Même s’il n’est jamais passé par la gare de Bellevue, l’Orient Express de nos rêves les plus lointains a fait un arrêt prolongé au “Centre d’art et de culture Robert Doisneau” de Meudon, deux ans après avoir exposé sa locomotive, la rutilante 230 G.253 d'Epernay, et ses wagons devant l’Institut du Monde arabe dans le 5e arrondissement de Paris.
Cette fois pas de locomotive ni de wagon grandeur nature, mais des fragments de voiture, des intérieurs avec leurs panneaux décoratifs originaux, des compartiments reconstitués : wagon-restaurant, salon, cabine, complétés par les objets et accessoires de la compagnie
C’est une collection unique, et privée, qui se visite en moins d’une heure – ou une demi heure si on était pressé, mais ce serait dommage – et qui emmène le visiteur loin, très loin dans ses souvenirs. L’expo est ouverte jusqu’au 27 mars, l’entrée est gratuite et on ne s’y bouscule pas, un plaisir…
On y découvre d’abord un morceau de wagon-restaurant en grandeur réelle, la voiture Pullman N°4036 de la Flèche d’Or Paris-Londres, par la fenêtre de laquelle on découvre la salle à manger avec son décor luxueux et ses accessoires, tels qu’ils étaient jusqu’à la fin du service de ces trains. L’histoire remonte en fait aux débuts de la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL) pour nous emmener à travers la Flèche d’or, le Train bleu du PLM (Paris-Lyon-Marseille), L’Orient Express Paris-Istanbul et son dernier avatar, le “Venice-Simplon-Orient-Express” qui a existé jusqu’en 2005, lorsque le groupe Accor a racheté la CIWL.
Les premières voitures étaient en bois peint, c’était le cas du fameux wagon N°2418 dans lequel le maréchal Foch a signé l’armistice à Rethondes le 11 novembre 1918. Puis c’est avec les wagons métalliques qu’est généralisée la livrée caractéristique bleu et or, reprenant les couleurs de l’uniforme du directeur de la compagnie qui resteront la livrée de toutes les voitures-restaurant des trains de nuit.
Une cabine reconstituée et un éclaté de wagon-lit montrent la disposition de jour, avec les lits repliés et une confortable banquette, puis la disposition à un, deux ou trois lits que le contrôleur venait déplier à l’heure du coucher, quand on lui remettait les passeports pour les contrôles douanier nocturnes… Dans le coin de la porte, une tablette se relevait sur le guéridon d’angle, révélant un petit lavabo.
Panneaux décoratifs, ambiance feutrée, c’est ce qu’on trouvait encore dans le Train Bleu qui reliait Paris à Vintimille et s’arrêtait dans toutes les gares de la Côte d’Azur, avant d’être progressivement supplanté par le Mistral, train de jour rapide Paris-Nice, l'ancêtre du TGV.
Le décor luxueux de l’Orient Express et des wagons-lits en général est entré dans la mémoire collective pas seulement par les souvenirs des plus anciens, mais aussi par la littérature et le cinéma, d’Agatha Christie à Alfred Hitchcock, avec des réminiscences d’ambiance feutrée et mystérieuse mais toujours haut de gamme…
Témoin unique d’un glorieux ancêtre, la plaque en métal du Transsibérien, reconnaissable car le mot “européens” n’y figure plus. Ce train de luxe, qui comportait une voiture gymnase et une voiture chapelle, a été supprimé au moment de la révolution russe de 1917 – le Transsibérien sera rétabli plus tard par l’URSS, sous une forme différente.
Clin d’oeil final qui montre que l’’exposition est quand même légitime à Meudon, une affichette de la CIWL présente le Pavillon de Bellevue parmi les Palace Hôtels, avec un “restaurant de premier ordre, caves renommées, vue splendide sur Paris et la vallée de la Seine”. Ce Pavillon étant “relié à la place de l’Opéra (agence des wagons-lits) par un service de mail-coachs et d’automobiles, avec arrêt à l’Elysée-Palace Hôtel”.