Il y a ceux qui écrivent l’Histoire, en recoupant analyses, témoignages, archives. Et il y a ceux qui la font, sans le savoir, en prenant des notes tout au long d’un événement exceptionnel. « X30 dans le sable – les Dragons du désert », c’est le journal de marche d’un sous-officier de 21 ans, chef de char AMX-30 B2, ayant participé à la guerre du Golfe au sein de la division française Daguet en 1990-91.
Engagé au 4e Régiment de Dragons début 1988, où il renforce ses compétences de chef de char au sein du 2e escadron, Jess va participer à la montée en puissance de ce régiment amalgamant des engagés d’autres régiments de chars, la décision ayant été prise par le président de la république de n’envoyer que des professionnels dans le Golfe. Il raconte ainsi les préparatifs, l’embarquement, la traversée jusqu’à Yanbu, la colonne de porte-chars pour traverser le désert…
Il va donc tenir un journal au jour le jour, heure par heure, où les détails techniques et les préoccupations matérielles alternent avec les émotions, les interrogations et les réflexions philosophiques sur la vie, le danger, la mort, la solitude, les liens de famille et d’amitié, les rencontres avec les conducteurs saoudiens et les bédouins…
Les guerres donnent toujours lieu à une abondante littérature sur les chefs, les stratégies, les batailles. Il est plus rare qu’un combattant de base fasse le récit de son expérience du combat, dans laquelle il est en général totalement occupé. Le capitaine Gervais nous a donné ses « Souvenirs d’un soldat de l’Empire », écrits bien après les guerres napoléoniennes auxquelles il a participé. D’autres témoignages ont fait revivre la guerre de 1914-18 et la guerre de 1939-45, puis les engagements français en Indochine et en Algérie. Curieusement, la Guerre du Golfe a donné lieu à peu de publications, sans doute parce que l’engagement a été si rapide et aussi parce que les pertes ont été limitées pour un contingent français placé à l’extrême ouest du dispositif de la coalition déployée pour libérer le Koweït, face à des défenses irakiennes amoindries par un massif bombardement aérien de plusieurs semaines avant l’engagement terrestre.
Il n’empêche, lorsqu’ils sont partis au combat pour « Tempête du Désert », les militaires français étaient conscients d’un danger réel, celui d’une armée irakienne puissamment armée et qui dans le passé avait montré qu’elle n’hésitait pas à utiliser l’arme chimique. Avant même son engagement, le déploiement français dans le désert saoudien sera rythmé par les alertes aux missiles Scud et la nécessité de s’équiper de la combinaison de protection et du masque NBC, un exercice particulièrement fastidieux à l’intérieur d’un char. Il raconte aussi les pépins mécaniques et les accidents de navigation dans le désert, notamment lorsque son engin “chavire” dans une vague de sable.
Jean-Stéphane Laudy, qui préfère signer de son surnom et de son trigramme de combat Jess LDY, se bat depuis des années pour le souvenir de la mission Daguet et du sacrifice de ceux qui ne sont pas revenus. Contre l’indifférence et l’oubli, il a été l’un des fondateurs de l'ACGG, l'association des combattants de la Guerre du Golfe. Il fait partie de ceux, nombreux parmi les anciens, qui n’ont pas oublié leur chef le général d’armée Michel Roquejeoffre, récemment parti dans une trop grande discrétion.
C’est pourquoi il s’est décidé à réunir les notes prises pendant cet engagement, et qu’il avait commencé à prendre sur le terrain « pour que mes parents aient les vraies infos si j’y restais. » Ce journal, resté « dans la cantine de mes souvenirs pendant des dizaines d’années », a été ressorti sous la pression amicale de ses camarades, le souvenir de Daguet commençant à s’estomper, au moins dans l’opinion publique. Il n’a pas été réécrit, il a donc l’authenticité d’un journal de marche et intéressera aussi bien les spécialistes des blindés et de la chose militaire qu’il touchera le public plus large de ceux qui voudraient comprendre cette guerre en suivant le courageux cheminement d’un combattant de base. Une transmission familiale aussi, Jess a fait ce recueil pour sa fille Sarah, qui elle aussi a choisi le métier des armes et vient de partir comme lui à 22 ans, en OPEX au Moyen-Orient. Une très belle transmission d’expérience !
Publié à compte d’auteur pour ses camarades du régiment, donc non diffusé dans les librairies, ce témoignage illustré est cependant disponible sur commande, mais dans la limite du tirage réalisé, en s’adressant à : [email protected]