La Haye, le capitaine de vaisseau Carlos Saez qui, malgré la difficulté de trouver une place d’avion au moment du grand pèlerinage de La Mecque, a pu arriver à Koweït d’où il s’est rendu par la route à Bassorah.
L’affaire était urgente : lundi, alors qu’ils étaient restés bloqués à bord du Mollendo sans pouvoir descendre, à cause des francs-tireurs, les marins péruviens n’avaient plus qu’une journée de vivres, et moins de dix jours d’eau potable.
Le bateau n’avait, contrairement à d’autres incendiés ou coulés, reçu aucun obus ni aucune roquette. Seules quelques balles perdues avaient touché le navire, dont l’une avait coupé le cordage qui retenait le pavillon iranien…
L’évacuation n’a pas été facile, même si elle s’est terminée par un succès total. Il a fallu trois heures de temps et six voyages en canot pneumatique, manœuvré à la rame pour ne pas faire de bruit, pour ramener à terre les 48 hommes, puis encore un voyage pour amener jusqu’au bateau la demi tonne de vivres destinés aux hommes restés à bord.
En la présence du commandant Saez, chargé par son gouvernement de superviser l’opération, les commandos irakiens ont assuré le bon déroulement des rotations du canot pneumatique, alors que des tirs d’armes lourdes et automatiques étaient échangés plus loin entre les deux rives.
Les 48 marins, fatigués par de longues semaines d’attente au milieu des combats et amaigris par le manque de nourriture ont cependant déclaré qu’ils n’avaient jamais perdu le moral.
D’autres bateaux se trouvent encore dans la zone critique. Quant aux navires abandonnés, ceux qui se trouvent hors de portée des tirs ont en partie été remorqués par la marine irakienne jusqu’au port de Bassorah.
Il reste encore un certain nombre d’épaves de bateaux brûlés ou coulés aux environs du port de Khorramchahr, qui rendent pour l’instant aléatoire tout déplacement dans le Chatt el-Arab car leur présence, quand elles sont totalement immergées, n’est signalée par aucune bouée.
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22 octobre
ICI BAY A BAGDAD AVEZ VOUS INFO AU SUJET D UN CESSEZ LE FEU
ACCEPTE PAR TEHERAN ? MERCI REPONDRE
MOM PLS
ICI DAVID BONJOUR ???
BJOUR ICI PIERRE AVEZ VS QQCHOSE LA DESSUS OU EST-CE BIDON ??
N AVONS RIEN SUR LA COPIE A CE SUJET SIMPLEMENT
QUE LE PARLEMENT IRANIEN A DECIDE DE S SE REUNIR DIMANCHE
POUR DISCUTER DES OITAGES ???
OK DONC BIDON SI QQCHOSE D IMPORTANT MERCI DEMANDER A
PARIS OU BAHREIN M APPELER TPHOME AU MANSOUR CMBRE 415 OK
QUESLSONT VOS PROJETS ???
PARIS ME DEMANDA VS ATTENDRE MAIS NE PEUX RESTER QUE DEUX JOURS
BECAUSE VISA FINISHED OK
J AI DIT EXACTEMENT LE CONTRAIRE A BOLO HIER SOIR J LUI
FAISANT SAVOIR QUE JE NE PEUX PAS PREJUGER DE MON VISA ET
QUE PAR CONSDEQUENT JE PREFER DE BEAUCOUP VOUS ATTENDRE
A BEYROUTH DONC OK COMME CA ???
JE PREFER AUSSI SI OK JE PARS DEMAIN MATIN POUR AMMAN OK
OUI ET NOUS DISCUTERONS INCI
FORM IDABLE MERCI AMTS BIBI
BIBI
TIME 005.0 MINS
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23 octobre
Enfin, le retour ! Un mois exactement a passé, interminable, sans week-end ni aucune interruption, ponctué d’alertes, de nuits mal dormies, de déplacements hasardeux, d’engueulades au téléphone avec ma rédaction, d’engueulades avec les Irakiens, de mauvais sandwiches, d’un fond sonore permanent avec ces marches militaires pompeuses et répétitives… Mais aussi l’adrénaline en permanence, les surprises, les émotions, quelques satisfactions, beaucoup de déceptions, beaucoup d’attentes.
Le risque était fréquent mais comme toujours sur un théâtre d’opérations, quand on est pris par l’action avec ses contraintes techniques, on n’en a pas conscience – les peurs sont rétrospectives et paradoxalement, la peur d’être expulsé gommait toutes les peurs physiques car elle signifiait sortir du terrain de jeu, comme un carton rouge.
Comme la plupart de mes confrères, j’ai fini par ressentir une grande distanciation, venant du fait que nous n’éprouvions de sympathie si pour Bagdad, ni pour Téhéran, même si souvent l’arrogance irakienne nous insupportait. Mais la peur de l’inconnu avec le régime des mollahs, l’incertitude sur le sort des journalistes capturés en franchissant les lignes iraniennes, faisaient que nous n’avions aucune complicité avec « en face ». Ce qui en fin de compte donnait plus de neutralité et de sérénité aux analyses, que nous partagions presque tous.
Car l’amusant est que nos visas d’un mois arrivant à expiration en même temps, les Irakiens en ont profité pour nous repousser tous ensemble vers la Jordanie, sans renouveler de visas pour d’autres journalistes. Le « Bagdad Circus » s’est arrêté presque d’un coup, le régime de Saddam Hussein ayant changé sa stratégie de guerre et sa manœuvre médiatique.
Le repli sur Beyrouth sera l’occasion de quelques papiers-bilan écrits après mûre réflexion et avec plus de recul qu’à Bagdad. Plus difficiles à vendre parce « c’est pas du news, ça, Coco ! » Aucune agence, aucun quotidien, aucun hebdo même n’auraient pu écrire à ce moment-là que l’Irak et l’Iran allaient s’affronter pendant encore huit ans, pour revenir à la case départ des frontières d’avant l’attaque irakienne. C’était le travail des think tanks et des instituts de stratégie, pas celui de la presse qui se contentait de ramener une vague intuition qu’on allait dans ce sens.
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24 octobre
La situation dans le Khouzistan
Beyrouth, 24 octobre – La prise, annoncée vendredi par Bagdad, de la ville iranienne de al-Mohammara (Khorramchahr) dans le Khouzistan iranien, mais démentie aussitôt après officiellement par Téhéran, représenterait si elle se confirme une menace sérieuse pour la ville d’Abadan, à 15 km au sud-est, estiment les observateurs.
Abadan est située sur une sorte de presqu’île, protégée par trois voies d’eau représentant des obstacles sérieux pour tout agresseur : à l’ouest le Chatt el-Arab, large d’environ 300 mètres, au nord le fleuve Karoun, d’environ cent mètres de large, qui traverse la ville de Khorramchahr, à l’est enfin le Khawr Bahmechir, bras secondaire du Karoun qui se dirige vers la mer et dont la largeur varie entre cinquante et cent mètres.
Les deux seuls accès à la ville sont le pont de Khorramchahr, par lequel passe la route reliant Abadan à Ahwaz par l’ouest du Karoun, et le pont de KharKhareh, à la sortie nord-est d’Abadan, reliant cette ville à Ahwaz par la rive est.
La vaste opération lancée leur traversée du fleuve Karoun, la semaine dernière, par les forces irakiennes autour d’Abadan n’aurait pas encore permis, selon certains informations, la prise du pont de Kharkhareh.
En revanche, Bagdad a affirmé vendredi contrôler complètement le pont de Khorramchahr, ainsi que les routes y conduisant. L’agence irakienne INA a précisé qu’en « prenant le contrôle du pont sur le Karoun », l’armée irakienne « a parachevé le siège de la ville d’Abadan ».
Si cela se confirmait, les Irakiens auraient en effet ouvert une brèche importante dans le dispositif de défense iranien qui pourrait leur permettre d’arriver rapidement aux faubourgs nord d’Abadan.
Cependant les observateurs notent que depuis le début de la guerre, la position officielle des autorités irakiennes était de contrôler les quatre villes importantes de l’ouest du Khouzistan : Khorramchahr, Abadan, Ahwaz et Dezful, en prenant leurs voies de communication et en les isolant.
Le combat à l’intérieur de ces villes semblait être une étape ultérieure et non obligatoire. D’autant que, selon un colonel irakien interrogé cette semaine par des correspondants étrangers sur le front d’Ahwaz, le but de l’armée irakienne est « de détruire l’armée qui nous fait face et non pas de bombarder les civils ou de détruire leurs villes, car leur population est à majorité arabe ».
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L’importance du problème religieux
Beyrouth – Dans la guerre de propagande que se livrent actuellement l’Irak et l’Iran, parallèlement aux opérations militaires, la religion semble prendre une place importante, chacun accusant l’autre d’infidélité à Dieu, remarquent les observateurs à Beyrouth.
Alors que la presse iranienne continue à accuser les dirigeants basistes de Bagdad de persécuter les Chiites, la presse irakienne s’en prend de son côté aux dirigeants « Mazdéens » (ancienne religion de la Perse) de Téhéran.
Dans son intervention devant le Conseil de sécurité, la semaine dernière, e Premier ministre iranien, M. Mohamed Ali Radjai, avait notamment accusé le fondateur et secrétaire du parti Baas, Michel Aflak, chrétien de rite grec-orthodoxe, d’être un « franc-maçon ».
De son côté le président irakien Saddam Hussein, qui a effectué la semainbe dernière une visite à Kerbala, lieu saint chiite, a appelé à la lutte contre le régime de la « Djahiliya » (« l’ignorance » ou période antérieure à la révélation du prophète) en Iran.
Au début de cette semaine, les correspondants étrangers en Irak ont remarqué une nouvelle affiche : sur le fond du drapeau irakien, un simple slogan, « Allahou akbar » (Dieu est le plus grand). De même, ils ont pu remarquer qu’à côté des portrats du président Saddam Huss’ein en tenue de maréchal ou en treillis de combat avec le keffieh sur la tête, on trouve désormais la photo du président en simple croyant, agenouillé sur son tapis de prière, désirant bien rappeler ainsi que l’Irak est un pays musulman, même si la doctrine du Baas s’inspire d’idées laïques et s’il compte dans ses rangs un nombre important de chrétiens.
A côté des thèmes du nationalisme arabe, le thème religieux a pour l’Irak une signification particulière, estiment les observateurs : malgré l’expulsion de plusieurs milliers de ressortissants iraniens ou de proche origine iranienne, au printemps dernier, le gouvernement irakien s’efforce de neutraliser l’impact éventuel des idées de la Révolution islamique iranienne sur la minorité chiite de l’Irak.
A ce propos, les correspondants de presse en Irak ont observé que les bombardements aériens iraniens, s’ils ne ménagent pas Bagdad et le Kurdistan (à population sunnite), ont toujours ménagé le sud irakien (à majorité chiite), à part les objectifs strictement économiques.
Mais en dénonçant à son tour « le régime impérial raciste et athée » qui a « rallié à lui les partisans du régime impérial mazdéen », la propagande irakienne rappelle que l’Iran a aussi des minorités qui supportent mal, même au nom d’une Révolution islamique, la perpétuation d’un régime centralisé à Téhéran.
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26 octobre
Avec les forces irakiennes : bilan
Beyrouth, 26 octobre – En un mois de séjour en Irak, et 5.000 km de routes et de pistes, l’envoyé spécial de l’AFP n’a fait qu’entrevoir la guerre. S’il a plusieurs fois pénétré loin en territoire iranien, il n’a en revanche pu arriver jusqu’aux premières lignes de combat que deux fois, dont une clandestinement, comme la plupart de ses confrères.
Après la « disparition » de trois journalistes français qui, dans leur élan, avaient traversé les lignes du côté de Khorramchahr et s’étaient retrouvés prisonniers chez les Iraniens, les responsables irakiens de l’information ont tout fait pour la sécurité des quelque trois cents correspondants étrangers arrivés dès le début de la guerre.
Et comme la guerre est dangereuse, ces journalistes n’ont pu faire que du tourisme en arrière de la bataille, arrivant parfois à entrevoir les combats mais toujours de loin, le long des 600 km de front.
Paradoxalement, il leur est souvent arrivé d’avoir l’impression de faire un circuit touristique : la traversée des champs de bataille, signalés par de rares carcasses de chars détruits, se faisait tranquillement dans de luxueux et confortables autocars à air conditionné, aussi bien pour se rendre à Qasr e-Chirine (front nord) qu’à Mehran (centre), à plus de vingt kilomètres en territoire iranien.
Ce n’est que sur le front sud que, sans doute en raison de la présence des Phantom iraniens, les déplacements vers Ahwaz, Khorramchahr et Abadan (par le pont sur le Karoun) se faisaient en véhicules tout-terrain plus discrets.
Quelques journalistes ont essayé de se rendre au front, malgré l’interdiction, en taxi. A part les trois Français déjà cités, l’aventure s’est bien terminée pour tout le monde malgré quelques balles dans la carrosserie des voitures. En raison du contrôle militaire sur le pont qui enjambe le Chatt el-Arab à la hauteur de Bassorah, l’escapade consistait à longer la rive irakienne du Chatt el-Arab jusqu’à la hauteur de Khorramchahr ou d’Abadan, puis à s’approcher de l’eau à pied, à l’abri des palmiers et des roseaux, pour voir de plus près (200 à 300 mètres) l’armée iranienne embusquée sur l’autre rive et témoigner ainsi : « j’ai vu la guerre irako-iranienne… »
Malheureusement les francs-tireurs d’en face étaient bien sûr cachés et les aventureux correspondants qui se haussaient pour tenter de voir quelque chose déclenchaient immanquablement leurs tirs : eux non plus n’étaient pas coopératifs.
Malgré toutes les difficultés, les journalistes ont pu se rendre compte de certains aspects étonnants de cette guerre, vue du côté irakien. C’est ainsi que les champs de bataille ressemblaient plutôt à de gigantesques chantiers de travaux publics.
Rouges, jaunes, verts et sans aucun camouflage, de rutilants bulldozers, des pelleteuses et des excavatrices de toutes nationalités se trouvent par centaines, jusqu’aux premières lignes, dans un incessant ballet autour des chars. Creusant des abris, édifiant des murs et surtout construisant des routes goudronnées, ces engins confirment en tous cas l’impression que l’armée irakienne est là pour rester.
Cette tactique consistant à s’assurer des protections après chaque progrès sur le terrain n’est as seulement le résultat de la tactique soviétique consistant à déplacer l’artillerie et le génie derrière les blindés. Elle vise sans doute à pallier l’insuffisance de la couverture aérienne et à protéger les chars contre les avions iraniens qui semblent se promener librement au-dessus d’eux, en l’absence de tout MiG irakien.
Contrastant avec cette apparente facilité des Iraniens dans les airs, les correspondants ont constaté, malgré sa lenteur, la relative facilité de l’avancée irakienne au sol : peu de traces de combats de chars, les épaves étant le plus souvent celles de camions iraniens, comme si l’armée iranienne se contentait de ralentir l’avancée irakienne sans lui porter de coup d’arrêt.
Dernier contraste enfin, et non des moindres, l’acharnement du seul combat urbain, à Khorramchahr, par rapport aux combats en terrain dégagé. L’explication est double : du côté irakien, il est évident que c’est une guerre « à l’économie », autant par la proportion relativement faible des forces engagées par rapport au matériel disponible vu à l’arrière par les correspondants, que par le souci de préserver les combattants et éviter ainsi les répercussions politiques de pertes humaines trop importantes.
Du côté iranien, la violence des combats urbains est sans doute due au fait que, contrairement aux champs de bataille où l’armée régulière se retire en bon ordre, les villes sont défendues pied à pied par les Pasdaran, prêts à se faire tuer jusqu’au dernier plutôt que de reculer.
Frustrés de se trouver à proximité du front sans pouvoir s’y rendre, les journalistes ont mis à profit les innombrables témoignages recueillis à Bassorah pour compléter leur information : techniciens étrangers ou marins se trouvant sur les bateaux à l’intérieur même du port de Khorramchahr et dans le Chatt el-Arab – tout un réseau d’information a pu fonctionner avec efficacité pendant le premier mois de guerre pour suivre sinon visuellement, du moins par recoupements, et malgré les obstacles officiels, l’évolution des combats dans ce secteur du front sud.
…
Mon journal de la guerre Irak-Iran s’arrête après un mois de reportage sur le terrain. Mais le terrain va s’élargir jusqu’à Beyrouth et les deux pays vont s’affronter ouvertement dans la banlieue sud de Beyrouth entre milices pro-iraniennes et pro-irakiennes, qu’elles soient libanaises ou palestiniennes. On verra même, un peu plus tard, un duel au mortier entre les deux ambassades ! Le combat s’achèvera par la disparition de l’une des deux, soufflée par l’explosion d’un camion piégé amené jusque dans son parking souterrain. Il ne restera plus de l’ambassade d’Irak qu’un vaste cratère… Mais ceci est une autre histoire.
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