Nouveau stage de croisière en Manche chez TML Voile, départ du Havre, escales prévues à Ouistreham, Honfleur et Fécamp, météo offrant tout l’échantillonnage de ce qu’on peut rencontrer en mer : froid, houle, vent force 6, pluie, bruine permanente, brouillard épais, chute de vent, rafales… Un temps génial pour apprendre, ce qui est le but des stages chez TML, merci à cette association 1901 affiliée à la FFV et à ses moniteurs.
Cette fois, trop d’eau arrivant de partout, entre la pluie ruisselante et les paquets de mer, pour sortir la caméra. Lors des stages précédents en fin d’année dernière, une météo relativement clémente m’avait permis de filmer quand je n’étais pas à la barre, au piano ou en pied de mat à prendre ou larguer un ris, et j’avais fait deux météos rapides, “Week-end havrais” et “Force 7”. Je me contente donc d’un récit rapide avec quelques photos de mon appareil étanche (indispensable accessoire), juste pour donner l’envie à ceux qui ne se risquent pas en Manche l’hiver d’aller y faire un tour : personne en mer, des ports déserts quand ils ne sont pas fermés pour travaux comme à Deauville, une impression d’être au bout du monde à moins de vingt milles du Havre. L’aventure, quoi… Juste ce qu’il faut avec un équipage réduit, un skipper, Eric, et trois équipiers, rené, Ludovic et moi.
Lundi, embarquement, avitaillement, redécouverte du voilier Mambo, un Sun Fast 37, révision rapide des dispositifs de sécurité, un peu de navigation sur la carte du littoral normand et de l'estuaire de la Seine, calcul des marées, des courants, un regard sur la météo pas terrible, avis de coup de vent pour 18h, juste le temps d’arriver à Ouistreham contre un fort vent de nord-ouest.
Départ serein, on tire des bords pour éviter le chenal, on prend un puis deux ris, le temps de s’amariner et c’est parti. La houle est en travers face à nous, le vent ressenti très fort, le mal de mer pointe son nez pour certains. Au bout de trois heures assez physiques, les deux plus mal en point proposent de viser un port plus tôt que Ouistreham. Cap sur Deauville !
Belle station en saison, Deauville a mis son manteau des mauvais jours. Marina fermée pour entretien, bien qu’on soit dans la bonne marée, et port d’attente également fermé pour travaux, on nous fait des grands signes pour signaler que la porte ne passe pas. Demi-tour et cap sur le large, pas fiers à cause du BMS… Le skipper décide de regagner le Havre au portant pour être à l’abri à temps. Au moins la nuit au port sera confortable, et l'accès aux douches est gratuit même sans jeton !
Mardi redépart pour Ouistreham, mer formée mais vent plus clément. Navigation longue et froide, la pluie nous accompagne par intermittence, on arrive quand même à bien distinguer la côte pour tomber pile sur le port. Expérience toujours amusante de l’écluse, la marina est pleine de bateaux… mais vide de plaisanciers. Nous nous mettons à couple d’un voilier habité, sans doute le seul. C’est une famille avec deux petits enfants qui nous aide à amarrer, dans la cabine on voit sur le bloc cuisine une assiette avec une pile de crêpes et un pot géant de Nutella, le bateau s’appelle Pokémon… c’est le royaume des enfants ! La marina doit être belle en été au milieu des arbres, là elle est simplement à un quart d’heure à pied d’un centre désert, en visant la passerelle du bon côté de l’écluse. Quant à la capitainerie elle est déjà fermée, pas d’accès aux douches, il faudra attendre demain…
Mercredi on part plein est, remontant l’estuaire de la Seine jusqu’à Honfleur. Calcul de marée oblige pour remonter la Seine avec le bon courant, même si avec la largeur on a encore l’impression d’être en mer. On navigue hors du chenal, emprunté par les gros cargos qui remontent vers Rouen. Arrivée en fin d’après-midi, passage de la petite écluse avec les chalutiers, la marina est dans l’avant-port. Rebelote, pas d’accès ouvert pour les sanitaires et la douche, on est vraiment très loin de la saison.
Le vieux port est toujours aussi beau avec ses vieux gréements, dont “L’Union fait la force”, un voilier de pêche de 14 m construit en 1949 et restauré en 2008, en “attente d’un budget voiles” – avis aux soutiens possibles (contact 0687300471).
Juste en face, entre deux voiliers plus importants, un gracieux Bianca 101 Aphrodite à la poupe effilée, déjà vu l’année dernière au Havre. Un bon dîner marin au bord du port, de quoi se refaire une santé, et c’est reparti pour une nuit à bord, mais au calme.
Jeudi au petit matin, il faut marcher un bon quart d’heure pour trouver un café ouvert avant huit heures. On est loin de la foule des plaisanciers ! Abaque des marées, étude du trajet, étude des courants, ça commence à rentrer. Mise en place devant l’écluse, départ à l’ouverture de la porte, on reprend la Seine avec la marée descendante, mais cette fois avec un vent de nord-ouest : on tire des bords en comptant les bouées pour arriver jusqu’à la 6, avant laquelle il est imprudent de quitter le chenal à cause des hauts fonds à marée basse. Avec un sondeur tombé en panne, c’est un bon exercice de calculer les coefficients et les hauteurs d’eau sur la carte pour tracer une route sûre. La difficulté réelle consiste à travailler sur une table à carte qui roule sans se précipiter à l’air libre pour respirer un grand coup.
On longe Le Havre sans histoire, on passe le cap de la Hève, puis on remonte vers Antifer désert, la gite est régulière et le bateau stable. On aborde les falaises d’Etretat avec une petite brise, mais un brouillard qui vient de la terre enveloppe progressivement le sommet des falaises. Paysage spectaculaire, un peu lunaire, pas un bateau à l’horizon. La lumière tombe et le brouillard nous enveloppe, on remonte au plus près pour ne pas perdre le rivage de vue, et au dernier moment surgissent de nulle part les deux pylônes d’entrée de Fécamp. Une vraie chance de les avoir vus à temps pour manœuvrer et enfiler l’entrée assez étroite, poussés par les vagues mais avec un vent latéral. La marina, en tournant dans la droite du port, est tout aussi déserte qu’ailleurs, avec un ponton visiteurs apparemment délaissé depuis des mois : une couche de guano de mouette rend le ponton glissant et surtout salit nos bottes et le pont du voilier pendant l’amarrage.
On commence à s’y habituer, la capitainerie a fermé à 17 heures, pas d’accès aux sanitaires et aux douches chaudes après cette journée de navigation belle mais fraîche. Cidre et bière normande au Vieux Boucanier pour se requinquer, quelques provisions pour le dîner, nuit plutôt calme sauf le clapot qui tend les amarres et le bruit de leur frottement.
Vendredi, dernier départ pour le retour au Havre, météo sereine, ciel presque dégagé, bonne visibilité, un vent tranquille de sud-sud-est qu’il faut remonter en longeant les falaises cette fois bien visibles. Arrivée sans encombre, les derniers bords sont toujours les plus longs pour viser l’entrée du port sans emprunter le chenal réservé aux cargos. Nettoyage final au jet et à la brosse, merci les mouettes, le bateau est rangé avec soin, un dernier bilan et on se quitte heureux d’avoir tant appris et de regagner le sec… mais prêts à repartir. Merci TML, merci Eric et Alain, et à très bientôt !